
Narendra Modi n'a pas obtenu de majorité absolue et doit maintenant négocier avec ses alliés. Au lendemain d'un revers inattendu pour le Bharatiya Janata Party (BJP) du Premier ministre, les dirigeants des différents partis politiques tentent de consolider leurs positions et de renforcer leurs alliances.
Sans le raz-de-marée en sa faveur annoncé bien avant le début des élections législatives, Narendra Modi risque de se voir confier un troisième mandat beaucoup plus difficile que prévu.
Le BJP n'a plus la majorité absolue au Parlement mais il devrait être en mesure de former un gouvernement, à la tête d'une alliance de petits partis.
Les partis Telugu Desam Party (TDP) et Janata Dal United (JDU), qui ont remporté 28 sièges à eux deux, ont déclaré soutenir l'alliance du Premier ministre.
"Cela obligera Modi à adopter le point de vue des autres – nous allons voir plus de démocratie et un Parlement sain", a déclaré Nilanajan Mukhopadhyay, auteur d'une biographie du Premier ministre. "Il va devoir être le leader qu'il n'a jamais été. Nous allons voir un nouveau Modi."
Le mandat "des grandes décisions"
Mercredi, plusieurs chefs d'État ont félicité le Premier ministre indien pour sa victoire. "Nous félicitons la coalition au pouvoir dirigée par le Premier ministre Modi pour sa déclaration de victoire", a déclaré le porte-parole du gouvernement japonais, Yoshimasa Hayashi. "L'Inde est un partenaire important pour la réalisation d'une région Indopacifique libre et ouverte, et nous continuerons à renforcer les relations entre le Japon et l'Inde", a-t-il ajouté.
"Tout le monde dans le monde reconnaît l'importance et le poids du rôle de l'Inde dans les affaires mondiales", a de son côté réagi le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, sur les réseaux sociaux. "Il est essentiel que nous travaillions tous ensemble pour garantir une paix juste pour toutes les nations."
I welcome the successful holding of the world’s largest democratic elections in India. Congratulations to Prime Minister @NarendraModi, the BJP, and BJP-led NDA on the third consecutive victory in India's parliamentary elections.
I wish the people of India peace and prosperity,…
"La Chine voudrait adresser ses félicitations" à Narendra Modi ainsi qu'à son parti, et elle "est prête à travailler avec l'Inde pour promouvoir le développement sain et stable des relations entre les deux pays", a quant à lui déclaré à la presse Mao Ning, porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
Quelque 642 millions d'Indiens ont voté dans ce scrutin qui s'est déroulé en sept phases, étalées sur une période de six semaines.
Le dirigeant de 73 ans a célébré la victoire dès mardi soir, estimant que le résultat de l'élection lui permettait de poursuivre son programme, tandis que ses partisans fêtaient l'événement dans tout le pays.
"Ce troisième mandat sera celui des grandes décisions. Le pays va écrire un nouveau chapitre de son développement. Je vous le garantis", a déclaré Narendra Modi devant une foule en liesse dans la capitale, New Delhi.
"Nous sommes très heureux des résultats", a déclaré Archana Sharma, employée de bureau de 36 ans, pro-BJP.
Pour Govind Singh, optométriste 38 ans, "une opposition forte est nécessaire" mais le gouvernement devrait disposer d'une majorité parlementaire, "c'est essentiel pour tout pays".
"Nous ne voulons pas de vous"
Le BJP a remporté 240 sièges au Parlement, à 32 sièges de la majorité absolue et nettement en deçà des 303 sièges gagnés en 2019.
Contre toute attente, le Congrès, principal parti d'opposition, a acquis 99 sièges, doublant presque son score de 2019 (52 sièges).
"Le pays a dit à Narendra Modi : 'Nous ne voulons pas de vous'", s'est félicité le chef de file de l'opposition, réélu haut la main dans la circonscription méridionale de Wayanad.
La plupart des analystes et les sondages de sortie des urnes avaient prédit le triomphe de Narendra Modi, accusé par ses détracteurs d'instrumentaliser la justice avec l'emprisonnement de dirigeants de l'opposition et de bafouer notamment les droits des minorités religieuses, dont plus de 200 millions d'Indiens musulmans.
Le Premier ministre a été réélu dans sa circonscription de Varanasi avec une marge bien plus faible qu'il y a cinq ans.
Désormais dépendant des alliés de sa coalition, le BJP devra chercher le consensus pour faire voter ses textes au Parlement.
"La possibilité qu'ils jouent de leur influence, encouragés par des propositions du parti du Congrès et d'autres membres de l'opposition, sera une source d'inquiétude constante pour le BJP", souligne le quotidien Times of India.
Selon Hartosh Singh Bal, journaliste politique du magazine The Caravan, Narendra Modi doit maintenant "travailler avec ses partenaires d'alliance (...), qui peuvent se retirer à tout moment".
Le siège du Congrès était dans l'allégresse mardi soir à New Delhi.
"Le BJP a échoué à obtenir une large majorité à lui seul", a déclaré à la presse Rajeev Shukla, député du Congrès. "C'est une défaite morale pour eux."

L'opposition a peiné devant la puissante machine de campagne du BJP, abondamment financée, et des poursuites judiciaires à l'encontre de plusieurs de ses dirigeants.
La minorité musulmane a exprimé son inquiétude pour son avenir et celui de la Constitution laïque de l'Inde que le programme nationaliste hindou semble menacer.
Avec AFP