Les étoiles s’accumulent sur le maillot du Stade toulousain, vainqueur, le 24 mai, du Leinster en finale de Champions Cup, pour le plus grand bonheur de son capitaine, le "martien” Antoine Dupont. Ce surnom lui a été attribué voilà quelques années par son coéquipier Cyril Baille, qui côtoie ce joueur étincelant depuis plusieurs années en club et chez les Bleus. "Des fois, j’ai l’impression qu'il vient d'une autre planète : malgré tout ce qui lui arrive, toute cette lumière, tout le monde qui le scrute tout le temps, il reste le même, serein", confiait le pilier dans un entretien à la revue Tampon.
Le demi-de-mêlée de 27 ans l’a encore démontré contre la province du Leinster, à l'issue d’une rencontre dont il a été élu le meilleur joueur. L'ancien international Jean-Baptiste Élissalde souligne dans L'Équipe "la certitude qui l’habitait durant cette finale, la manière dont il a pesé sur ce match". Pour lui, "un joueur comme Antoine Dupont, il n'y en a qu'un par siècle". Un phénomène, sacré meilleur joueur du monde dès 2021, qui ne cesse de progresser dans tous les secteurs du jeu au fil de sa carrière.
Redoutable attaquant ballon en main, Antoine Dupont semble ainsi avoir encore amélioré ses capacités défensives. Il l'a démontré, samedi dernier, à la 29e minute du match contre le Leinster en venant gratter, après une course de 50 mètres, un ballon dans les mains du talonneur irlandais Dan Sheehan qui venait d’être plaqué devant la ligne d’essai toulousaine. Antoine Dupont a eu les jambes pour effectuer une course folle, la solidité physique pour s’emparer du ballon et le bagage technique pour effectuer le geste défensif parfait.
The PACE on Dan Sheehan 😮💨
But that man Antoine Dupont made up for his mistake and keeps @leinsterrugby out...#InvestecChampionsCup pic.twitter.com/TUtSRp0JJB
Une médaille d’or à Los Angeles
Ce genre d’action décisive est fréquente dans le rugby à 7, où les joueurs évoluent sur un terrain de la même taille que pour le rugby à XV. Les espaces sont par conséquent bien plus nombreux. "Le 7 nécessite beaucoup de précision et de vitesse, ainsi que de l’efficacité. Les joueurs doivent réussir à repousser la fatigue, ce sont de véritables athlètes", explique Thierry Janeczek, ancien joueur et sélectionneur de l’équipe de France de rugby à 7.
Lui a pratiqué cette discipline dans les années 80, lorsqu'elle n’avait encore rien de professionnel. Au fil du temps, il a vu ce sport devenir de plus en plus exigeant physiquement et techniquement. "Ce n’est pas évident de tomber dans la marmite du 7. Il faut vraiment aimer se faire mal", explique-t-il, en soulignant la brièveté et l’intensité des matches de rugby à 7, qui se disputent en deux mi-temps de 7 minutes lors des phases de poule et de 10 minutes en finale.
Il se souvient qu'Antoine Dupont a manifesté très tôt son envie de pratiquer cette discipline, lorsqu'il était encore un joueur du Castres olympiques. Il avait alors tout juste 18 ans et commençait à s’imposer dans le rugby professionnel. "Il n'avait pas pu le faire à l’époque mais il possédait toutes les qualités. Et il s'est adapté avec beaucoup de facilité lors des tournois qu'il a joués cette année", explique Thierry Janeczek.
Libéré par son club et par la Fédération française de rugby qui s'est passée de lui pour le Tournoi des Six Nations, le joueur toulousain a disputé en février et mars deux étapes du circuit mondial, à Vancouver et Los Angeles. Avec deux médailles à la clef : la France a obtenu la troisième place au Canada et remporté la médaille d’or en Californie. Elle n’avait plus gagné une étape du circuit mondial depuis 2005 et avait alors réalisé cette prouesse à Paris.
Une saison marathon débutée l’été dernier
Si l'apport d’Antoine Dupont a été indéniable, Thierry Janeczek insiste sur le fait que ce joueur, remarquable sur les terrains nord-américains, a su “"se montrer à la hauteur de l'équipe qui l'accompagne. Dupont, c'est le dernier coup de pinceau d’un groupe qui tourne déjà très bien".
Il est dirigé depuis sept ans par Jérôme Daret, qui a repris cette équipe un an après le début de cette discipline aux Jeux olympiques, à Rio en 2016, et une 7e place pour les Bleus. Non qualifiée pour les JO de Tokyo, l’équipe masculine a depuis retrouvé du poil de la bête, avec notamment une 5e place l’an dernier sur le circuit mondial.
Jérôme Daret s'appuie sur un groupe d’une vingtaine de joueurs payés tout au long de l’année pour pratiquer cette discipline. Et lorsque le calendrier le permet, ils portent le maillot de leurs clubs respectifs et retrouvent le rugby à XV, à l’image du jeune Andy Timo qui a joué en Top 14, le 12 mai, avec le Stade français contre le Stade toulousain.
Antoine Dupont n’avait pas eu à rentrer lors de ce "clasico" du Top 14 largement gagné par Toulouse (49-18). La gestion des efforts est pour lui primordiale en cette saison marathon. Car son année sportive a commencé l'été dernier avec la préparation de la Coupe du monde 2023. Blessé au visage pendant cette compétition, Antoine Dupont a tout de même tenu sa place, le 15 octobre 2023, en quart de finale contre l’Afrique du Sud. Avec à la clef une frustrante défaite (28-29) face aux Springboks et une énorme désillusion pour le capitaine des Bleus.
Un Dupont à la flamme olympique
Antoine Dupont a repris la compétition avec le Stade toulousain un mois après l’élimination en Coupe du monde. Il a ensuite enchaîné avec brio les matches du championnat de France et de Champions Cup. Et il va désormais devoir réussir à se focaliser sur le tournoi olympique, qui commencera dès le 24 juillet, tout en disputant les phases finales du Top 14 qui se termine cette saison le 28 juin.
Si ce calendrier très chargé peut susciter des craintes pour sa santé, Antoine Dupont ne cesse de répéter qu’il a retrouvé de la fraîcheur mentale avec le rugby à 7 en se lançant dans un nouveau défi planétaire. Et il croit fermement dans ses chances de gagner un nouveau trophée à Paris. "Quand l'opportunité de disputer les Jeux olympiques avec l'équipe de France à 7 s'est présentée, il y a un et demi, j'ai vraiment senti que cette équipe avait le potentiel de gagner quelque chose aux JO", a-t-il récemment confié à la chaîne Rugby Pass TV.
Pour lui, les célébrations de la sixième étoile toulousaine n’ont été que de courte durée puisqu'il a retrouvé dès lundi le groupe français sélectionné pour le tournoi de Madrid. Objet de toutes les louanges de la part du gratin du rugby mondial, il a dû reprendre le chemin de l’entraînement et se remettre en mode rugby à 7,en pensant aux premiers adversaires de l’équipe de France dans la poule A (Australie, Argentine et Grande-Bretagne). Une adaptation qui ne doit pas trop inquiéter ses coéquipiers : chargé d’allumer le chaudron olympique à Toulouse le 17 mai, Antoine Dupont a déjà souvent prouvé qu’il savait entretenir la flamme dans toutes les compétitions et sur tous les terrains.
Tout feu tout flamme 🔥
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