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Nouvelle-Calédonie : après six morts, l'État lance son opération pour reprendre le contrôle de l'île
L'État est passé dimanche à l'offensive en Nouvelle-Calédonie, pour reprendre le contrôle de l'île débordée par les émeutes depuis lundi. Un convoi de 600 gendarmes est parti de Nouméa pour tenter de dégager la route principale, entravée par des barrages. Six personnes sont mortes, dont 2 gendarmes, depuis le début des combats sur fond de réforme du corps électoral.

Le gouvernement passe à l'offensive. L'État a lancé dimanche 19 mai son opération de reconquête en Nouvelle-Calédonie pour tenter de "reprendre totalement la maîtrise" du territoire, avec d'abord une opération d'envergure des gendarmes sur la route entre Nouméa et l'aéroport international, après six morts en six jours d'émeutes.

La colère des indépendantistes, provoquée par une réforme du corps électoral, a enclenché un cycle de violences qui a modifié le visage de l'archipel, après des jours et des nuits d'incendies, d'affrontements et de barrages.

En l'absence de vols depuis et vers la Nouvelle-Calédonie, suspendus depuis mardi, l'exécutif français a donné la priorité à la route entre Nouméa et son aéroport international.

Un convoi de 600 gendarmes

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé le début dimanche matin d'une "grande opération de plus de 600 gendarmes, dont une centaine du GIGN". Celle-ci doit permettre, a-t-il dit, de "reprendre totalement la maîtrise de la route principale de 60 km". 

Une grande opération de plus de 600 gendarmes, dont une centaine du GIGN, est lancée en ce moment même en Nouvelle-Caledonie visant à reprendre totalement la maîtrise de la route principale de 60 km entre Nouméa et l’aéroport. Courage et fermeté à nos gendarmes pour rétablir…

— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) May 18, 2024

L'opération a consisté à faire partir de Nouméa un convoi pour supprimer tous les obstacles sur cette route. Il est fait entre autres de blindés et d'engins de chantier qui déblayent le passage, dans un premier temps entre Nouméa et Païta.

Des journalistes de l'AFP ont constaté que dimanche à la mi-journée, à Nouméa et dans les communes avoisinantes, la circulation pour ceux qui voudraient sortir de l'agglomération en direction du nord-ouest restait entravée. Des indépendantistes filtrent le passage, par de très nombreux barrages, faits de pierres, d'engins divers ou d'autres objets, en fonction des véhicules qui se présentent.

Rétablir cette circulation presse d'autant plus que la Nouvelle-Zélande a annoncé dimanche avoir demandé à la France de pouvoir poser des avions, afin de rapatrier ses ressortissants.

"Nous sommes prêts à décoller, et attendons l'autorisation des autorités françaises pour savoir quand ces vols pourront avoir lieu en toute sécurité", a indiqué dans un communiqué le ministre des Affaires étrangères, Winston Peters.

Samedi, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie estimait que 3.200 personnes étaient bloquées en l'absence de vols, soit parce qu'elles ne pouvaient pas quitter l'archipel, soit parce qu'elles ne pouvaient pas le rejoindre.

Nouveaux renforts attendus

Les violences ont fait six morts, le dernier en date samedi après-midi, un Caldoche (Calédonien d'origine européenne) à Kaala-Gomen, dans la province Nord. Les cinq autres morts sont deux gendarmes et trois civils kanaks, dans l'agglomération de Nouméa.

Dans un communiqué dimanche matin, le Haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie a fait cependant état d'une nuit "plus calme".

"L'État se mobilise pour assurer la protection de la population et rétablir l'ordre républicain", a ajouté la représentation de l'État central. Elle a annoncé l'arrivée prochaine de "plusieurs centaines de forces de sécurité intérieure, de soutien logistique et opérationnel et de sécurité civile", en plus des renforts déjà envoyés.

"Au total, 230 émeutiers ont été interpellés" en près d'une semaine, a précisé le Haut-commissariat.

Reprendre le contrôle par la force devrait être un travail de longue haleine pour les forces de l'ordre. La violence dans certains quartiers chaque nuit montre que les émeutiers restent très déterminés.

"La réalité c'est qu'il y a (...) des zones de non-droit (...) qui sont tenues par des bandes armées, des bandes indépendantistes, de la CCAT. Et dans ces endroits, ils détruisent tout", affirmait samedi sur BFMTV le vice-président de la province Sud de la Nouvelle-Calédonie, Philippe Blaise.

La Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) est une organisation indépendantiste radicale accusée d'inciter à la plus grande violence.

Nouméa "assiégée"

Nouvel exemple des troubles dans la nuit de samedi à dimanche : d'après la chaîne de télévision publique Nouvelle-Calédonie La 1ère, la médiathèque du quartier de Rivière salée à Nouméa a été incendiée.

Interrogée par l'AFP, la mairie de Nouméa a répondu dimanche matin n'avoir "aucun moyen pour le moment de le vérifier, le quartier étant inaccessible".

La maire de Nouméa, Sonia Lagarde (Renaissance), estimait samedi sur BFMTV que la situation était "loin d'un retour à l'apaisement". "Est-ce qu'on peut dire qu'on est dans une ville assiégée? Oui, je pense qu'on peut le dire", ajoutait-elle.

Les mesures exceptionnelles de l'état d'urgence sont maintenues, à savoir le couvre-feu entre 18h00 et 6h00 (9h00 et 21h00 à Paris), l'interdiction des rassemblements, du transport d'armes et de la vente d'alcool, et le bannissement de l'application TikTok.

Pour la population, se déplacer, acheter des produits de première nécessité et se soigner devient plus difficile chaque jour. De moins en moins de commerces réussissent à ouvrir, et les nombreux obstacles à la circulation compliquent de plus en plus la logistique pour les approvisionner, surtout dans les quartiers les plus défavorisés.

Dimanche matin, la province Sud, qui regroupe près des deux tiers de la population, a annoncé que toutes les écoles resteraient fermées dans la semaine. "Ce temps devra permettre de finir de sécuriser les établissements scolaires, leurs accès et de faire un état des lieux des dégâts afin de retrouver le plus vite possible les conditions d'une reprise de l'enseignement, la semaine suivante, là où cela sera possible", a expliqué la province.

La réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres vise à élargir le corps électoral lors des scrutins provinciaux, au risque de marginaliser "encore plus le peuple autochtone kanak", selon les indépendantistes. Adopté mercredi par les députés, après les sénateurs, le texte doit encore être voté par les parlementaires réunis en Congrès, à une date non déterminée.

Avec AFP