Du croquis de la robe aux dernières retouches, nombreuses sont les petites mains mises à contribution par les maisons de haute couture. Reportage dans les ateliers Chanel quelques jours avant le défilé printemps-été 2010.
Mardi matin, au siège de Chanel, rue Chambon, à Paris. Le show bat son plein. Vingt-cinq minutes de défilé, 45 robes pour 15 mannequins - dont un seul homme - et une centaine d’invités triés sur le volet. Le ton est donné. Karl Lagerfeld, le directeur artistique de la maison, a opté pour les couleurs pastel : blanc, rose pailleté, vert amande surligné d'argent, pêche.
En France, la "haute couture" est une appellation juridiquement protégée qui répond à un certain nombre de critères, notamment en termes de travail réalisé à la main, de pièces uniques sur mesure. Chanel travaille avec une galaxie d’artisans. Parmi eux, les chapeaux Michel, les plumes Lemarié, les parures Desrues, les bottes Massaro ou la broderie Lesage. L’occasion de pénétrer dans les coulisses des créateurs pour découvrir les petites mains... à pied d’œuvre.
Maison Lesage, un siècle et demi de broderie
Niché au fond d’une cour pavée en plein cœur de Paris, la maison Lesage vient de recevoir les instructions du studio Chanel. Un style, un ton, des formes : la ligne directrice de la collection est donnée. Cette fois-ci, ce sera baroque. Branle-bas de combat à tous les étages !
François, petit-fils du fondateur de la maison parisienne et octogénaire fantasque, sélectionne au total 40 échantillons exhumés des archives ou glanés sur les étals du marché Saint-Pierre avant d'être envoyés chez Chanel. A son tour, Karl Lagerfeld fait son choix et retourne les dernières consignes à l’atelier.
La deuxième étape peut commencer. Croquis en main, le brodeur réalise le patron de la pièce. Tout en finesse, la piqueuse transfert ensuite le patron sur une feuille de papier calque (plutôt que sur le tissu directement). A l'aide de la poncette, le dessin est alors appliqué sur le tissu.
Dernière étape, le travail de la broderie qui nécessite deux semaines de travail cadencé. La touche finale consiste à les coudre sur les robes. Les broderies peuvent alors apparaître sur la feuille de route du défilé.
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© {{ scope.credits }}Massaro, bottier de père en fils
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© {{ scope.credits }}Pour cette saison de haute couture, Chanel a confié ses pieds à Massaro, le bottier situé à quelques pas de la place Vendôme. Si l’atelier dispose d’une clientèle indépendante des plus fidèles, il travaille également régulièrement avec les plus grandes maisons de couture françaises.
Comme pour les broderies, le thème sera baroque. Et comme pour la broderie, Chanel a fait parvenir à Massaro des images néo-baroques en guise de source d’inspiration qui servira de base de travail pour concevoir les talons.
Le compte à rebours a commencé : les 12 artisans de l’atelier disposent de quatre semaines pour réaliser les modèles.
Première étape, la maquette : le talon baroque est conçu à partir de sculptures et de moulages. Il faut ensuite l'essayer pour apporter les modifications nécessaires avant de travailler le cuir et le talon. Dans un autre atelier, "l’ouvrier du pied" assemble les différents éléments de la chaussure. La tige - partie qui couvre la cheville - est montée sur la forme puis posée sur la semelle ; le tout soigneusement piqué sur le talon. Cette étape, la plus longue, prend souvent une journée entière, indique Philippe Atienza, directeur de l’atelier depuis trois ans.
Outre le travail de finition de l’intérieur de la chaussure, l’artisan doit ensuite retirer les formes de la chaussure une fois montée et couper les éléments de doublures. Le modèle peut ainsi partir en production, avant de fouler les podiums.