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Ukraine – Dans l’Oblast de Donetsk, une zone concentre toute les attentions : la région d’Avdiivka, ville tombée aux mains des Russes en février 2024. Ils y concentrent toutes leurs forces depuis plusieurs semaines dans le but de prendre les villages encore contrôlés par les Ukrainiens. La rédaction des Observateurs a pu joindre un soldat ukrainien qui a combattu sur ce front.

Le 17 février 2024, la Russie prend le contrôle de la ville d’Avdiivka située dans l’Oblast de Donetsk, à l’est de l’Ukraine. Depuis, les villages autour de la localité sont devenus les principaux points d’avancée des troupes du Kremlin sur le front.

Suite à la prise de la ville, les troupes russes ont mené de nombreux assauts dans les localités situées au nord-ouest de la ville.

Quick review of the frontline movement since April first West / Northwest of Avdiivka. pic.twitter.com/j2C1IllExm

— Ukraine Control Map (@UAControlMap) May 5, 2024

Ces derniers jours, elles ont effectué une percée au nord-ouest de la ville, prenant alors les villages d’Ocheretyne et de Soloviove. Selon des analystes du conflit, la prise de ces villages pourrait ouvrir à la Russie la porte de villes du Donbass de plus grande importance. 

"Le front d'Avdiivka constitue actuellement le principal effort de l'armée russe"

Si ces conquêtes russes ne sont que des villages, ces derniers représentent des objectifs importants qui mobilisent beaucoup d’hommes dans les deux camps, comme l’explique un contributeur du site Ukraine Control Map, un groupe issu de la communauté d’enquêteurs en sources ouvertes “Project Howl”:

Le front d'Avdiivka constitue actuellement le principal effort de l'armée russe, il n’y a aucune concentration d’hommes comparable ailleurs. L’avancée russe près du village d’Ocheretyne est regrettable, car elle aurait probablement pu être évitée par les forces ukrainiennes et pourrait entraîner la perte de territoires supplémentaires, comme les villes de Toretsk ou Pokrovsk. Mais à ce stade, nous sommes loin d’un tel scénario, compte tenu des taux de progression encore insuffisants.

Les Russes progressent en effet lentement et au prix de lourdes pertes. Des experts estiment que les Russes ont perdu sur ce front, depuis octobre 2023, 1 072 matériels contre 173 pour les Ukrainiens.

Pokrovsk Raion offensive equipment loss numbers as of 03 May 2024.

In summary:
1072 Russian 🇷🇺 losses vs. 173 Ukrainian 🇺🇦 losses

Spreadsheet showing the losses in detail: https://t.co/RO07qaevJN pic.twitter.com/RsgGetoSq9

— Naalsio (@naalsio26) May 3, 2024

Mais plus que les véhicules, ce sont les soldats qui souffrent de cette guerre de position meurtrière.

“Quand il n’y a pas de combats, le temps semble une éternité.”

La rédaction des Observateurs a réussi à entrer en contact avec “Vegan” [le surnom attribué à ce soldat par ses camarades de combat, NDLR], un jeune soldat membre des troupes d'assaut de l’armée ukrainienne. Ce dernier est arrivé sur le front d’Avdiivka fin février avant d’en être évacué en avril suite à une frappe de drone russe qui l’a blessé. Il décrit le quotidien des tranchées fait d’attente et de vigilance :

Toute la journée tu observes le no man’s land. La nuit, tu regardes attentivement la caméra thermique et écoute le moindre bruit autour de toi. Pour mieux voir le terrain, on utilise des drones, mais attention, il faut économiser leur batterie. On passe notre temps à étudier les lieux et à réfléchir à des scénarios de combats avec l'ennemi.

Il faut être particulièrement prudent en fin de journée, avant l'aube et après le coucher du soleil, lorsqu'il ne fait pas trop sombre, mais pas trop clair non plus. À ces moments-là, les drones à caméras de vision nocturne ne sont pas aussi efficaces en raison du faible contraste de température, et une caméra ordinaire ne fournit pas une image de haute qualité. On ne voit rien, du coup c’est dangereux [il s’agit du moment le plus fréquent pour les assauts russes, NDLR].

En général, on s'ennuie beaucoup. Quand il n’y a pas de combats, le temps semble une éternité. Du coup, chacun s’occupe comme il peut, moi je lis. J'ai lu trois bouquins de Stephen Hawking !

“Les assauts russes sont constants”: au cœur des combats autour d’Avdiivka avec un soldat ukrainien

“J’ai été blessé aux jambes par un drone, il m’a ensuite survolé longuement pour me prendre en vidéo”

Pour “Vegan”, le retrait récent des troupes ukrainiennes des villages autour d’Avdiivka était inévitable. Il estime cependant que ces succès tactiques des Russes n’auront pas forcément d’importance stratégique :

 Les assauts des Russes étaient constants avec les nombreuses tentatives pour prendre une seule et même position. La retraite était inévitable. Bien sûr, au sein de l'armée, on peut critiquer le haut commandement pour ne pas avoir préparé les lignes de défense à temps. Mais en général, la perte de ces territoires ne joue pas un rôle significatif, l'armée russe paie le prix fort.

“Vegan” a également payé le prix fort, il est actuellement blessé aux jambes et se déplace en fauteuil roulant :

J’ai été blessé par un drone russe de type Mavic 3 termal [un drone civil de la marque DJI qui a été militarisé, NDLR]. Avec sa vision nocturne, il a largué deux grenades la nuit. Il s’est ensuite rapproché de moi pour me survoler longuement afin de prendre une vidéo de moi. C’était surréaliste.

“Les assauts russes sont constants”: au cœur des combats autour d’Avdiivka avec un soldat ukrainien

Aide occidentale, matériel russe : la course aux armements

Dans cette guerre de position, la dotation des deux armées en matériels de guerre joue un rôle primordial.

Côté ukrainien, les armes occidentales sont vitales. “Vegan” a pu fournir à la rédaction des Observateurs une vidéo qu’il a filmée à l’aide d’une caméra portative : on le voit détruire un véhicule de transport de troupes russes à l’aide d’une arme antichar suédoise. Ce dernier nous confirme également que son unité utilise parfois des VAB (Véhicule de l’Avant Blindé), des blindés de transports de troupes fournis à l’Ukraine par la France. Selon Vegan, ce matériel français serait vieillissant :

Je trouve qu’il ressemble aux blindés de transports de troupes russes qui datent de la période soviétique. Contrairement aux véhicules américains comme le Max pro [transport de troupes utilisé par l’US army], le VAB français ne résiste pas à certaines mines. C’était peut-être un bon véhicule pour combattre les Taliban [le VAB a été déployé en Afghanistan, NDLR] mais face à des tirs d’artillerie et des drones il ne fait pas le poids, les soldats qui se trouvent à l'intérieur meurent immédiatement en cas de frappe

Le VAB est petit à petit retiré du parc de blindés de l’armée française car jugé trop vieillissant, il a donc été cédé aux troupes ukrainiennes.

Côté russe, les troupes du Kremlin multiplient les assauts sur les villages tenus par les Ukrainiens à l’aide de nombreux véhicules blindés, comme le confirment les experts d’Ukraine Control Map :

Les Russes utilisent diverses tactiques, notamment des assauts d'infanterie, appuyés par plusieurs véhicules blindés. En raison de leurs pertes élevées de véhicules, ils utilisent également des Desert Cross 1000-3, un buggy tout terrain ressemblant à une voiturette de golf.

Les forces ukrainiennes, elles, ont généralement des équipements anciens de l'époque soviétique. Mais avec l’arrivée de nouvelles armes en provenance des États-Unis, elles devraient réussir à contenir les assauts russes. Mais cela se fera probablement au prix de nombreuses pertes.

Alors que les rumeurs d’offensive massive russe au printemps se répandent sur les réseaux sociaux, “Vegan” estime que “les Russes ont commencé leur offensive dès février, mais progressent lentement”. Entre deux messages envoyés à notre rédaction, ce tout jeune soldat se repose actuellement dans sa ville natale. Bien qu’incapable de marcher, “Vegan” a tenu à nous assurer que sa blessure n’était pas “grave”. Il sait qu’il finira par retourner au front.  

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