La vérification en bref
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Des comptes ont relayé une affirmation infondée sur Britta Ernst, l’épouse du chancelier Olaf Scholz insinuant qu’elle ressemblerait à un homme et qu’elle serait ainsi une femme transgenre
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De nombreuses personnalités politiques, ont été la cible d’accusations transphobes par ces mêmes réseaux, notamment Michelle Obama, Brigitte Macron, Kamala Harris et Alexandria Ocasio-Cortez.
Le détail de la vérification
“Vous pensiez que Michelle Obama était une trans, [...] ça c’est la femme du chancelier allemand Olaf Scholz”. Ces insinuations proviennent d’une publication X du 27 avril d’un compte certifié du réseau social, qui s’appuie sur une photo du couple. Elle a depuis été supprimée. Avant cela, elle cumulait près d’un million de vues et 10 000 mentions “j’aime”.
Le créateur de ce compte aux 1,3 million d’abonnés, un certain Ivan Bayoukhi, originaire du Canada, a déclaré dans une interview en 2021 vouloir “réveiller les masses” car “tout est manipulé”. Dès le début de l’année 2021, il avait encouragé sa communauté sur Reddit à acheter de l’argent physique (le métal) pour “se protéger de l’inflation”. Sur X, Elon Musk interagit régulièrement avec ses publications.
Depuis, des internautes ont repris en masse cette théorie s’interrogeant notamment sur le prénom de la première dame allemande, affirmant que c’est un prénom masculin. Cette affirmation est fausse, Britta est un nom féminin d’origine scandinave.
Les mêmes internautes évoquent des traits physiques de la première dame, insinuant qu’un “visage carré” et des “yeux enfoncés” prouveraient la véracité de leurs propos. “Ces accusations se développent parce qu’elle ne correspond pas à ce modèle figé, fantasmé de ce à quoi une “vraie femme” devrait ressembler” analyse Jay Daniel Thompson, chercheur en communication et théorie du complot à l’Institut royal de technologie de Melbourne, joint par notre rédaction.
Certains internautes anglophones font également référence à une théorie transphobe complotiste : la théorie du “changement de genre des élites” qui affirme que les puissants du monde changent de genre dans un but satanique. Les partisans de cette théorie mènent des “transenquêtes” en calquant notamment des schémas de crâne “féminin” ou “masculin” sur des photos de célébrités. On parle de phrénologie. “C’est une pseudoscience, basée sur la promesse que l’on pourrait déterminer les facultés mentales et le caractère de quelqu’un selon la forme de son crâne, une idée dangereuse et avec un historique raciste”, explique Jay Daniel Thompson.
Répercussions en Europe
Depuis la publication virale du 27 avril, ces fausses affirmations ont circulé dans les sphères complotistes de divers pays. En Allemagne, des internautes s’opposant à la nouvelle loi sur “l’autodétermination de genre” adoptée le 12 avril, se sont empressés de partager la publication de Ivan Bayoulkhi, affirmant que cela expliquait l’engouement du chancelier allemand quant à l’adoption de cette loi.
En France, cette fausse information a suscité l'intérêt de nombreux internautes et atteint une viralité importante.
Des publications sur X ont immédiatement établi des points de comparaison avec Brigitte Macron, soulignant notamment que les deux premières dames avaient été au contact d’enfants, Brigitte Macron comme professeure des écoles et Britta Ernst comme ministre de l'Éducation de la province de Brandebourg. Selon Jay Daniel Thompson, “c’est une combinaison de sexisme et d’homophobie old-school”.
Biais sexistes
Ces affirmations sur les premières dames sont également sexistes. Dans son rapport sur l’utilisation du genre dans les attaques en ligne, l’institut Wilson Center écrit : “Les récits de personnes 'secrètement trans' sont une caractéristique de longue date des violences sexistes en ligne”.
Selon l’institut, elles reposent sur de nombreux biais sexistes, notamment l’idée que les femmes mentent et manipulent et qu’elles ne peuvent accéder au pouvoir sans mentir. “Les partisans de ces campagnes de désinformation semblent partir du principe que les identités transgenres, en particulier les identités 'cachées', sont si détestables qu'une fois qu'elles ont été révélées, ces femmes perdront toute crédibilité et tout pouvoir” explique l’institut.