
Jair Bolsonaro se pose désormais en héraut de la liberté d'expression. L'ancien président du Brésil appelle ses partisans à se rassembler dimanche à Copacabana pour soutenir la liberté d'expression, qu'il estime être en danger. Cette mobilisation survient alors qu'un conflit intense oppose la justice brésilienne au magnat américain Elon Musk sur des questions de censure et de désinformation.
La manifestation doit débuter à 10 heures locales sur la célèbre plage de Rio de Janeiro, deux mois après une première démonstration de force le 25 février à Sao Paulo. Le dirigeant d'extrême droite avait alors réuni quelque 185 000 personnes, selon une estimation.
"Le monde entier est conscient de la menace qui pèse sur notre liberté d'expression", a déclaré dans une vidéo publiée jeudi sur les réseaux sociaux l'ex-président (2019-2022). "Agissons pacifiquement, pour défendre la démocratie, pour notre liberté, sans affiches ni banderoles".
- Copacabana/convite.
- Próximo domingo, 10 horas.
- Nunca estivemos tão perto de uma ditadura. Não vamos desistir do Brasil.
- Deus, Pátria, Família e Liberdade. pic.twitter.com/pDE3z28wiF
Jair Bolsonaro invoque la défense de la liberté pour mobiliser ses partisans depuis qu'Elon Musk, le propriétaire de la plateforme X depuis 2022, s'en est pris début avril au puissant juge de la Cour suprême Alexandre de Moraes.
Au nom du combat contre la désinformation, le magistrat a ordonné ces dernières années le blocage de comptes de figures influentes des mouvements ultra-conservateurs brésiliens.
Elon Musk, qui ne cache pas sa proximité avec Jair Bolsonaro, a traité le juge de "dictateur" et réclamé sa destitution, tout en affirmant vouloir s'affranchir de ses décisions.
Alexandre de Moraes a lancé en retour une enquête l'accusant d'"instrumentalisation criminelle de X" et fixé des amendes pour chaque compte qui serait réactivé.
Déboires judiciaires bolsonaristes
Il a également ajouté son nom à la liste de personnalités ciblées par une autre enquête déjà en cours, sur les supposées "milices numériques" : un groupe de proches collaborateurs de Jair Bolsonaro soupçonnés d'avoir orchestré des campagnes de désinformation en ligne durant sa présidence.
Dans une lettre datée du 13 avril, les représentants de X au Brésil se sont toutefois engagés à se plier aux décisions de la Cour suprême.
La querelle a pris de l'ampleur dans les milieux politiques et juridiques. D'autres membres de la Cour suprême ont soutenu le magistrat.
Le président de gauche Luiz Inácio Lula da Silva, vainqueur de Jair Bolsonaro en octobre 2022, a déclaré sans faire directement allusion à Elon Musk : "si je pouvais, je décréterais l'interdiction de mentir".
Le juge de Moraes, qui multiplie récemment les déclarations publiques, a observé vendredi que la justice brésilienne était habituée à "faire face aux marchands étrangers qui traitent le Brésil comme une colonie".
Les députés bolsonaristes accusent la Cour suprême d'être alignée sur le gouvernement de Lula et de saper la démocratie et les libertés.
Un comité de la Chambre des représentants américaine est même intervenu en publiant jeudi un épais rapport sur des décisions confidentielles du juge concernant X et d'autres plateformes.
En 2023, le Tribunal supérieur électoral (TSE), présidé par Alexandre de Moraes, a condamné Jair Bolsonaro à huit ans d'inéligibilité pour avoir disséminé de fausses informations sur le système électoral brésilien.
Le juge avait déjà ordonné l'ouverture d'enquêtes contre l'ancien président et ses proches quand celui-ci était au pouvoir, ce qui lui a valu d'être traité de "canaille" par l'intéressé en 2021.
Enquête pour "tentative de coup d'État"
Une autre enquête sous la responsabilité d'Alexandre de Moraes tente d'établir si l'ex-président a été l'instigateur des émeutes du 8 janvier 2023 à Brasilia, quand des milliers de ses sympathisants, refusant d'accepter la victoire de Lula, ont saccagé les lieux de pouvoir.
Jair Bolsonaro a été frappé le 8 février d'une interdiction de quitter le territoire dans le cadre d'une enquête sur une supposée "tentative de coup d'État" après sa défaite électorale de 2022.
Les enquêteurs ont évoqué un document où figurerait un projet de décret visant à "empêcher le président élu de façon légitime d'accéder au pouvoir", en convoquant de nouvelles élections et en faisant arrêter Alexandre de Moraes.
Jair Bolsonaro a toujours clamé son innocence, se disant victime d'une "persécution". Ce projet de décret est "la plus grande fake news de l'histoire du Brésil", a dénoncé l'ex-président dans une vidéo du 6 avril appelant à manifester, indiquant que ce sujet serait abordé lors de la manifestation de dimanche à Rio.
Avec AFP