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Inaction climatique : la CEDH rend des décisions très attendues sur la responsabilité des États
La Cour européenne des droits de l'Homme se prononce mardi sur la responsabilité de plusieurs États, dont la France, en matière d'action contre le changement climatique. Plusieurs requêtes ont été déposées dont une émanant de l'ancien maire de Grande-Synthe.

Les États en font-ils assez face au changement climatique ? La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) se prononce mardi 9 avril. Une position très attendue car susceptible de contraindre les États à redoubler d'efforts.

Sollicitée par des particuliers reprochant à des pays – dont la France, la Suisse et le Portugal – leur manque d'action contre l'urgence climatique, la Cour s'exprimera à 10 h 30 (8 h 30 GMT) dans trois affaires distinctes.

La première est portée par l'association suisse des "Aînées pour la protection du climat" (2 500 femmes âgées de 73 ans en moyenne) et quatre de ses membres qui ont développé en plus des requêtes individuelles. Les plaignantes dénoncent des "manquements des autorités suisses pour atténuer les effets du changement climatique" qui, selon elles, ont des conséquences négatives sur leurs conditions de vie et leur santé.

Un deuxième dossier est à l'initiative de l'eurodéputé français (ex-Europe Écologie-Les Verts) Damien Carême. Cet ancien maire de Grande-Synthe (Nord) attaque les "carences" de l'État français, estimant notamment qu'elles font peser sur la ville, littorale de la mer du Nord, un risque de submersion.

"Tous touchés"

En 2019, il avait déjà, en son nom propre et en tant que maire, saisi le Conseil d'État pour "inaction climatique". La plus haute juridiction administrative avait donné raison à la commune, mais avait rejeté sa demande individuelle, l'amenant donc à saisir la CEDH.

"Voir ma ville submergée dans 30 ans est insupportable", justifie Damien Carême, expliquant vouloir "en finir avec la léthargie" et "le refus d'agir de l'État".

Inaction climatique : la CEDH rend des décisions très attendues sur la responsabilité des États

La troisième affaire est soutenue par un collectif de six Portugais âgés de 12 à 24 ans, mobilisés après les terribles incendies qui ont ravagé leur pays en 2017.

Leur requête est dirigée non seulement contre le Portugal, mais également contre tous les pays de l'UE, ainsi que la Norvège, la Suisse, la Turquie, le Royaume-Uni et la Russie, soit 32 pays au total.

"Ces trois affaires, intentées par des personnes âgées de 12 ans à plus de 80 ans, montrent que nous sommes tous touchés par la crise climatique", souligne la Portugaise Catarina dos Santos Mota, 23 ans.

Les décisions attendues sont inédites : la CEDH ne s'est jamais prononcée sur la responsabilité des États en matière d'action contre le changement climatique.

"Un tournant" ?

La position de la cour, qui siège à Strasbourg, "peut marquer un tournant dans la lutte pour un avenir vivable", assure l'avocat Gerry Liston, de l'ONG Global Legal Action Network (Glan). "Une victoire dans l'une des trois affaires pourrait constituer pour l'Europe l'évolution juridique la plus significative sur le changement climatique depuis la signature de l'accord de Paris en 2015."

Les signataires s'étaient alors engagés à limiter le réchauffement de la planète "bien en deçà" de 2 degrés depuis l'époque préindustrielle (1850-1900), et de 1,5 degrés si possible.

"Les questions d'environnement au sens large ont été abordées mais la question du climat en particulier n'a jamais été abordée à Strasbourg. Rien que pour ça, c'est un événement", explique Christel Cournil, professeure en droit public à Sciences Po Toulouse et membre du conseil d'administration de Notre affaire à tous, qui lutte par le droit contre le changement climatique.

Inaction climatique : la CEDH rend des décisions très attendues sur la responsabilité des États

Elle ajoute que "ça s'inscrit dans une dynamique de contentieux qui aboutissent un peu partout dans le monde pour aller saisir la dernière voie de la gouvernance climatique, celle du juge, après l'échec diplomatique, l'échec des politiques, des législateurs, qui ne vont pas assez loin".

La CEDH devra dire si les États visés ont enfreint la Convention européenne des droits de l'Homme, en particulier le "droit à la vie" (article 2) et le "droit au respect de la vie privée et familiale" (article 8), en ne luttant pas suffisamment contre le réchauffement climatique.

En raison de la complexité du sujet et de son importance, c'est la Grande chambre, formation la plus solennelle de la CEDH, composée de 17 juges, qui s'est penchée sur ces dossiers, traités en priorité.

Cependant, la Cour ne statuera sur le fond de ces affaires qu'à la condition d'avoir d'abord jugé qu'elles respectent les conditions de recevabilité, dont l'épuisement de tous les recours au niveau national. Une démarche non suivie par les Portugais, qui ont invoqué l'urgence climatique pour saisir directement la juridiction européenne.

La militante suédoise pour le climat Greta Thunberg devrait être présente à Strasbourg pour apporter son soutien aux requérants.

Avec AFP

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