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À Gaza, des militaires israéliens se photographient en montrant de la lingerie féminine
Au milieu d’une maison en ruines, juchés sur un char, ou prenant la pose pour une application de rencontres : sur les réseaux sociaux, des soldats israéliens déployés à Gaza apparaissent brandissant de la lingerie féminine. De nombreux internautes estiment que ces sous-vêtements appartenaient à des femmes gazaouies.

Sur son profil OkCupid, une application de rencontres, un soldat franco-israélien âgé de 25 ans pose adossé contre un mur tapissé de sous-vêtements féminins. Depuis que la photo a été repostée sur X par un groupe d’activistes et suscité une vague d’indignation, l'homme a bloqué ses comptes Facebook et Instagram. 

À Gaza, des militaires israéliens se photographient en montrant de la lingerie féminine

Sur les réseaux sociaux, TikTok et Instagram surtout, on trouve une kyrielle de publications du même type, où des soldats israéliens s’amusent avec des sous-vêtements féminins. À l’image de ce soldat qui pose fièrement devant un amoncellement de sous-vêtements, comme s’il s’agissait d’un butin de guerre. La photo porte la mention de son compte TikTok, sur lequel elle n’est plus visible, mais elle est republiée sur X.

À Gaza, des militaires israéliens se photographient en montrant de la lingerie féminine

Une autre photo largement relayée sur les réseaux sociaux montre quatre soldats brandissant une nuisette rouge, au milieu d'une maison en ruines dans Gaza. "Il existe plus de photos de soldats de Tsahal fouillant dans les sous-vêtements des femmes de Gaza que de photos où ils ont secouru des otages", ironise un utilisateur sur X.

À Gaza, des militaires israéliens se photographient en montrant de la lingerie féminine

La liste est encore longue : cette scène, par exemple, montre un soldat en train de palper un soutien-gorge que son compère a enfilé, hilare.  

À Gaza, des militaires israéliens se photographient en montrant de la lingerie féminine

La photo a été publiée sur le compte de X de Younis Tirawi, un journaliste palestinien qui se consacre à la traque des images d’exactions commises par des soldats israéliens. Sur son compte, une succession de vidéos de saccages, pillages et d’humiliations de détenus palestiniens. Joint par la rédaction des Observateurs, Younis Tirawi explique :

Les soldats publient ces vidéos en public, elles sont accessibles à tout le monde. Il suffit d’effectuer une recherche sur TikTok, Facebook, Instagram ou YouTube avec des mots clés en hébreu. Ils ne semblent pas conscients du fait que ces contenus sont susceptibles d’être utilisés contre eux devant les tribunaux internationaux. Donc ces images sont publiées aux yeux de tous. 

Autre exemple de cet humour noir glaçant : une vidéo montrant un soldat perché sur un char avec, au bras, un mannequin de femme affublé d’un soutien-gorge, lance à ses camarades amusés : "Les gars (...), j’ai trouvé une femme belle, une relation sérieuse à Gaza (...). Une femme géniale."

À Gaza, des militaires israéliens se photographient en montrant de la lingerie féminine

"C'est un cadeau pour ma beauté, Lihi… pour notre fête de fiançailles", renchérit un soldat dans une autre vidéo, en brandissant une paire d'escarpins.

À Gaza, des militaires israéliens se photographient en montrant de la lingerie féminine

Des images massivement partagées sur les réseaux 

Les publications d’origine des photos citées dans cet article ne sont plus disponibles. Il n’est donc pas possible d’établir avec certitude la date de publication originelle de ces contenus, ni les circonstances ni les localisations des incidents. Cependant, des recherches d’images inversées effectuées sur ces images ne donnent aucune occurrence avant le 7 octobre 2023, suggérant bien qu’elles ont été prises par des soldats israéliens à Gaza. Les images sont cohérentes avec celles de la guerre en cours à Gaza : les soldats portent les mêmes uniformes, et les dégâts matériels que l’on peut apercevoir s'accordent avec d’autres images des destructions à Gaza. 

"La diffusion de ces images vise indiscutablement à moquer la probité et la dignité des femmes palestiniennes"

La rédaction des Observateurs a montré ces images à Johann Soufi, avocat spécialiste du droit international, pour savoir si elles étaient susceptibles de constituer des crimes de guerre. 

Si l’on peut établir que des biens dans ces habitations, par exemple ces sous-vêtements, ont été volés ou détruits sans nécessité militaire, il s’agit incontestablement d’une violation du droit international humanitaire.

Prises individuellement, ces photographies ne permettent pas toujours de conclure à la commission d'un crime de guerre. Néanmoins, dans certains cas, elles pourraient constituer des “atteintes à la dignité de la personne” (Article 8-2-b-xxi du Statut de la Cour Pénale Internationale), à savoir le fait d'infliger aux femmes un traitement humiliant ou dégradant, y compris par la diffusion de leur lingerie sur les réseaux sociaux, ou le crime de “pillage” (Article 8-2-b-xvi du Statut de la CPI), qui se définit comme l'appropriation de biens privés par des soldats, qui sont tous deux des crimes de guerre.

Prises dans leur globalité, les publications de telles images sur les réseaux sociaux démontrent que, dans l’esprit de ces soldats, ces actes sont perçus comme tolérables et qu’ils sont tolérés par leur hiérarchie.

En effet, on ne peut imaginer, au sein de l’armée française par exemple, que de telles publications ne suscitent aucune sanction. 

La rédaction des Observateurs de France 24 a adressé toutes les images et tous les messages cités dans cet article à l'armée israélienne. Celle-ci a refusé de commenter les incidents en question et  s'est contentée d'indiquer avoir pris des "mesures de commandement et disciplinaires" à l'encontre de soldats ayant publié des contenus "inappropriés" sur les médias sociaux. L'armée israélienne n'a pas précisé quelles mesures avaient été prises ni si les soldats étaient toujours mobilisés.

Pour Johann Soufi, ce genre d’images favorise un climat propice à des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.    

Le fait que ces actes semblent tolérés par la hiérarchie confirme qu’il existe au sein de l’armée israélienne une forme de déshumanisation des Palestiniens. En effet, la diffusion de ces images vise indiscutablement à moquer la probité et la dignité des femmes palestiniennes.

Les soldats israéliens postent ces photos sur les réseaux sociaux parce que dans leur esprit, cela fait partie du spectre du tolérable et du toléré. La destruction de biens civils, l'humiliation de la population palestinienne, y compris des femmes et des enfants … Dans leur esprit ,tout cela est acceptable en temps de guerre.

En réalité, cette pratique représente une forme de déshumanisation des femmes palestiniennes, se moquant de leur intégrité en soulignant de manière fallacieuse une contradiction supposée entre leur pudeur apparente et le port de lingerie. Bien que cela puisse paraître ridicule ou anecdotique, cet état d'esprit et cette construction mentale néfaste jouent en réalité un rôle dans la commission de crimes basés sur le genre, y compris de violences sexuelles, par exemple.

Le 19 février, des expertes mandatées par l'ONU ont exigé une enquête après des accusations d'exécutions et de viols par les forces israéliennes contre des femmes et filles palestiniennes à Gaza et en Cisjordanie. Elles dénoncent des agressions sexuelles, et des détentions et exécutions arbitraires. 

Le 4 février, une enquête publiée par le quotidien israélien Haaretz révélait qu’une unité de l’armée israélienne chargée de la guerre psychologique gérait une une chaîne Telegram, "72 Virgins - Uncensored", diffusant des images de Palestiniens tués ou capturés par l’armée israélienne à Gaza, sur fond de discours incitant à la haine contre les Palestiniens. Un porte-parole pour l’armée israélienne a assuré que la chaîne Telegram était opérée par l’armée "sans son autorisation" et que "l'incident a été réglé" sans donner de précisions.

Dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du Hamas, 30 631 personnes ont été tuées par les bombardements et opérations militaires israéliennes, depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas le 7 octobre 2023. Les femmes et les enfants représentent 70 % des victimes du conflit, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU.