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Un statut de réfugié humanitaire pour les Haïtiens de France ?

Constatant que les États-Unis accordent un statut d’asile temporaire aux clandestins haïtiens présents sur leur sol, les Haïtiens de France demandent à Paris la mise en place d'une politique migratoire à la hauteur du drame qui frappe leur pays.

Voilà bientôt cinq ans que Johnny vit en France. Ce jeune Haïtien installé à Marseille a dû quitter son pays en 2004 dans un contexte politique trouble : "Je travaillais dans un bureau de vote au moment des élections [présidentielle et législatives du 7 février 2004, ndlr], et j’ai été menacé de mort. Ma mère et ma tante m’ont donné de quoi gagner la France", explique le jeune homme, joint par téléphone par France24.com. Une fois arrivé à Marseille, Johnny a fait une demande d’asile politique auprès de l’Ofpra : refusée. "Ils m’ont dit qu’il n’y avait pas assez de preuves". Sans-papiers, sans emploi, Johnny bénéficie, comme les 15 000 à 20 000 immigrés clandestins haïtiens vivant en France, d’un sursis depuis le tremblement de terre qui a frappé son pays.

"Il est impossible de les renvoyer chez eux"

Le ministre de l’Immigration, Éric Besson, a en effet annoncé, la semaine dernière, la suspension des expulsions des Haïtiens sans-papiers séjournant en France. Une mesure qui ne mange pas de pain, puisque l’unique aéroport de Port-au-Prince est, depuis le tremblement de terre, reconverti en plateforme humanitaire, fait remarquer André Bogentson, démographe haïtien doctorant à l'université de Nanterre. "Cette décision relève de l’effet d’annonce, il était de toute façon matériellement impossible de les renvoyer chez eux", analyse celui-ci. Le Collectif Haïti de France, dont M. Bogentson est membre, préconise plutôt une régularisation générale des sans-papiers haïtiens, ce qui permettrait à nombre d'entre eux de travailler et de participer, à leur manière, à la reconstruction de leur pays. Le collectif compte lancer prochainement une pétition pour provoquer un débat public.

Plusieurs mesures annoncées par le ministère de l’Immigration trouvent cependant grâce aux yeux de la communauté haïtienne. Parmi elles, l’exonération de visas en faveur des blessés venant se faire soigner en France à la suite du séisme (ils reçoivent également un titre de séjour de trois mois), ou encore l'accélération de certaines procédures de regroupement familial. Enfin, les Haïtiens dont les titres de séjour arrivaient à expiration après le 12 janvier 2010 pourront bénéficier d’une prolongation de leur autorisation de séjour de trois mois.

Droit d’asile temporaire et humanitaire

Malgré tout, les Haïtiens restent un peu sur leur faim. Tous ont en tête la générosité américaine : les États-Unis viennent d’accorder un statut d’asile temporaire à tous les Haïtiens sans-papiers présents sur leur territoire, qui leur donne également l'autorisation de travailler.

Une initiative qui rend Hilaire Nasson enthousiaste : "C’est l’un des objectifs de notre association [de réfugiés Haïtiens à Marseille] depuis longtemps", explique-t-il. Selon Hilaire, "il faut bien comprendre que les sans-papiers haïtiens présents en France subissent deux douleurs : ils n’osent pas demander une aide psychologique car ils se cachent d'une part ; ils n'obtiennent que difficilement des nouvelles de leurs proches restés au pays d'autre part". Hilaire Nasson et plusieurs représentants de la communauté haïtienne de France réclament donc un asile temporaire sur le modèle de celui accordé par le gouvernement américain. "Une bonne idée", selon Johnny : "cela va faciliter la vie des gens pour travailler" et envoyer des devises à Port-au-Prince. Deux membres de la famille deJohnny souffrent de multiples fractures depuis l'écroulement de leur maison. Ils n’ont pas l’argent nécessaire pour se faire soigner correctement...