
Les électeurs azerbaïdjanais se rendent aux urnes le 7 février pour l’élection présidentielle. Aux manettes du pays depuis plus de 20 ans après avoir succédé à son père, le président Ilham Aliev est candidat à sa réélection.
L’enjeu pour cet autocrate de 62 ans : un cinquième mandat à la tête de ce petit pays du Caucase, riche en hydrocarbures – et son deuxième septennat depuis la réforme constitutionnelle de 2016, faisant passer le mandat présidentiel de 5 à 7 ans.
Le scrutin du 7 février devait initialement avoir lieu en 2025. Le précédent, en 2018, avait consacré la victoire du président Aliev avec 86 % des voix. Mais le chef de l'État azerbaïdjanais a annoncé avancer la date au 7 février 2024 via un décret publié début décembre.
France 24 fait le point sur les enjeux de cette élection présidentielle avec Anita Khachaturova, chercheuse au Centre d'études et de la vie politique à l’Université Libre de Bruxelles, et spécialiste des relations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
France 24 : Ilham Aliev a-t-il vu son pouvoir renforcé par rapport au scrutin de 2018 ?
Anita Khachaturova : Depuis le scrutin de 2018, il y a eu la guerre dans le Haut-Karabakh et la reprise par l’Azerbaïdjan de l’entièreté de ce territoire disputé depuis la fin des années 1980 avec l’Arménie. Une partie du territoire avait déjà été reprise dès 2020. Le reste l’a été il y a quelques mois, en septembre 2023 et a forcé les Arméniens qui y habitaient à partir, dans ce qui s’apparente à un nettoyage ethnique.
C’est une victoire clé et symbolique pour le président Aliev. Il se présente comme l'homme qui a rendu sa dignité au peuple azerbaïdjanais et qui a lavé l'affront de l'humiliation et de l’occupation infligée par les Arméniens à l’Azerbaïdjan. Cette victoire dans le Haut-Karabakh, est ainsi venue conférer une légitimité nouvelle à la position du président aux yeux du peuple azerbaïdjanais : cette figure providentielle qui a restauré l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan.
Mais il faut bien comprendre la spécificité du régime politique azerbaïdjanais quand on évoque le scrutin de février. L'Azerbaïdjan est une autocratie très répressive. L'ONG Freedom House (qui œuvre à la défense des droits de l'homme et à la promotion du changement démocratique, NDLR) classe l'Azerbaïdjan parmi les pires États en terme de droits politiques et de liberté. Les élections en Azerbaïdjan ne sont pas comme celles que l'on a l'habitude de voir dans des pays démocratiques, européens ou autres. C'est simplement un plébiscite en faveur du président qui lui permet de s’inscrire dans une sorte de légitimité politique à l’échelle internationale, mais qui a très peu à voir avec une légitimité démocratique.
Il faut rappeler qu'Ilham Aliev a hérité du pouvoir en 2003 après la mort de son père. Ce dernier avait déjà gouverné le pays à partir de 1993, et avait été le chef du KGB dans les années 1960 en Azerbaïdjan soviétique. C’est donc une famille qui gouverne le pays de manière presque ininterrompue depuis la fin des années 1960. C’est aussi un système clanique qui gère le pays comme une entreprise. Toutes les ressources du pays sont monopolisées par cette famille et ses proches.
Pourquoi le scrutin présidentiel a-t-il été avancé à février ?
Fort de cette victoire dans le Haut-Karabakh – une victoire que le président Aliev revendique personnellement – ces élections anticipées peuvent être perçues, depuis l’extérieur, comme une volonté de consolider cette assise populaire dont il pense bénéficier, et dont il bénéficie probablement (la guerre dans le Haut-Karabakh ne rencontre pas d'opposition même parmi les critiques du régime, à l'exception d'une poignée de militants pro-paix, extrêmement marginalisés). Mais cette popularité est difficile à évaluer ou estimer de façon indépendante compte tenu du contexte politique azerbaïdjanais.
Ilham Aliev s'est aussi engagé dans une logique de menaces permanentes contre l'Arménie et de velléités annexionnistes et cette réélection peut aussi servir à appuyer de futures campagnes militaires contre la souveraineté de l'Arménie. Elle s'accompagne d'ailleurs de répressions extrêmes contre les quelques journalistes indépendants et d'activistes qui, en évoquant des problèmes sociétaux dans le pays, sont vus comme ternissant la victoire dans le Haut-Karabakh.
Y a-t-il une opposition au président candidat pour ce scrutin ?
Il n’y a pas d’opposition, de liberté de la presse ou d’opposant à proprement parler. Il y a une théâtralisation de la campagne présidentielle. On l’a par exemple récemment vu dans des débats organisés à la télévision azerbaïdjanaise et qui ont été moqués par la population, notamment sur les réseaux sociaux.
Il y a très peu de crédibilité donnée à cette élection. Il n’y a aucune incertitude sur l’issue du scrutin. On sait qu’Ilham Aliev va être réélu.