Les États-Unis et le Royaume-Uni ont mené dans la nuit de jeudi à vendredi plus de 70 frappes sur des sites militaires de la capitale du Yémen, Sanaa, et d'autres villes du pays contrôlées par les rebelles houthis, faisant au moins cinq morts. Alors que la coalition occidentale a rappelé que le "but reste la désescalade des tensions" et "restaurer la stabilité en mer Rouge", des dizaines de milliers de manifestants ont protesté dans plusieurs villes du pays pour condamner les frappes.
Un pas de plus vers l'escalade régionale du conflit à Gaza. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont mené dans la nuit de jeudi 11 à vendredi 12 janvier des frappes aériennes contre les rebelles houthis au Yémen, qui multiplient depuis des semaines les attaques contre le trafic maritime en mer Rouge en "solidarité" avec les Palestiniens de Gaza, territoire ravagé par la guerre entre Israël et le Hamas.
Dans une déclaration commune, Washington, Londres et huit de leurs alliés parmi lesquels l'Australie, le Canada et Bahreïn ont souligné que l'opération, menée dans un contexte de forte tension régionale, visait à la "désescalade" et à "restaurer la stabilité en mer Rouge".
73 frappes, cinq morts et six blessés
Les frappes ont visé des sites militaires dans la capitale Sanaa, et les gouvernorats de Hodeidah, Taïz, Hajjah et Saada, a indiqué le porte-parole militaire des Houthis, un groupe membre de "l'axe de la résistance", regroupement de mouvements hostiles à Israël établi par l'Iran qui comprend également le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais. Cinq personnes ont été tuées et six blessées parmi les rebelles, a-t-il ajouté, dénombrant "73 raids" de "l'ennemi américano-britannique".
L'opération a été menée "avec succès" en réponse "directe aux attaques sans précédent des Houthis de navires internationaux en mer Rouge", a affirmé le président américain, Joe Biden, évoquant une action "défensive" pour protéger notamment le commerce international.
Vendredi, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté dans plusieurs villes du Yémen pour condamner les frappes.
"Vos frappes sur le Yémen sont du terrorisme", a affirmé Mohammed Ali al-Houthi, membre du Conseil politique suprême des Houthis. "Les États-Unis sont le diable".
Le Conseil politique suprême des Houthis, haute instance des rebelles, a par ailleurs affirmé que "tous les intérêts américano-britanniques sont devenus des cibles légitimes pour les forces armées yéménites après l'agression directe et déclarée contre la République du Yémen".
La Russie condamne, la Chine se dit "préoccupée"
La Russie a condamné une opération menant à "l'escalade" et ayant des "objectifs destructeurs", un "nouvel exemple de la déformation par les Anglo-Saxons des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU et d'un mépris total du droit international".
La Chine s'est dite "préoccupée", exhortant "les parties concernées à (...) faire preuve de retenue afin d'éviter une expansion du conflit".
Les Houthis portent "la responsabilité extrêmement lourde de l'escalade régionale", a estimé de son coté la France, exigeant la fin des attaques.
Peu après le début de la guerre le 7 octobre entre Israël et le Hamas, déclenchée par une attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien sur le sol israélien, les rebelles houthis ont multiplié les attaques par missiles et drones en mer Rouge, poussant de nombreux armateurs à contourner la zone, au prix d'une hausse des coûts et des temps de transport entre l'Europe et l'Asie.
Les États-Unis avaient déjà déployé des navires de guerre et mis en place en décembre une coalition internationale pour protéger le trafic maritime dans cette zone par où transite 12 % du commerce mondial.
Des mesures "nécessaires et proportionnées" selon Rishi Sunak
Mardi, 18 drones et trois missiles houthis avaient été abattus par trois destroyers américains, un navire britannique et des avions de combat déployés depuis le porte-avions américain Dwight D. Eisenhower.
Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, en tournée cette semaine au Moyen-Orient, avait lancé un avertissement aux Houthis, le Conseil de sécurité de l'ONU exigeant l'arrêt "immédiat" de leurs attaques.
Mais jeudi, les Houthis ont lancé un autre missile antinavire, provoquant vendredi la riposte de Washington et Londres. Le président américain a prévenu qu'il "n'hésiterait pas" à "ordonner d'autres mesures" si nécessaire.
"Ces frappes ciblées sont un message clair (indiquant) que les États-Unis et nos partenaires ne toléreront pas les attaques sur nos troupes (et) ne permettront pas à des acteurs hostiles de mettre en danger la liberté de navigation", a ajouté Joe Biden.
Les Houthis, proches de l'Iran et qui contrôlent une grande partie du Yémen, ont mené depuis le 19 novembre 27 attaques de missiles et drones près du détroit stratégique de Bab el-Mandeb séparant la péninsule arabique de l'Afrique, selon l'armée américaine.
Ils disent cibler les navires commerciaux liés à Israël, en solidarité avec les Palestiniens de la bande de Gaza.
"Malgré les avertissements répétés de la communauté internationale, les Houthis ont continué de mener des attaques (...). Nous avons donc pris des mesures limitées, nécessaires et proportionnées en état de légitime défense", a déclaré de son côté le Premier ministre britannique Rishi Sunak.
Des avions de combat et missiles Tomahawk ont été utilisés pour l'opération anglo-américaine, ont indiqué plusieurs médias américains, Washington disant avoir bénéficié du soutien de l'Australie, du Canada, des Pays-Bas et de Bahreïn. Londres a dit avoir déployé quatre avions de combat Typhoon FGR4 pour frapper avec des bombes guidées au laser les sites de Bani et Abbs, d'où les Houthis "lancent" des drones.
"Les États-Unis et le Royaume-Uni doivent se préparer à payer un prix fort"
"Notre pays fait face à une attaque massive par des navires américains et britanniques, des sous-marins et des avions", a réagi le vice-ministre des Affaires étrangères des Houthis, Hussein Al-Ezzi, cité par les médias du mouvement. "Les États-Unis et le Royaume-Uni doivent se préparer à payer un prix fort et supporter les lourdes conséquences de cette agression", a-t-il menacé.
De son côté, l'Iran a condamné vendredi les frappes aériennes américaines et britanniques, y voyant une "action arbitraire" et une "violation flagrante de la souveraineté" du Yémen.
L'Arabie saoudite a dit suivre avec "beaucoup d'inquiétude" les développements au Yémen voisin, appelant "à la retenue et à éviter l'escalade".
Avec AFP