logo

Le fleuve Dniepr, un rempart naturel difficile à franchir pour l'armée ukrainienne
Le franchissement du fleuve Dniepr reste un défi majeur pour l'armée ukrainienne engagée dans une laborieuse contre-offensive pour reconquérir les territoires occupés par les Russes dans l'Est et le Sud.

De vastes plaines s'étirent vers un infini d'où se détachent ruines, fumées, et une large étendue d'un bleu profond. C'est le Dniepr, quatrième plus long fleuve d'Europe, devenu une ligne de front dans le sud de l'Ukraine et un obstacle naturel à la contre-offensive de Kiev.

Le majestueux cours d'eau traverse le pays du nord au sud avant de se jeter dans la mer Noire dans la région de Kherson, où il sépare les belligérants.

Les troupes ukrainiennes tiennent la rive droite depuis la libération de la capitale régionale éponyme le 11 novembre 2022. Sur la rive gauche, c'est l'armée russe qui occupe toujours une partie des régions de Kherson et de Zaporijjia.

Kiev a lancé en juin une vaste contre-offensive dans le Sud et l'Est, mais la ligne de front n'a quasiment pas bougé et chaque camp pilonne l'autre inlassablement.

"Les Russes utilisent tout ce qu'ils possèdent contre nous : l'artillerie, des drones kamikazes, du phosphore", explique un sergent au nom de guerre "Vojd" ("chef", en ukrainien). Son unité surveille la rive au sud-ouest de la ville de Kherson, pour alerter l'artillerie en cas d'une éventuelle incursion russe à travers le fleuve, sur lequel les civils n'osent plus naviguer.

Emmitouflé dans sa cagoule, arme à la main, ce militaire de 38 ans détonne avec les canards sauvages qui s'élèvent dans un crépuscule baigné d'or liquide et font presque oublier la guerre.

"Notre ennemi, c'est la pluie. Avec un ciel dégagé, on voit beaucoup mieux les bateaux arriver", souligne-t-il.

"Les Russes sont bien préparés"

"Nous avons l'avantage de ce côté", explique-t-il du haut d'un petit promontoire coiffé de touffes d'herbes sèches. Ce point est plus élevé que la rive d'en face qui abrite les lignes russes, séparées des positions ukrainiennes par une dizaine de kilomètres d'eau douce.

Cet automne, les forces ukrainiennes semblent avoir réussi à établir plusieurs petites têtes de ponts sur la rive gauche du Dniepr au nord-est de Kherson.

Selon le supérieur de Vojd, un commandant de 45 ans répondant au nom de guerre "Armiantchik", il arrive aussi à ses hommes de "faire des incursions de l'autre côté".

"Les Russes sont bien préparés, ils ont des lignes de défense solides. Ce ne sera pas facile, mais en face, c'est chez nous et on connaît le terrain", tempère le militaire tout en déplorant un manque de bateaux blindés.

Le fleuve Dniepr, un rempart naturel difficile à franchir pour l'armée ukrainienne

Karamba, un moustachu de 35 ans, a participé à des opérations sur l'autre rive. Son travail consiste à nettoyer les mines avant l'arrivée des brigades d'assaut, une tâche entravée par la rupture début juin du barrage de Kakhovka en amont du fleuve, qui a provoqué des inondations massives dans cette zone.

Le fleuve Dniepr, un rempart naturel difficile à franchir pour l'armée ukrainienne

"À cause de l'inondation, il y a des mines qui se retrouvent partout : au milieu des maisons détruites, dans les fourrés et les branches mortes", décrit-il.

À part les mines, "sur l'autre rive, les drones volent sans arrêt au-dessus de nos têtes, les mortiers, les tanks, ils vous tirent constamment dessus, sans compter l'aviation", enchaîne Karamba.

Sur une autre position proche du Dniepr, une unité de la 123e brigade territoriale a investi un vaste bâtiment abandonné pour y établir une position de mortier et dissimuler des bateaux.

"Ici, il faut être discret", dit un soldat, craignant la présence d'informateurs prorusses parmi les locaux.

Un rempart pour les deux camps

À côté, Vitamine, un artilleur de 31 ans, est chargé de tirer des obus de mortier aux coordonnées données par des observateurs comme Vojd.

"Depuis deux mois, les Russes possèdent des bateaux plus rapides", explique-il en ajustant la charge de ses projectiles.

Son secteur se concentre sur un réseau de petites îles engorgeant le large lit du Dniepr et sur lesquelles les Russes, selon lui, "tentent d'établir des positions".

"Je suis là pour les en empêcher", dit le jeune homme, qui affirme avoir déjà coulé six bateaux russes avec leurs occupants et assure ne rien savoir sur le nombre de navires ukrainiens coulés.

Le fleuve Dniepr, un rempart naturel difficile à franchir pour l'armée ukrainienne

"Le fleuve est un rempart naturel. C'est plus difficile pour l'ennemi de se positionner. Mais aussi pour nous d'accoster de l'autre côté", concède-t-il.

Entre les jambes du soldat jappe Joulka, petite chienne récupérée par les soldats ukrainiens sur une île lors d'une opération.

Elle est devenue depuis "une sorte d'alarme" pour eux : elle s'enfuit chaque fois avant les attaques de drones kamikaze russes, une menace redoutable dans ces plaines interminables.

"Les Russes ont plus de drones que nous", estime Vitamine. "D'ailleurs, je suis sûr qu'ils nous regardent en ce moment..."

Avec AFP

Tags: Ukraine, Russie, Guerre,