Une tragédie sur les risques de l'exil. Vendredi 10 novembre, 18 des 19 personnes jugées pour leur participation à un vaste réseau d'immigration clandestine du Vietnam vers l'Europe., ont été condamnées à des peines allant du sursis à 10 ans de prison ferme.
Parmi eux, quatre Vietnamiens ont été condamnés pour homicides involontaires lors de la tragédie du camion charnier dans lequel 39 migrants avaient été trouvés morts en Angleterre, dans la nuit du 22 au 23 octobre 2019. "Vous étiez impliqués au premier plan de l'organisation de traversées de personnes en situation de précarité dans l'espoir d'une vie meilleure", a martelé la présidente du tribunal Carole Bochter.
Contre ces quatre prévenus, le tribunal a prononcé des peines de neuf à dix ans d'emprisonnement, assorties d'interdiction définitive du territoire national. "Vous avez créé les conditions qui ont conduit au décès de ces personnes. Si elles avaient été moins nombreuses, peut-être auraient-elles survécu", a-t-elle ajouté.
Pour l'avocat de Tony, condamné à 10 ans de prison, cette peine est un véritable "coup de massue". "On considère donc que des hébergeurs ont la même responsabilité qu'un passeur", a déclaré à l'AFP Me Gaspard Lindon.
Le tribunal a condamné les quatre autres prévenus vietnamiens – dont deux absents au procès et considérés en fuite –, responsables de l'organisation du transport et de l'hébergement des migrants, à des peines d'un à dix ans de prison ferme.
Pendant plus de trois semaines, 19 prévenus étaient jugés à Paris pour aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d'un étranger en France, commise en bande organisée, ainsi que pour association de malfaiteurs. Des délits passibles de dix ans d'emprisonnement.
Tous les autres prévenus ont été relaxés pour l'association de malfaiteurs mais ont été condamnés pour aide au séjour irrégulier commise en bande organisée.
"L'entente préalable en bande organisée paraissait caractérisée via des rencontres entres les membres du réseau, des contacts téléphoniques, des locations d'appartements, des système de compensation", a déclaré la présidente Bochter
"Un dessein purement lucratif"
Les peines prononcées contre sept chauffeurs de taxi de nationalité française, algérienne ou marocaine vont de six mois de prison avec sursis à trois ans d'emprisonnement dont deux avec sursis, assorties d'amendes de 2 000 à 3 000 euros. "Le tribunal a considéré que vous avez participé à ces faits en connaissance de cause dans un dessein plus large, purement lucratif", a souligné Carole Bochter lors du délibéré.
Un huitième chauffeur de taxi, de nationalité française, a été totalement relaxé. "Vous n'avez compris qu'à l'arrivée de la seconde course. L'élément intentionnel de l'infraction fait défaut", a indiqué le tribunal.
Concernant les trois propriétaires d'appartements où avaient séjourné les migrants, deux Chinois et un Français, les peines vont de 6 à 12 mois de prison avec sursis, avec des amendes de 5 000 à 10 000 euros.
Les avocats des parties civiles, qui représentent les familles de sept victimes, se sont réjouies que ce procès aient pu "mettre la lumière sur la dangerosité de l'activité de ces réseaux qui sont aujourd'hui sévèrement réprimés par la justice".
Des procédures judiciaires au Royaume-Uni, au Vietnam et en Belgique
Le matin du 22 octobre 2019, 31 hommes et huit femmes, âgés de 15 à 44 ans, tous originaires du Vietnam, étaient montés dans une remorque, dans le nord de la France.
Le conteneur était parti du port belge de Zeebruges en direction de l'Angleterre où a eu lieu la macabre découverte après une nuit de voyage, le 23 octobre 2019, dans la zone industrielle de Grays, à l'est de Londres. Les migrants avaient été retrouvés morts d'asphyxie et d'hyperthermie.
Parallèlement à la France, des procédures judiciaires ont été menées au Royaume-Uni, au Vietnam et en Belgique.
À Londres, un Roumain d'une quarantaine d'années, désigné comme le chef du réseau, a été condamné en janvier 2021 à 27 ans de prison pour homicides involontaires et trafic de migrants. D'autres suspects, notamment les chauffeurs successifs du camion, ont écopé de 12 à 20 ans d'emprisonnement.
En Belgique, un Vietnamien accusé d'avoir été le chef de la cellule belge du réseau a été condamné à 15 ans début 2022.
Avec AFP