Mickey Mouse s'offre au monde. Quelque 95 ans après sa création, la souris emblématique de Disney a fait son entrée, lundi 1er janvier, dans le domaine public.
Comme chaque année, le Centre pour l'étude du domaine public de la Duke Law School a présenté la liste des œuvres dont la protection par le droit d'auteur expire ce jour aux États-Unis. Et les deux premières versions du personnage de Mickey et de Minnie, apparaissant dans les dessins animés "Steamboat Willie" (1928) et "Plane Crazy"(1928) sont désormais libres de droits, ouvrant la voie à de potentielles reprises, adaptations et produits dérivés, mais aussi à des batailles judiciaires avec Disney. Les droits d'auteurs de ces derniers ont expiré après 95 ans en vertu de la législation américaine.
Jusqu'ici, les dessinateurs, cinéastes, auteurs ou toute autre personne souhaitant utiliser leur image étaient limités par le recours fréquent de Disney à la justice pour mettre fin aux violations des droits d’auteur. Mais désormais les artistes pourront librement copier, partager ou adapter "Steamboat Willie"" et "Plane Crazy", tout comme utiliser les premières versions des personnages y apparaissant, dont Mickey et sa compagne Minnie.
Les versions ultérieures de Mickey et Minnie, qui sont apparues dans de nombreux films et émissions télévisées de Disney au fil des ans, elles, restent cependant toujours protégées par le droit d’auteur.
Accrochages légaux
"Ce qui est dans le domaine public, c'est cette sorte de petit animal effrayant en noir et blanc", relativise Justin Hughes, professeur de droit à l'université de Loyola. "La souris Mickey la plus familière des générations actuelles d'Américains va rester sous protection du droit d'auteur", poursuit-il auprès de l'AFP, disant s'attendre à ce que "cela donne lieu à des accrochages légaux".
Le personnage apparaissant dans ces premiers dessins animés est une créature filiforme et espiègle, assez éloignée de l'apparence actuelle de la mascotte. Des mises en demeure pourraient être envoyées aux créateurs qui oseraient reprendre des éléments plus récents du personnage, comme son short rouge ou ses gants blancs, prédit le chercheur.
"Quoi que vous fassiez, pour être protégé contre les réclamations pour violation du droit d’auteur, vous devez vraiment créer de nouvelles choses et être sûr de vous baser sur "Steamboat Willie'", résume Rebecca Tushnet, professeur à la faculté de droit de Harvard, auprès de CNN.
En effet, précise-t-elle, même si elle doit "admettre à contrecœur" son emprise sur l'image de "Steamboat Willie", la société Disney poursuivra certainement en justice quiconque recrée une version du dessin animé qui ressemble davantage à Mickey Mouse.
Marque déposée
Le groupe Disney a ainsi assuré "travailler à mettre en place des garde-fous pour éviter toute confusion chez les consommateurs liée à des utilisations non autorisées de Mickey ou d'autres personnages emblématiques". La multinationale pourrait s'appuyer ainsi sur ceux protégeant la marque déposée. En effet, si les droits d'auteur prenaient fin au 1er janvier, ce n'est pas le cas de ceux protégeant la marque déposée.
Les premiers interdisent la reproduction sans licence de l'œuvre créative et expirent au bout d'une période donnée. Les seconds protègent eux la source de l'œuvre contre des produits qui pourraient tromper les consommateurs en leur faisant croire qu'il provient du créateur original. Ces droits-là peuvent être renouvelés indéfiniment.
L'entreprise a d'ailleurs ajouté une scène du "Bateau à vapeur de Willie" en ouverture de tous les films d'animation produits par ses studios.
"Ils ont été très futés chez Disney : ils ont réalisé que la meilleure chose à faire était de transformer cette scène emblématique en marque déposée", relève Justin Hughes.
Ainsi, toute personne utilisant à des fins commerciales cette image de Mickey à la barre du navire, s'expose à de potentielles poursuites judiciaires.
D'autres experts, comme Jennifer Jenkins, se montrent eux plus optimistes sur les possibilités d'utilisation liées au domaine public.
"Notre Cour suprême a clairement dit qu'il n'était pas possible de faire valoir les droits de marque pour contourner l'expiration du droit d'auteur", rappelle-t-elle.
Pour autant, tous les experts s'attendent à de prochaines batailles judiciaires. Quiconque compte se servir commercialement de la mascotte de Disney "devrait procéder avec précaution et avec un avocat", juge ainsi Justin Hugues.
Tigrou, L'Amant de Lady Chatterley...
Mickey n'est pas le seul personnage à être entré dans le domaine public. En 2022, c'est le personnage de Winnie l'Ourson (de AA Milne) dont les droits d'auteur ont expiré, ouvrant les vannes à des interprétations plus fantastiques de l'ours en peluche, ayant notamment permis la réalisation d'un film d'horreur en 2023, 'Winnie the Pooh: Blood and Honey".
En 2024, "Winnie l'Ourson : La maison d'un ours-comme-ça", livre dans lequel le personnage de Tigrou apparaît pour la première fois, tombe lui aussi dans le domaine public, et le tigre avec.
Désormais libéré, le personnage de Tigrou pourra très probablement rejoindre Winnie dans le film d'horreur dont une suite est en préparation.
"Le train bleu" d'Agatha Christie, l'Amant de lady Chatterley de D.H Lawrence, "Orlando : A biography" de Viginia Woolf, ou encore le succès musical de Bobby Darin, "Mack the knife", tiré du drame musical allemand L'Opéra de quat'sous, ont eux aussi vu la suppression de leurs droits d'auteur.
Avec AFP