Le président congolais Félix Tshisekedi a remporté dimanche un second mandat à la tête du plus grand pays d’Afrique subsaharienne. Fils du leader historique de l'opposition Étienne Tshisekedi, celui que l’on surnomme "Fatshi" a accédé en 2019 à la fonction suprême lors de la première transition pacifique de l’histoire du pays. France 24 retrace son parcours.
Ses soutiens y voient un véritable plébiscite populaire. Ses opposants dénoncent un "simulacre d'élection". Le président congolais Félix Tshisekedi a remporté l'élection présidentielle avec 73,34 % des voix, a déclaré dimanche 31 décembre la Commission électorale nationale (Céni), loin devant ses principaux rivaux Moïse Katumbi (18,08 %) et Martin Fayulu (5,33 %).
Au pouvoir depuis janvier 2019, celui que l'on surnomme par le diminutif "Fatshi" ou bien encore "Fatshi béton", en référence à sa promesse de rebâtir la République démocratique du Congo, avait succédé au président Joseph Kabila, après près de 19 ans de règne, lors de la première transition pacifique de l'histoire du pays. Biberonné à la politique depuis sa plus tendre enfance, il a gravi méthodiquement les échelons pour s'imposer durablement à la tête de ce gigantesque pays d'Afrique centrale.
Poursuivre l'œuvre du père
Né en 1963, Félix Tshisekedi est le fils d'Étienne Tshisekedi, défunt leader historique de l'opposition. Cet ancien compagnon de route du dictateur Mobutu Sese Seko (1965-1997), dont il a été plusieurs fois le ministre, avait fait le choix de la dissidence au début des années 1980 et créé son propre parti, l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Il avait tenté sa chance à la présidentielle de 2011, remportée par Joseph Kabila.
Troisième enfant d'une famille de cinq, Félix débute son parcours politique dans l'ombre de la figure paternelle. À 19 ans, il suit son père relégué par Mobutu dans son village du Kasaï. À 22 ans, "Fatshi", sa mère et ses frères prennent le chemin de l'exil en Belgique, pays qu'il considèrera comme son "deuxième Congo", où il a notamment suivi une formation en marketing et communication.
Il entreprend de grimper les échelons du parti paternel. Il obtient son premier mandat de député en 2011, mais refuse de siéger à l'Assemblée nationale pour respecter le mot d'ordre de son père contre la réélection contestée de Joseph Kabila au pouvoir. À la mort d'Étienne Tshisekedi, en 2017, son fils reprend la tête du parti et devient candidat à l'élection présidentielle en mars 2018.
"Je n'ai absolument pas l'intention, ni l'ambition de me mesurer à ce qu'il a été, mais mon rêve, c'est de continuer son œuvre", déclarait-il alors à propos de son paternel, avant d'exaucer son rêve en devenant, le 24 janvier 2019, président de la République démocratique du Congo (RDC).
Victoire contestée
Souvent décrit comme un personnage discret malgré sa stature imposante, cultivant l'art du compromis, Félix Tshisekedi n'en est pas moins stratège. Alors qu'il devait se rallier au candidat unique de l'opposition Martin Fayulu, "Fatshi" a finalement formé un ticket gagnant avec l'ancien président de l'Assemblée nationale, Vital Kamerhe, qui lui a ouvert les portes de la présidence.
Il est déclaré vainqueur avec 38,57 % des voix, devant Martin Fayulu (34,83 %) qui dénonce alors un "putsch électoral" et des résultats "ridicules", qui n'ont rien à voir avec la vérité des urnes.
Alors que l'Église catholique de la RDC, qui avait déployé des observateurs dans les bureaux de vote, semble elle aussi exprimer des doutes, le candidat malheureux attente un recours en justice.
L'élection de Félix Tshisekedi sera finalement validée par la Cour constitutionnelle, estimant les résultats fournis par la Commission électorale indépendante (Céni) "authentiques et sincères".
Si au départ de son mandat, un accord de coalition le liait à Joseph Kabila, il l'a rapidement fait voler en éclats en s'affirmant seul chef à bord. De multiples coups d'éclats et une habileté politique qui a d'abord surpris les observateurs, mais qui a contribué à ce que le "fils de" se fasse un prénom.
Bilan en demi-teinte
Le nouveau président avait axé son programme sur la sécurité et la lutte contre la pauvreté. Cinq ans plus tard, plusieurs grandes réformes sociales ont bien vu le jour, comme la gratuité de l'enseignement – même si sa mise en œuvre a été critiquée – ou la gratuité des soins pour la maternité. Mais beaucoup lui reprochent de ne pas avoir rompu avec le système de prédation des ressources et de ne pas avoir réussi à pacifier l'est du pays, principal point noir de son quinquennat.
Félix Tshisekedi dénonce de son côté les "agressions" du voisin rwandais, qu'il accuse de soutenir les rebelles du M23 dans cette zone, "au mépris du droit international".
Interrogé sur France 24 à un mois du scrutin, le président avait défendu son bilan, saluant des avancées "qui ne demandent qu'à être consolidées".
"Beaucoup de choses restent encore à faire mais le Congo revient de loin", avait-il affirmé, se félicitant, au passage, du récent rehaussement, de la note de son pays par les agences de notation internationales.
Sur ses chances de réélection, il s'était montré peu loquace : "Je reste serein et modeste".
Depuis la dernière présidentielle, Félix Tshisekedi a creusé l'écart avec ses concurrents, obtenant un score presque deux fois supérieur à celui de 2018. Une fête, néanmoins quelque peu gâchée par de nouvelles accusations de fraude, émanant de l'opposition, liés aux nombreux retards et problèmes logistiques ayant entaché le scrutin.
Avec AFP