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Deuxième jour consécutif de combats au Soudan, 56 civils et trois humanitaires tués

Au moins 56 civils sont morts dans les combats en cours au Soudan, notamment à Khartoum, où les tensions entre les paramilitaires et l'armée ont dégénéré en affrontements, raids aériens et menaces par médias interposés. Des tirs et des explosions ont été entendus dans la capitale dimanche. Trois humanitaires du Programme alimentaire mondial (PAM) ont été tués dans des combats au Darfour.

Pour le deuxième jour consécutif, les affrontements se poursuivent dimanche 16 avril au Soudan. Ni l'armée ni la puissante force paramilitaire du général Mohamed Hamdane Daglo ne parviennent à l'emporter malgré des combats qui ont tué 56 personnes, dont trois employés humanitaires de l'ONU.

Les combats à l'arme lourde font rage dans la capitale soudanaise et dans ses banlieues entre l'armée régulière dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane et les Forces de soutien rapide (FSR), d'ex-miliciens de la guerre du Darfour devenus supplétifs de l'armée avant d'essayer de la déloger du pouvoir depuis samedi.

Les deux parties ont annoncé accepter la demande de l'ONU d'ouvrir des "couloirs humanitaires" durant trois heures dans l'après-midi, sans pour autant que les bruits des explosions et des tirs cessent à Khartoum. Les médecins qui, eux, appellent à laisser passer les blessés depuis samedi matin, n'ont pas fait état d'arrivées massives de blessés jusqu'ici durant cette fenêtre qui s'est refermée à 17 h GMT.

Mais l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) s'inquiète que "plusieurs des neuf hôpitaux de Khartoum qui reçoivent des civils blessés n'ont plus de sang, d'équipement de transfusion, de fluides intraveineux et d'autres matériels vitaux".

Dans la capitale, où dans certains quartiers l'électricité et l'eau courante sont coupées depuis samedi, les patients –  parfois des enfants  – et leurs proches "n'ont plus ni à boire ni à manger", alerte un réseau de médecins pro-démocratie. Impossible, ajoutent-ils, de faire partir en sécurité les patients traités or cela crée "un engorgement qui empêche de s'occuper de tous".

Trois humanitaires tués dans des combats au Darfour

Depuis samedi, raids aériens faisant trembler les immeubles, tirs d'artillerie, combats de rue au fusil automatique ou à la mitrailleuse lourde n'ont laissé aucun répit aux habitants de Khartoum. Les combats se concentrent dans la capitale et au Darfour, dans l'Ouest.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) de l'ONU a suspendu son aide au Soudan après la mort de ses trois employés, tués dans des combats au Darfour. Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé que les responsables soient "traduits en justice au plus tôt".

À Khartoum, baignée dans une odeur de poudre, combats de rue et blindés en travers des routes empêchent tout déplacement. De nombreux hommes armés en treillis déambulent dans les rues, alors que les civils se terrent chez eux pour une nouvelle nuit qui s'annonce longue et anxiogène.

Dans le centre-ville où siègent les institutions politiques et militaires, s'élèvent des colonnes d'une épaisse fumée noire. "C'est très inquiétant, on dirait que ça ne va pas se calmer rapidement", s'alarme Ahmed Seif, qui vit avec sa femme et leurs trois enfants dans l'est de Khartoum. Il redoute que son immeuble ait été touché par des tirs, mais dit avoir "peur de sortir vérifier", par crainte des balles perdues et des hommes en treillis qui quadrillent les rues.

Des témoins ont également fait état de tirs d'artillerie à Kassala, dans l'Est. 

Conflit entre deux généraux   

Le conflit couvait depuis des semaines, empêchant tout règlement politique dans l'un des pays les plus pauvres du monde. Depuis la révolte populaire qui renversa Omar el-Béchir en 2019, le Soudan tente d'organiser ses premières élections libres après trente ans de dictature.

Lors du putsch ayant mis fin en octobre 2021 à la transition démocratique, le général Burhane et le général Daglo, dit "Hemedti", avaient fait front commun pour évincer les civils du pouvoir. Mais leur rivalité a explosé samedi.

La communauté internationale multiplie depuis les appels au cessez-le-feu. La Ligue arabe et l'Union africaine (UA) se sont réunies en urgence. Au Caire, les pays arabes se sont mis d'accord pour condamner les violences et appeler à une "solution politique" – une option qui n'a jusqu'ici pas mené au retour à la transition démocratique au Soudan, sorti seulement en 2019 de trente années de dictature islamo-militaire.

L'UA a de son côté annoncé qu'elle allait dépêcher sur place le président de sa Commission, Moussa Faki Mahamat, et que ce dernier se rendrait "immédiatement" au Soudan "pour engager les parties vers un cessez-le-feu". L'aéroport, lui, est fermé ainsi que plusieurs frontières, notamment avec le Tchad.

Depuis les Émirats Arabes Unis, l'ancien Premier ministre civil Abdallah Hamdok, arrêté par le général Burhane lors du putsch d'octobre 2021, a appelé à "empêcher toute ingérence étrangère" au Soudan, un pays, a-t-il rappelé, déjà plongé dans le marasme politique et économique.

Difficile de savoir qui tient quoi

Il était impossible dimanche de savoir quelle force contrôlait quoi. Les FSR ont annoncé avoir pris l'aéroport samedi mais l'armée a démenti. Les FSR ont également dit tenir le palais présidentiel. L'armée a démenti et assure surtout tenir le QG de son état-major, l'un des principaux complexes du pouvoir à Khartoum. 

Quant à la télévision, les deux parties assurent aussi l'avoir prise. Aux alentours, des habitants font état de combats continus alors qu'à l'antenne, seuls des chants patriotiques sont diffusés, comme lors du putsch. 

Car la guerre ouverte entre les généraux est aussi médiatique : samedi, Hemedti a enchaîné les interviews aux chaînes de télévision du Golfe, dont plusieurs États sont ses alliés, multipliant les injures contre le général Burhane, resté invisible jusqu'ici. Hemedti n'a cessé de réclamer le départ de "Burhane le criminel", alors que l'armée publiait sur Facebook un "avis de recherche" contre Hemedti, "criminel en fuite".

Antonio Guterres a appelé les deux hommes pour réclamer "un arrêt immédiat de la violence". Il a exhorté le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, grand voisin influent, à agir alors que depuis samedi Le Caire s'inquiète d'une vidéo montrant plusieurs de ses soldats apparemment aux mains d'hommes des FSR.

Avec AFP

Deuxième jour consécutif de combats au Soudan, 56 civils et trois humanitaires tués