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Retraites : le gouvernement impose le vote unique au Sénat, Macron ne rencontrera pas les syndicats

Le président français Emmanuel Macron a refusé vendredi de rencontrer les syndicats au sujet de la réforme des retraites, tandis que le gouvernement a demandé au Sénat un vote unique, afin d'accélérer les débats. 

Coup de théâtre au Sénat : le gouvernement a demandé, vendredi 10 mars, un vote unique sur l'ensemble de sa réforme des retraites pour donner un coup d'accélérateur aux débats, tandis qu'Emmanuel Macron confirmait cette fermeté en n'acceptant pas de rencontrer les syndicats.

Pour contrer l'"opposition méthodique" de la gauche, le ministre du Travail Olivier Dussopt a dégainé vendredi l'arme constitutionnelle du vote unique devant le Sénat, qui va devoir se prononcer en une seule fois sur l'ensemble du projet de loi.

"Coup de force"

"Aveu de faiblesse", "coup de force" : la gauche s'est aussitôt élevée contre ce recours. Et compte répliquer avec ses munitions restantes, à savoir le millier d'amendements qui restaient en discussion.

Si ceux-ci ne pourront pas être débattus ni votés, ils peuvent toutefois encore être simplement présentés par leurs auteurs. Une façon de gagner du temps et de laisser espérer à la gauche que le texte "ne soit pas soumis au vote" avant l'échéance prévue de dimanche à minuit.

"Gouverner dans la brutalité pour imposer une réforme dont les Français ne veulent pas : voilà leur unique objectif !", a dénoncé sur Twitter la cheffe de file des députés du Rassemblement national, Marine Le Pen.

De son côté, Emmanuel Macron n'a pas proposé de rendez-vous aux syndicats, dans un courrier de réponse à leur lettre qui lui demandait de les recevoir en "urgence". Il a expliqué vouloir "préserver le temps parlementaire" même si le gouvernement "est à (leur) écoute". "Je ne sous-estime pas le mécontentement dont vous vous faites le porte-parole comme les angoisses exprimées par de nombreux Français inquiets de ne jamais avoir de retraite", a ajouté le chef de l'État, à la veille d'une nouvelle journée de manifestations.

L'exécutif avait déjà opposé une fin de non-recevoir à leur sollicitation au cours de la semaine, Élisabeth Borne renvoyant l'intersyndicale vers son ministre du Travail, Olivier Dussopt.

Choix cornélien pour Élisabeth Borne

Mais, au Parlement comme au gouvernement, les regards sont déjà tournés vers la semaine prochaine, vraisemblablement décisive pour l'avenir de cette réforme phare du second mandat d'Emmanuel Macron, qui prévoit le report de 62 à 64 ans de l'âge de départ en retraite.

Un groupe de sénateurs et de députés doit d'abord se réunir mercredi au sein d'une commission mixte paritaire (CMP) pour bâtir un projet de compromis entre les deux Chambres, qui devront ensuite voter séparément le lendemain sur ce texte.

L'approbation de l'Assemblée, où le gouvernement ne dispose que d'une majorité relative et où la droite est divisée, semble de plus en plus incertaine.

La Première ministre Élisabeth Borne "va avoir un choix cornélien : c'est la roulette russe" d'un vote à l'Assemblée ou "la grosse Bertha" avec l'article 49.3 de la Constitution qui permet l'adoption d'un texte sans vote mais porte le risque d'une censure du gouvernement, a mis en garde Bruno Retailleau, le chef de file des sénateurs Les Républicains. Un vote positif est possible mais "ça va être ric-rac" à l'Assemblée, admet un ministre.

Si "l'objectif n'est pas d'utiliser le 49.3", il reste un outil à disposition, souligne l'entourage d'Emmanuel Macron, qui "ne veut pas que le pays soit bloqué". "Avoir une Première ministre qui ne veut pas du 49.3 et un président qui serait plus allant, c'est une dualité qui fait tout à fait partie du jeu", selon une source parlementaire au sein de la majorité, et permet de montrer que le gouvernement est prêt à tout.

Pour le leader de la CGT Philippe Martinez, un recours à cet outil serait "très grave, y compris pour la démocratie", et justifierait la poursuite du mouvement.

"Escalade de la colère"

Du côté des syndicats, "on tire la sonnette d'alarme. Quand des millions de personnes sont dans la rue (...), quand il y a des grèves et qu'en face il n'y a rien, silence, les gens se disent : 'Qu'est-ce qu'il faut faire de plus pour être entendus'", a affirmé Philippe Martinez.

Ils espèrent réussir une nouvelle journée de mobilisation samedi pour exiger le retrait du texte. Le vote bloqué pourrait mener à une "escalade de la colère", a prévenu la fédération CGT Énergie, indiquant que les grèves se poursuivaient, notamment dans les centrales de production d'électricité.

La CGT a évoqué également de nouvelles coupures volontaires, notamment dans des zones industrielles près de Chambéry, et des grèves de gaziers dans l'ensemble des terminaux méthaniers et des stockages de gaz.

Côté carburants, les expéditions ont partiellement repris vendredi à la raffinerie Esso-ExxonMobil de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), selon le groupe, mais la CGT a dénoncé une "manipulation" de la direction et annoncé un "durcissement" du mouvement dans l'après-midi.

Côté transports, la SNCF prévoyait un trafic toujours "fortement perturbé" vendredi et le week-end. "Se faire entendre en faisant grève est parfaitement légitime. Mais prétendre vouloir mettre la France à l'arrêt, ou pire encore, à genoux, est évidemment inadmissible", a dénoncé la CPME, qui représente les petites entreprises.

Avec AFP