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Retraites : le Sénat vote l'extinction de plusieurs régimes spéciaux

Le Sénat a voté samedi l'une des mesures les plus sensibles du projet de réforme de retraites : la fin de plusieurs régimes spéciaux. Il est prévu que les agents recrutés à compter de septembre 2023 soient affiliés au régime de droit commun pour l'assurance vieillesse. 

Le Sénat à majorité de droite a voté, samedi 4 mars dans la soirée, l'extinction de plusieurs régimes spéciaux, une des mesures les plus sensibles du projet de réforme des retraites, alors que la pression monte dans la rue et les entreprises avant la mobilisation du 7 mars.

Électriciens et gaziers, concernés comme la RATP par cette disparition de leur régime, ont débuté dès vendredi une grève reconductible. Elle entraîne des baisses de production d'électricité dans plusieurs centrales nucléaires, sans occasionner de coupures pour les clients. 

#Retraites : le Sénat vote l'extinction de cinq régimes spéciaux (RATP, IEG, Banque de France, Cese et clercs de notaires), par 233 voix pour et 99 voix contre#directSénat pic.twitter.com/7aTy1FZ72g

— Public Sénat (@publicsenat) March 4, 2023

"Si Emmanuel Macron ne veut pas une France à l'arrêt et une semaine noire dans l'énergie, il vaudrait mieux qu'il retire sa réforme", a prévenu Sébastien Ménesplier, secrétaire général de la CGT Énergie. "On sera capable de tout", a averti Fabrice Coudour, secrétaire fédéral.

En tournée en Afrique, le chef de l'État a indiqué samedi qu'il n'avait "pas grand-chose de neuf à dire".

Gabriel Attal a, lui, haussé le ton contre les syndicats: ce sont "les Français qu'ils vont bloquer" et "les travailleurs qu'ils vont mettre à genoux", a déclaré le ministre des Comptes publics, en marge d'une visite au Salon de l'Agriculture, appelant les opposants à la réforme à "la responsabilité".

La mobilisation du 7 mars contre le report de 62 à 64 ans de l'âge légal de la retraite, s'annonce massive. De source policière, les services de renseignement attendent entre 1,1 et 1,4 million de manifestants partout en France.

Une "réforme de gauche"

L'intersyndicale se réunira mardi soir pour décider de la suite des événements: "il n'y a pas un gravier entre nous", a assuré sur France Inter, samedi, le secrétaire général de FO Frédéric Souillot. "Il y aura des assemblées générales qui décideront de la reconduction ou non" du mouvement sur les sites en grève.

Dans un entretien au Parisien, le ministre du Travail Olivier Dussopt, ancien socialiste, a défendu une "réforme de gauche qui aurait pu être portée par un gouvernement social-démocrate".

La gauche, qui occupe largement le terrain au Sénat depuis le coup d'envoi des débats jeudi, a argumenté toute la journée contre le premier article du projet gouvernemental qui prévoit l'extinction progressive de cinq régimes spéciaux (industries électriques et gazières, RATP, Banque de France, clercs et employés de notaire, membres du Conseil économique, social et environnemental). La droite étant quasiment absente de la discussion.

"Vous avez décidé de ‘bordéliser’ un secteur majeur de notre souveraineté énergétique", a lancé le président du groupe PS Patrick Kanner à l'adresse du ministre du Travail. "Vous allez entrer dans l'histoire des fossoyeurs de notre protection sociale".

« M. le ministre, pour reprendre une expression consacrée par l’un de vos collègues, vous avez décidé de bordéliser un secteur majeur de notre souveraineté énergétique » s’exclame @PatrickKanner, contre la fin du régime spécial des industries électriques et gazières.#Retraites pic.twitter.com/E5cj3P7VoA

— Public Sénat (@publicsenat) March 4, 2023

L'article 1er du projet de réforme prévoit l'extinction progressive des régimes spéciaux des industries électriques et gazières, de la RATP, de la Banque de France ou des clercs et employés de notaire. Seront concernés les agents recrutés à compter de septembre 2023, qui seront affiliés au régime de droit commun pour l'assurance vieillesse.  

Le chef des sénateurs LR, Bruno Retailleau, souhaite que ces régimes spéciaux soient aussi supprimés pour les salariés actuels, mais sa proposition sera examinée plus tard. Le gouvernement est contre, et son amendement pourrait être rejeté, faute de soutien des centristes.

"Vous ne faites rien depuis deux jours, nous, nous travaillons"

Pour la gauche, la fin des régimes spéciaux est "une proposition idéologique et démagogique", qui ne générera pas de gain financier.

Les métiers concernés "sont-ils aussi pénibles hier qu'aujourd'hui?", a rétorqué la rapporteure générale Élisabeth Doineau (Union centriste). "Il faut ouvrir les yeux, on demande des efforts à tous les Français, quels qu'ils soient".

Les débats se poursuivront dimanche sur l'article 2, également sensible, concernant l'emploi des seniors.

Le climat jusqu'alors très pondéré s'est tendu samedi en soirée, autour d'un imbroglio sur la publication d'un "avis" du Conseil d'État sur le projet de loi, demandée avec insistance par la gauche. Le ministre du Travail assurant lui qu'il s'agit d'une "note" qui n'a pas à être publiée.

"J'avais cru comprendre que je n'étais pas à l'Assemblée nationale", a riposté Olivier Dussopt lorsque la socialiste Marie-Pierre de La Gontrie a questionné sa "sincérité".

Échange acerbe aussi entre cette dernière, qui a lancé à la droite "vous ne faites rien depuis deux jours, nous, nous travaillons", et le rapporteur LR René-Paul Savary, qui a rétorqué, en vantant la constance de la majorité sénatoriale sur la question des retraites: "Vous préférez les effets de tribune à l'efficacité du travail".

L'accès de tension a été bref, loin du chahut permanent qui avait prévalu à l'Assemblée nationale. Dans une tribune au JDD, quatre anciens présidents de l'Assemblée, Bernard Accoyer, Claude Bartolone, Jean-Louis Debré et François de Rugy ont d'ailleurs dénoncé "un spectacle désolant", appelant à "respecter l'Assemblée nationale et sa présidente".

Avec AFP