Le débat sur la réforme des retraites s'est achevé dans la confusion, mais comme prévu, vendredi à minuit pile, en raison de la procédure législative accélérée. L'examen au Parlement s'est interrompu très loin du fameux article 7 sur le report de l'âge légal à 64 ans. L'examen du texte doit désormais se poursuivre au Sénat.
Dans la confusion, l'Assemblée nationale française a conclu vendredi 14 févier à minuit, sans vote, l'examen en première lecture du projet de réforme des retraites, sur un énième imbroglio au sujet des carrières longues. Le texte est désormais attendu au Sénat, le 28 février en commission, puis le 2 mars dans l'hémicycle.
Le débat sur la réforme phare d'Emmanuel Macron s'est achevé comme prévu à minuit pile, en raison de la procédure législative accélérée.
Les députés ont largement rejeté une motion de censure déposée par le Rassemblement national. En préambule, Marine Le Pen avait dénoncé "un projet (...) mal porté et mal expliqué", accusant l'exécutif d'avoir pour "objectif" de "faire baisser" les revenus des retraités. Une accusation récusée par Gabriel Attal, le ministre des Comptes publics. "Vous n'avez pas de solution à proposer (...) les Français le voient", a-t-il accusé.
Dans un hémicycle clairsemé, la Première ministre Élisabeth Borne a rétorqué que le débat avait montré les visages de "deux populismes", ceux de l'extrême droite et de la France insoumise (LFI).
Point d'orgue de deux semaines de débats au mieux tendus, au pire chaotiques, Olivier Dussopt a réservé ses derniers propos aux insoumis : "vous m'avez insulté 15 jours, personne n'a craqué et nous sommes là, devant vous, pour la réforme", a-t-il lancé, furieux.
"Dans le respect de la Constitution, nos débats doivent désormais prendre fin", indique @olivierdussopt. "Les 20.500 amendements déposés par la Nupes auront empêché notre Assemblée d'achever l'examen du texte". Des députés entonnent "On est là" en quittant l'hémicycle. #Retraites pic.twitter.com/qWwsf0CNY6
— LCP (@LCP) February 17, 2023"Macron en échec à l'Assemblée. La retraite à 64 ans n'est pas passée", a réagi avant même la fin des débats le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon. Certains députés LFI sont sortis en chantant "on est là, on est là", avant que des députés de la majorité, de droite et du RN entonnent une Marseillaise.
Imbroglio sur les carrières longues
Sans surprise au vu du nombre d'amendements restant, essentiellement des Insoumis, et de la date butoir fixée à minuit, les débats se sont interrompus très loin du fameux article 7 sur le report de l'âge légal à 64 ans.
Tout au long de la soirée, la discussion a porté sur la durée de cotisation pour les retraités pouvant bénéficier du dispositif "carrières longues", c'est-à-dire ceux qui sont entrés dans le monde du travail avant 21 ans.
La Première ministre a annoncé que le gouvernement retiendrait des mesures favorables aux enseignants du premier degré, aux professions libérales, aux pensions agricoles, aux retraités à Mayotte, et aux "carrières longues".
"Le gouvernement saisira le Sénat du texte qu'il a initialement présenté, modifié par les amendements votés", a ensuite annoncé le ministre du Travail Olivier Dussopt.
Quarante-trois ou Quarante-quatre ans ? La question n'a pas été clairement tranchée, malgré l'insistance de députés LR, menés par Aurélien Pradié, qui exige que tous les travailleurs concernés puissent partir après 43 années de cotisations, sans que l'âge légal ne soit une barrière.
"Je ne dirai jamais devant l'Assemblée nationale que la durée de cotisation serait un plafond", a déclaré Olivier Dussopt, estimant que ce serait "mentir". "Nous ne pouvons pas sortir de tout ça avec des doutes", lui a répondu Aurélien Pradié, demandant une position claire.
Rendez-vous au Sénat et dans la rue
La gauche parlementaire s'est divisée sur la stratégie à adopter, les écologistes regrettant auprès de l'AFP "un raté stratégique" de LFI.
"Je regrette qu'un certain nombre de groupes de la Nupes aient choisi en quelque sorte d'abandonner leurs amendements, d'abandonner la bataille et de nous laisser seuls pour tenir jusqu'au bout", a déclaré de son côté l'insoumis Manuel Bompard.
Les syndicats pressaient l'alliance de gauche d'aller jusqu'à cet article clé du projet de réforme. "L'assemblée nationale donne un spectacle désolant, au mépris des travailleurs. Honteux", a réagi dans la soirée le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger.
Les dernières manifestations ont rassemblé jeudi 1,3 million de personnes selon la CGT et 440 000 selon le ministère de l'Intérieur, le chiffre le plus faible depuis le début de la mobilisation.
Les syndicats attendent désormais la mobilisation du 7 mars où ils menacent de mettre le pays "à l'arrêt" si le gouvernement ne retire pas sa réforme.
La CGT a de son côté, appelé vendredi à la grève reconductible dans les raffineries dès le lundi 6 mars.
À gauche, l'attention se porte sur ces prochaines mobilisations. "On pense au mouvement social ", souffle une source au sein du groupe communiste. "J'espère que la séquence ne va pas l'affaiblir. En 2020 on était crevés mais fiers, là non." "Le 7 mars, nous vous ferons plier", a promis Matthias Tavel de La France Insoumise.
"L'enjeu, c'est qui va imposer son récit", estime un élu Renaissance, tant il semble difficile de dire qui du gouvernement ou des oppositions sort renforcé de cette première manche parlementaire.
Le Sénat se saisira du texte à partir du 28 février en commission.
Avec AFP