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Réforme des retraites : les débats commencent à l'Assemblée dans une atmosphère tendue

Les députés se sont emparés lundi en commission du très contesté projet de réforme des retraites, à la veille d'une nouvelle journée de mobilisation. Les oppositions sont de plus en plus remontées face à la fermeté affichée par le gouvernement. 

Avant la mobilisation dans la rue mardi 31 janvier, les députés ont entamé lundi les débats en commission sur le très contesté projet de réforme des retraites.

La soixantaine de parlementaires de la commission des Affaires sociales planchent, article par article, sur le texte qui prévoit un recul de l'âge légal de 62 à 64 ans et une accélération de l'allongement de la durée de cotisation, avant l'épreuve dans l'hémicycle à compter du 6 février sur la réforme phare du second quinquennat Macron.

Les élus de l'alliance de gauche Nupes sont venus en nombre, à tel point que certains ont dû s'installer entre LR et RN, faute de places à gauche. "On est nombreux à vouloir coconstruire", a lancé l'Insoumis Hadrien Clouet, suscitant des rires dans la salle.

Le socialiste Arthur Delaporte a d'emblée demandé des "jours supplémentaires" de l'examen, qui s'achève mercredi soir. Quelque 7 000 amendements ont été déposés, dont 6 000 par la gauche.

Les délais resserrés sont imposés par le vecteur choisi par l'exécutif, un projet de budget rectificatif de la Sécurité Sociale, qui limite à cinquante jours au total les débats au Parlement.

Depuis dimanche, le ton est monté d'un cran dans la classe politique, après que a Première ministre, Élisabeth Borne, a assuré que le report de l'âge de départ n'était "plus négociable", tandis que le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a accusé la Nupes de vouloir "bordéliser le pays".

Depuis son fief d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), la patronne des députés RN Marine Le Pen a mis en garde la Première ministre qui "ne devrait pas trop s'avancer, parce que, parti comme c'est parti, il n'est pas du tout impossible que sa réforme des retraites ne soit pas votée".

Coup de menton

Le coordinateur de LFI Manuel Bompard a, lui, reproché à Élisabeth Borne de "bomber le torse", ajoutant : "Ils veulent passer en force, donc la meilleure réponse ça sera des millions de personnes dans la rue mardi".

Même le vice-président exécutif de LR Aurélien Pradié a critiqué le "coup de menton" de la Première Ministre et "l'agitateur" Gérald Darmanin qui jette de "l'huile sur le feu".

Lundi, c'est le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger, qui a mis en garde sur France 2 Mme Borne, qui "ne peut pas rester sourde à cette formidable mobilisation qui s'est créée". 

Les échanges pourraient être particulièrement tendus mardi, jour de mobilisation interprofessionnelle nationale.

Après celle du 19 janvier, qui a vu de 1 à 2 millions de personnes manifester contre la réforme, les syndicats espèrent faire au moins aussi bien, en vue d'une montée en puissance du mouvement. Un espoir conforté par des sondages attestant d'un rejet croissant dans l'opinion.

La grève s'annonce très suivie dans les transports et à l'école. Air France va annuler un vol court et moyen-courrier sur dix, mais les liaisons long-courrier ne seront pas affectées.

Une source dans les services de renseignement s'attend à 1,2 million de manifestants au niveau national "en fourchette haute dont 100 000 à Paris, avec 240 cortèges ou rassemblements prévus".

Onze mille policiers et gendarmes seront mobilisés partout en France mardi, dont 4 000 à Paris, pour encadrer les manifestations, a annoncé à Marseille le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, qui a exprimé le vœu que les protestations se déroulent "dans les mêmes conditions sans incident grave" que la précédente mobilisation.

Tenir la tranchée

La gauche étrille un projet "solitaire, injuste et injustifié" voire "anti-femmes". Ses élus s'opposent en bloc aux 64 ans et récusent faire de l'obstruction, en évitant les amendements de pure forme. "On va adapter notre tactique au fur et à mesure, on veut que soit discuté l'article 7 [sur l'âge]", indique l'Insoumise Clémentine Autain.

Les députés RN combattent le report de l'âge, mais réservent leurs forces pour l'Hémicycle.

De son côté, la droite, dont les voix sont cruciales pour que le texte soit adopté, fait monter les enchères. Les LR ont des demandes pour les femmes aux carrières hachées, ceux ayant commencé à travailler à l'âge de 20 ans, sur les droits familiaux et encore un report de l'entrée en vigueur de la réforme.

La majorité présidentielle n'est pas en reste, mais a été priée de réfréner ses ardeurs pour tenir l'équilibre financier de la réforme. L'idée de contraintes plus fortes autour de l'emploi des seniors dans les grandes entreprises fait cependant son chemin chez Renaissance.

Qu'il soit adopté ou pas en commission, le projet sera présenté en séance le 6 février. C'est sa version initiale qui sera soumise, sans les amendements adoptés en commission. C'est la règle pour les textes budgétaires.

Deux semaines d'échanges sont programmées dans l'Hémicycle, avec, dans l'arène, les ministres du Travail, Olivier Dussopt, et des Comptes publics, Gabriel Attal, face à des députés promettant de "tenir la tranchée".

Avec AFP