Christine Lambrecht, ministre allemande de la Défense, a remis sa démission, lundi, après une série de gaffes, notamment en lien avec la guerre en Ukraine.
La ministre allemande de la Défense, fragilisée par une série de bévues, a annoncé sa démission, lundi 16 janvier, au moment où Berlin est de nouveau pressé d'accroître son soutien militaire à l'Ukraine avec des chars.
Christine Lambrecht était notamment critiquée de toutes parts depuis une vidéo de vœux jugée complètement ratée, dans laquelle elle se réjouissait des "rencontres" que la guerre en Ukraine lui avait permis de faire.
"La focalisation des médias sur ma personne pendant des mois ne permet guère d'établir des rapports et des discussions objectifs sur les soldats, la Bundeswehr (l'armée allemande) et les orientations de la politique de sécurité dans l'intérêt des citoyens allemands", déplore Christine Lambrecht dans une déclaration. Dans ce contexte, "j'ai demandé aujourd'hui au chancelier de me relever de mes fonctions de ministre de la Défense", ajoute la sociale-démocrate.
Le nom de sa ou son successeur n'est pas encore connu et ne sera pas communiqué lundi, selon des sources gouvernementales. Plusieurs noms circulent dans la presse, dont Eva Högl, commissaire à la Défense au Bundestag et chargée d'un rapport annuel sur l'état de l'armée, ou encore Lars Klingbeil, co-dirigeant du parti de Christine Lambrecht, le SPD.
Pression autour de la livraison de chars à l'Ukraine
Cette démission intervient au moment où l'Allemagne est une nouvelle fois sous pression pour livrer des chars à l'Ukraine. Et alors qu'une réunion des alliés occidentaux, autour des États-Unis, se tiendra, vendredi, sur la base américaine de Ramstein. De nouvelles aides à l'Ukraine, envahie par la Russie, devraient être à cette occasion annoncées.
"Le travail précieux des soldats et des nombreuses personnes motivées doit être au premier plan", estime Christine Lambrecht, alors que l'Allemagne prévoit des investissements de 100 milliards d'euros pour moderniser son armée.
Âgée de 57 ans, Christine Lambrecht, ministre de la Justice dans le précédent gouvernement de coalition d'Angela Merkel, a enchaîné les bévues depuis le début de la guerre en Ukraine, le 24 février 2022. Olaf Scholz lui avait rendu un hommage appuyé il y a encore quelques jours, mais les critiques croissantes rendaient sa position difficilement tenable. Elle pourrait retourner à sa profession d'avocate, ayant renoncé à se représenter au Bundestag en 2020 après 22 années de mandat.
Christine Lambrecht a d'abord suscité les critiques de Kiev en annonçant peu avant le déclenchement de la guerre l'envoi de 5 000 casques, quand le régime de Volodymyr Zelensky demandait des armes lourdes. Elle a aussi utilisé un hélicoptère de l'armée pour partir en vacances avec son fils.
La vidéo dans laquelle elle présentait ses vœux début janvier a été la goutte de trop. La ministre y apparaissait dans le centre de Berlin, décoiffée par des bourrasques de vent, en train d'évoquer la guerre en Ukraine entre deux explosions de pétards et de feux d'artifices, particulièrement prisés des Allemands pour fêter la nouvelle année. "Une guerre fait rage au milieu de l'Europe", glissait la ministre au sujet de l'invasion russe, évoquant "beaucoup, beaucoup de rencontres avec des gens intéressants et formidables". "Pour cela, je dis un grand merci".
Fireworks in Berlin on New Year's Eve in the background – and the German defense minister talking about war in Europe in the foreground.
Christine Lambrecht's New Year's address posted on her Instagram sparked outrage and again increased calls for her resignation. pic.twitter.com/hQNE2T88Gu
Incarnation des lacunes de l'armée
Christine Lambrecht a aussi incarné les lacunes d'une armée dont le matériel est vétuste et les difficultés à la moderniser. Mi-décembre, Berlin a ainsi dû suspendre de nouvelles commandes de blindés Puma après une série de pannes frappant les blindés déjà utilisés par l'armée.
Dans le dernier baromètre de l'institut Insa, elle apparaissait en dernière position des personnalités politiques, derrière les co-dirigeants du parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD). Plus des deux tiers des Allemands (77 %) souhaitaient sa démission, selon un autre sondage.
"Lambrecht n'a jamais réussi à se dépêtrer des gros titres négatifs", relève la chaîne publique ARD, pointant ses "diverses erreurs politiques, souvent couplées à une communication maladroite".
Pour le quotidien Süddeutsche Zeitung, les erreurs répétées de la ministre constituaient "une énorme hypothèque" pour une armée censée se moderniser et recouvrer une importance stratégique en temps de guerre.
Avec AFP