Accusée de corruption, d'espionnage des journalistes, de restriction des droits parlementaires, la Hongrie de Viktor Orban a été sommée de réagir par le Parlement européen, qui a adopté jeudi un rapport considérant que ce pays n'était plus une "démocratie". La Commission envisage de suspendre plusieurs milliards de fonds européens versés à Budapest.
Un pas a été franchi. Le Parlement européen a proclamé, jeudi 15 septembre, pour la première fois, que la Hongrie de Viktor Orban n'était plus une véritable démocratie. Ce positionnement intervient au moment où Budapest tente de donner des gages à Bruxelles sur la lutte anticorruption afin d'échapper à une suspension des financements européens.
Dans un rapport largement adopté, le Parlement européen "regrette profondément que l'absence d'action décisive de la part de l'Union ait contribué au délitement de la démocratie, de l'État de droit et des droits fondamentaux en Hongrie", qualifiant le pays, dans une formule alambiquée, de "régime hybride d'autocratie électorale".
Le rapport, qui a recueilli 433 voix pour (123 voix contre, 28 abstentions), a été présenté par l'eurodéputée écologiste française Gwendoline Delbos-Corfield, applaudie dans l'hémicycle à l'issue du vote.
It is a clear call from the majority of political groups:
🟣Hungary has turned into a hybrid regime of electoral autocracy,
🟣@Europarl_EN condemns 🇭🇺 govt efforts to systematically breach #RuleOfLaw & #democracy,
🟣The lack of 🇪🇺 action has contributed to this breakdown. pic.twitter.com/zJFkD8TjM3
La Hongrie est dirigée depuis 2010 par le Premier ministre nationaliste et ultra-conservateur Viktor Orban, 59 ans, qui revendique l'exercice d'une "démocratie illibérale" et entretient des liens de coopération avec la Russie de Vladimir Poutine.
"Si la Hongrie était candidate aujourd'hui pour rentrer dans l'UE ce ne serait pas possible"
"Les choses ont dramatiquement évolué" en Hongrie ces dernières années, a souligné Gwendoline Delbos-Corfield lors du débat dans l'hémicycle mercredi, relevant notamment que "l'indépendance de la justice est aussi peu probable en Hongrie qu'en Pologne".
"Nous savons que c'est la famille même d'Orban qui récupère les fonds européens", a-t-elle poursuivi, citant également "les restrictions des droits parlementaires", l'espionnage des journalistes, la mainmise gouvernementale sur les universités, la "loi infâmante" contre les personnes LGBT+ "qui ressemble aux lois poutiniennes", mais aussi le durcissement des conditions d'avortement.
"Si la Hongrie était candidate aujourd'hui pour rentrer dans l'UE ce ne serait pas possible, elle ne remplirait plus les critères d'adhésion, c'est le triste constat du rapport", a commenté l'élue Fabienne Keller (Renew Europe).
Le Parlement européen avait déclenché en 2018 une procédure à l'encontre de la Hongrie pour "risque de violation grave des valeurs européennes" en vertu de l'article 7 du Traité.
La Hongrie pourrait perdre des milliards d'euros de fonds européens
Le pays de l'Est est par ailleurs menacé de se voir privé de milliards d'euros de financements européens, en raison des préoccupations de Bruxelles sur la corruption et les conditions de passation de marchés publics dans ce pays.
La Commission, qui a activé en avril contre Budapest un mécanisme inédit liant le versement de fonds au respect de l'État de droit, va proposer dimanche aux États membres de suspendre la majorité des fonds versés à la Hongrie au titre de la politique de cohésion, a-t-on appris de sources européennes.
Mais elle prendra soin de laisser une porte de sortie à Budapest : le pays pourrait échapper à la sanction s'il met correctement en œuvre les réformes annoncées en matière de lutte anticorruption. Les États membres auraient jusqu'à trois mois pour se prononcer.
Budapest a présenté une série de mesures pour tenter d'apaiser Bruxelles, dont la mise en place d'une "autorité indépendante" de lutte contre la corruption.
La ministre hongroise de la Justice Judit Varga a entamé ces derniers jours une tournée des capitales européennes. Elle tente de convaincre les commissaires européens et ses homologues de ne pas sanctionner financièrement son pays, confronté à une situation économique difficile, sur fond d'inflation galopante et de chute du forint, la monnaie nationale.
Avec AFP