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La France à l'ère des méga-feux
Audio 12:07

En Gironde, entre juillet et août, de gigantesques incendies ont brûlé près de 30 000 hectares de forêt. Ces méga-feux, comme on les appelle, ne sont pas des phénomènes isolés. De l'Australie à l'Espagne, de la France aux États-Unis, les scènes apocalyptiques de feux de forêt géants semblent désormais être la norme. 

La France est-elle aussi entrée dans l'ère des mégas-feux ?

"Je suis dans un cimetière de 20 000 hectares", soupire Philippe Carreyre, debout au cœur de sa forêt brûlée à Balizac, en Gironde. Sylviculteur, il a perdu environ 300 hectares de forêt de pins dans les incendies dévastateurs de cet été. C'est une perte financière colossale pour lui, comme pour bien d'autres : en Nouvelle-Aquitaine, la filière bois emploie 60 000 personnes. En regardant ses arbres à l'agonie, Philippe raconte ce qu'il a vécu : "ça a été un mois non-stop de flammes, de feu, de brasier, de fumée". 

L'incendie qui a ravagé la forêt de Philippe s'apparente à un méga-feu. Bien que la définition de ce terme ne fasse pas l'unanimité, les méga-feux sont généralement des incendies marqués par une intensité et une vitesse de propagation élevées, ainsi que par leur caractère imprévisible. Ces incendies incontrôlables sont de plus en plus fréquents, notamment parce que le changement climatique favorise les conditions idéales à leur propagation : canicules, sécheresses sévères et végétation asséchée. Pour éviter le pire, il faut donc adopter de meilleures armes contre le feu.

Soldats du climat 

Les sapeurs-pompiers des Bouches-du-Rhône ont l'habitude d'être en première ligne face aux flammes : comme le feu impacte cette région du sud de la France plus souvent qu'ailleurs, les soldats du feu ont mis au point une organisation qui leur permet de répondre au mieux aux feux de forêt. Grégory Allione, président des sapeurs-pompiers de France, explique le fonctionnement de cette structure : un centre opérationnel coordonne l'action, des vigies surveillent tout départ de feu avec un dispositif préventif et des camions sont déployés en permanence sur le territoire pour répondre massivement et le plus rapidement possible en cas de nécessité. 

Pourtant, lors du méga-feu de Gironde, les moyens traditionnels n'ont pas suffi face à la puissance des flammes. "On a les moyens de faire face au méga-feu en France dès l'instant où il y en a un seul à traiter", s'inquiète Grégory Allione. Les conditions climatiques extrêmes de cet été ont provoqué trop d'incendies simultanés pour que les pompiers puissent les maîtriser. "Nous appelons à recruter des pompiers professionnels, mais aussi des pompiers volontaires", conclut-il. 

La science face aux incendies 

La science contribue aussi à la lutte contre les incendies : Anne Ganteaume, chercheuse à l'INRAE et experte en risque incendie, étudie les réactions des différentes végétations au feu. Elle explique par exemple que les pins et autres résineux sont particulièrement inflammables et brûlent plus facilement et plus intensément que d'autres espèces, comme les vignes. Les forêts brûlées en Gironde, ajoute-t-elle, sont formées de pins, ce qui a contribué à l'intensité des incendies. Son travail consiste à expliquer aux populations quelles espèces planter loin ou aux abords des maisons. Des recommandations qui peuvent sauver des vies et éviter que des maisons ne finissent en cendres. 

Quid de l'après ? 

Quand l'incendie n'a pas pu être évité, commence la lourde tâche de reconstruire la forêt sur des cendres. À Sénart, en Seine-et-Marne, qui a été fortement touchée par un incendie en 2018, on observe en parallèle deux méthodes différentes de renaissance de la forêt. Comme l'explique Franck Saintipoly, responsable d'unité territoriale de l'Office national des forêts (ONF), une partie de cette forêt a été replantée, tandis qu'une autre a été laissée en évolution naturelle. En choisissant les essences à replanter, il explique : "la menace du méga-feu c'est quelque chose qu'on prend en compte, en faisant des peuplements mélangés qui sont plus résistants". 

Mais cette menace est-elle réelle à moyen terme, ou la France est-elle déjà entrée dans l'ère de méga-feux ? "Personne n'est capable de le dire", conclut Franck Saintipoly. "On essaie en tout cas de se prémunir face aux risques de feu ; et de faire tout ce qui est possible pour éviter qu'un feu se transforme en méga-feu."