Plusieurs milliers de personnes ont manifesté mercredi à Goma, à la frontière avec le Rwanda, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), pour dénoncer l'"agression rwandaise" et exprimer leur soutien à l'armée congolaise, dans un contexte de tension maximale entre Kinshasa et Kigali.
Les tensions continuent à la frontière entre le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC). Des milliers de personnes sont descendues dans les rues de Goma, mercredi 15 juin, pour dénoncer l'"agression rwandaise" et exprimer leur soutien à l'armée congolaise.
Dès le matin, dans une ambiance très tendue, les manifestants, de jeunes hommes surtout, certains torse nu, se sont dirigés en courant en deux groupes vers la frontière, à la "petite barrière" et la "grande barrière" qui séparent la RDC du Rwanda, en scandant des slogans hostiles à ce pays et à son président Paul Kagame.
Plus tard dans la journée, des scènes de pillages de magasins appartenant à des ressortissants rwandais ont été observées dans un quartier commercial. "Nous ne voulons plus des Rwandais, laissez-nous aller affronter Kagame chez lui", criaient les manifestants.
"Nous manifestons contre l'incursion des rebelles M23 en RDC"
De plus en plus nombreux au fil de la matinée, ils ont été dispersés par la police anti-émeute alors qu'ils tentaient de forcer le passage vers le Rwanda. Une personne au moins a été blessée, selon l'AFP.
"Nous manifestons contre l'incursion des rebelles M23 en République démocratique du Congo. Nous demandons au gouvernement de nous doter de tenues (militaires) et d'armes pour aller nous battre" contre l'armée rwandaise, a déclaré un manifestant, Éric, sous les acclamations des dizaines d'autres qui l'entouraient.
Dans la ville, les banques, stations service, écoles, boutiques et autres commerces étaient fermés, à l'exception de quelques pharmacies. Dans la panique, des ressortissants rwandais qui se trouvaient dans la ville fuyaient pour traverser la frontière vers le Rwanda, tandis que des Congolais qui se trouvaient du côté rwandais faisaient le mouvement contraire.
Sur certaines artères, des manifestants arrêtaient des véhicules, les fouillaient, en exigeant de connaître l'identité de leurs occupants. Des menaces verbales envers des personnes considérées comme "rwandophones" de par leur apparence ont également été rapportées.
Une montée des tensions
Mardi, dans la capitale Kinshasa, quelques centaines de personnes avaient de nouveau manifesté pour demander la rupture des relations diplomatiques avec le Rwanda, accusé de soutenir la rébellion du M23, et appeler le président congolais Félix Tshisekedi à sortir de son silence.
Depuis fin mai, des rassemblements sont organisés pour réclamer le départ de l'ambassadeur du Rwanda, Vincent Karega, qui avait été récemment convoqué pour recevoir une mise en garde "sévère" des autorités congolaises.
Dès le 28 mai, Kinshasa avait aussi annoncé la suspension des vols de la compagnie Rwand'Air sur son territoire pour protester contre le soutien présumé de Kigali au M23. Mais jusqu'à présent, les autorités de Kinshasa ont aussi réitéré leur volonté d'entretenir des relations apaisées avec leurs voisins.
Mardi soir, le gouvernement congolais a haussé le ton, "condamnant" dans un communiqué "la participation des autorités rwandaises dans le soutien, le financement et l'armement de cette rébellion" et promettant de défendre "chaque centimètre" de son territoire.
Rébellion à dominante tutsi vaincue en 2013 par Kinshasa, le M23 a repris les armes fin 2021, en reprochant aux autorités congolaises de ne pas avoir respecté un accord pour la démobilisation et la réinsertion de ses combattants.
Lundi, la localité congolaise de Bunagana, un centre d'échanges commerciaux situé à la frontière ougandaise, est tombée entre les mains de ces rebelles. L'armée congolaise a accusé le Rwanda d'"invasion" de son territoire.
Les relations entre la RDC et le Rwanda sont tendues depuis l'arrivée massive il y a près de 30 ans dans l'est de la RDC de Hutu rwandais accusés d'avoir massacré des Tutsi lors du génocide rwandais de 1994.
Elles s'étaient réchauffées avec l'accession au pouvoir en RDC en janvier 2019 de Félix Tshisekedi, mais la résurgence du M23 et l'intensification des combats ces dernières semaines ont ravivé les tensions.
Avec AFP