L'amnistie qui a été accordée en 2007 au président pakistanais, Asif Ali Zardari, arrive à échéance ce week-end. Cible d'une campagne menée à son encontre par l'opposition, le chef de l'État pourrait être de nouveau jugé pour corruption.
AFP - Fortes d'une liberté d'expression débloquée sous l'ancien président Musharraf, les chaînes de télévision pakistanaises alimentent largement la campagne de défiance contre le président Asif Ali Zardari.
Menée par l'opposition, la société civile et d'une large partie de l'opinion publique, la campagne contre le chef de l'Etat est montée en puissance à l'approche du 28 novembre. A partir de dimanche, il ne bénéficiera plus en effet d'une amnistie qui lui a été accordée en 2007, selon un jugement récent de la Cour suprême.
Le président a tenté en vain de la faire prolonger mais a dû rendre les armes face à l'opposition du Parlement, mais aussi des médias.
Il est ainsi victime d'une liberté de la presse promue par le régime de son prédécesseur, le général Pervez Musharraf. Ce dernier avait autorisé la création de chaînes privées, qui avaient d'ailleurs accéléré sa disgrâce en 2008.
Dans une compétition effrénée, la cinquantaine de chaînes de télévisions de toutes tendances nées depuis cette libéralisation rivalisent d'annonces, parfois au risque de la rumeur.
C'est à celle qui invitera en plateau le plus de politiques ou d'"experts" au franc-parler télégénique, qui enfoncent chacun un peu plus M. Zardari, régulièrement accusé de corruption depuis la fin des années 80, à l'époque où son épouse, Benazir Bhutto, tuée fin 2007 dans un attentat, a pris pour la première fois la tête du gouvernement.
M. Zardari a d'ailleurs fait huit ans de prison pour cela, de 1996 à 2004, avant de s'exiler. Il est revenu fin 2007, après que le général Musharraf a accordé une amnistie à Mme Bhutto, étendue à son mari.
Chef de l'Etat depuis février 2008, M. Zardari n'a jamais réussi à gagner le coeur des Pakistanais, y compris parfois dans son propre parti.
Et cela ne s'améliore pas: jusqu'ici surnommé "M. 10%", en référence aux commissions qu'il est accusé d'avoir touchées sur des marchés publics, il est désormais traité de "M. 60%", voire plus.
"Le président est sous pression constante de la part des médias", note Mutahir Sheikh, chef du département international de l'Université de Karachi (sud).
Outre les chaînes d'information, les innombrables plaisanteries ou critiques qui circulent sur lui sont relayées par une multitude d'émissions parodiques et de divertissement.
Il est vrai que M. Zardari passe la majeure partie de son temps à l'étranger ou reclus dans son palais présidentiel. Son gouvernement n'a que peu d'autorité pour affronter une terrible crise économique et une vague d'attentats des talibans qui a fait près de 2.600 morts en plus de deux ans.
Les autorités réagissent par à coups. Cette semaine, elles ont interdit une émission de la chaîne Geo présentée par animateur très critique du gouvernement. Le mois dernier, elles avaient interrompu la diffusion en direct par plusieurs chaînes d'un assaut rebelle contre le quartier général de l'armée qui a duré une vingtaine d'heure, très embarrassant pour le gouvernement.
Mais les chaînes de télévision sont également accusées par les défenseurs de M. Zardari et certains experts d'alimenter l'instabilité chronique du pays en exigeant son départ, et de faire le jeu de la puissante armée, qui a toujours dirigé directement le pays ou cornaqué les gouvernement civils.
"En diabolisant le gouvernement élu", "cette campagne, orchestrée par des politiciens et des chaînes de télévision --avec, en filigrane, la pression de l'armée-- n'a pour but que de dresser l'opinion publique contre M. Zardari pour rendre son mandat intenable", estime sur le site internet de la BBC Ahmed Rashid, politologue de renom et expert pakistanais des questions de sécurité.