Ouvrage pharaonique au cœur d'un conflit diplomatique entre le Soudan, l'Égypte et l'Éthiopie, le grand barrage de la Renaissance a commencé à produire de l'électricité, dimanche, sous la supervision du Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed.
Abiy Ahmed, a officiellement lancé, dimanche 20 février, la production d'électricité du grand barrage sur le Nil Bleu, une étape importante de ce projet controversé de plusieurs milliards de dollars, selon un correspondant de l'AFP sur place.
Le Premier ministre éthiopien, accompagné de hauts fonctionnaires, a effectué une tournée dans la centrale électrique et a appuyé sur une série de boutons sur un écran électronique, ce qui a déclenché la production, selon les responsables.
"Ce grand barrage a été construit par les Éthiopiens, mais au bénéfice de tous les Africains, pour que tous nos frères et sœurs africains en profitent", a affirmé un haut responsable participant à l'inauguration.
Le Gerd ("Grand Ethiopian Renaissance Dam") constitue, depuis le lancement du projet en 2011, un contentieux avec le Soudan et l'Égypte, tous deux tributaires du Nil pour leurs ressources hydrauliques.
Droit de veto égyptien
Le Caire invoque un "droit historique" sur le fleuve, garanti depuis un traité signé en 1929 entre l'Égypte et le Soudan, alors représenté par le Royaume-Uni, puissance coloniale. L'Égypte avait obtenu un droit de veto sur la construction de projets sur le fleuve.
En 1959, après un accord avec Khartoum sur le partage des eaux, l'Égypte s'était attribué un quota de 66 % du débit annuel du Nil, contre 22 % pour le Soudan.
N'étant pas partie prenante de ces accords, l'Éthiopie ne s'est jamais considérée liée par eux et, en 2010, un nouveau traité signé par les pays du bassin du Nil, malgré l'opposition de l'Égypte et du Soudan, a supprimé le droit de veto égyptien et autorisé des projets d'irrigation et de barrages hydroélectriques.
Saisi l'été dernier, l'ONU avait recommandé aux trois pays de poursuivre leurs pourparlers sous l'égide de l'Union africaine (UA). Le Caire et Khartoum, inquiets pour leur approvisionnement en eau, avaient demandé à Addis-Abeba de stopper le remplissage du barrage.
L'Éthiopie avait néanmoins procédé, en juillet dernier, à la seconde phase de remplissage du barrage, annoncé comme un des plus gros d'Afrique avec un objectif de production initiale de 6 500 mégawatts, revue à la baisse à 5 000 MW.
Un projet estimé à 4,2 milliards de dollars
Situé sur le Nil Bleu, à une trentaine de kilomètres de la frontière soudanaise, le barrage de la Renaissance est long de 1,8 kilomètre et haut de 145 mètres.
Selon les médias d'État éthiopiens, la production initiale du Gerd est de l'ordre de 375 MW avec la mise en service d'une première turbine.
Getachew Reda, porte-parole du Front populaire de libération du Tigré (TPLF), en guerre contre les forces gouvernementales depuis novembre 2020 dans le nord du pays, a accusé Abiy Ahmed de s'attribuer les mérites d'un projet lancé sous un gouvernement alors dirigé par les Tigréens.
"Aujourd'hui, #AbiyAhmed essaie de tirer profit d'un projet qu'il a autrefois ouvertement dénigré comme un coup de publicité sans importance", a-t-il tweeté.
Mais dimanche, divers responsables éthiopiens ont loué les efforts d'Abiy Ahmed pour achever le financement d'un projet qui a longtemps traîné et frôlé l'échec.
"Notre pays a tant perdu, surtout financièrement, en raison des retards de travaux", a souligné le directeur général du projet Kifle Horo, lors de ses remarques d'ouverture.
En l'absence de comptabilité officielle précise, le coût total du projet a été estimé par les experts à 4,2 milliards de dollars (3,7 milliards d'euros).
Avec AFP