Après la fermeture des bureaux de vote, les Gambiens sont dans l'attente des résultats du seul et unique tour de scrutin de l’élection présidentielle. La jeune démocratie cherche à surmonter son passé dictatorial et les effets du Covid-19 sur une économie fragile.
Les Gambiens se sont rendus en masse dans les bureaux de vote, samedi 4 décembre, pour élire leur nouveau président dans ce petit pays d’Afrique de l’Ouest, parmi les plus pauvres au monde, dont l’économie a durement souffert de la crise du Covid-19.
Les bureaux ont commencé à compter les votes après la fermeture à 17 h (locales et GMT)
Un système très particulier doit décider du nom du prochain président : les Gambiens votent avec une bille introduite par un tuyau dans un des bidons aux couleurs et à l'effigie de chaque candidat, un procédé institué sous la colonisation à cause d'un illettrisme largement répandu.
Le sortant Adama Barrow et cinq autres candidats, tous des hommes, se disputent un peu moins d'un million de voix, et la charge de diriger pendant cinq ans le plus petit pays d'Afrique continentale.
Les premiers résultats pourraient être connus dès dimanche.
Il y a cinq ans, Adama Barrow, ancien promoteur immobilier aujourd'hui âgé de 56 ans et alors quasiment inconnu, avait déjoué les pronostics et battu le dictateur Yahya Jammeh après plus de vingt ans de régime caractérisé par une multitude d'atrocités commises par l'État et ses agents : assassinats, disparitions forcées, viols, actes de torture...
Yahya Jammeh refusait de reconnaître sa défaite. Il a finalement été forcé à s'exiler en Guinée équatoriale sous la pression d'une intervention militaire ouest-africaine.
La présidentielle de 2021 est la première sans lui depuis 1996. L'éventualité qu'il ait à rendre des comptes est l'un des enjeux de l'élection, avec la crise économique.
Les Gambiens interrogés par l'AFP s'accordent sur le constat d'une liberté retrouvée après les années de peur, et sur l'importance d'aller voter pour consolider une démocratie vulnérable.
Adama Barrow revendique ce retour des libertés, la construction de routes et de marchés, et la pacification des relations avec la communauté internationale. Son parti prêche la "continuité d'évolutions sans précédent".
L’ombre de la dictature
Celui qui est pressenti comme son principal adversaire, Ousainou Darboe, 73 ans, avocat défenseur des droits humains, l'accuse au contraire d'avoir "failli lamentablement" et d'avoir manqué à tous ses engagements pour rester au pouvoir. Il appelle au changement.
"Je le crois sans aucun doute", dit-il quand l'AFP lui demande si, après avoir été quatre fois le second de Yahya Jammeh, il pense que son heure est venue face à Adama Barrow, dont il fut ministre et vice-président.
Adama Barrow est revenu sur sa promesse initiale de ne rester que trois ans au pouvoir pendant une période de transition. Il a beaucoup atténué ses engagements passés à faire rendre justice aux responsables des crimes des années Jammeh.
Son parti nouvellement créé a au contraire noué une alliance avec celui de l'ancien autocrate.
Les victimes se demandent si, en cas de réélection, Adama Barrow appliquera les recommandations d'une commission chargée d'enquêter sur la période Jammeh.
La commission lui a rendu son rapport en novembre, début d'un compte à rebours de six mois pour que le président, Adama Barrow ou son successeur, décide des suites à y donner.
De son exil, Yahya Jammeh continue à peser sur la politique de son pays où il compte encore de nombreux supporteurs.
Mais de nombreux Gambiens interrogés expriment des préoccupations plus immédiates. Près de la moitié vivent sous le seuil de pauvreté. Le pays a été durement touché par le Covid-19. En dehors de l'agriculture et des transferts d'argent de la diaspora, le pays, avec ses plages sur l'Atlantique, vivait du tourisme, dont les flux se sont taris.
Les touristes commencent à revenir. Mais de nombreux emplois ont disparu. La Gambie était déjà proportionnellement l'un des principaux points de départ de migrants cherchant à gagner l'Europe en pirogue. Les Gambiens souffrent de l'augmentation des prix des produits de première nécessité comme le riz, le sucre, l'huile, mais aussi des coupures d'eau et d'électricité, et du manque d'accès aux soins.
Avec AFP