Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblés samedi à Paris, lors d'une marche organisée par le collectif féministe #NousToutes. Les organisations de protection de l'enfance étaient également appelées à manifester, à l'occasion de la journée internationale des droits de l'enfant.
"Je te crois. Tu n'y es pour rien", "La transphobie tue", "Ras le viol", "La justice ne protège pas les enfants" : les pancartes violettes, la couleur emblématique du féminisme, inondent le cortège de la manifestation parisienne lancée, samedi 20 novembre, à l'appel du collectif #NousToutes.
Cinq jours avant la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, des milliers de manifestantes et manifestants ont répondu présents au rassemblement parisien tandis que d'autres manifestations étaient prévues plusieurs autres villes françaises.
Dans la foule, ça crie, ça chante, ça danse. L'ambiance est festive. Pourtant, l'enjeu est de taille : "dénoncer l'ampleur des violences sexistes et sexuelles" et lutter contre les "décalages entre les politiques publiques et la réalité des violences envers les femmes", explique Marylie Breuil, militante du collectif féministe #NousToutes.
À l'appel du collectif #féministe @NousToutesOrg, des milliers de personnes défilent dans les rues de #Paris pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles.
Le titre "Balance ton quoi" d'@angele_vl, est, sans surprise, chanté en cœur #NousToutes #Manifs20novembre pic.twitter.com/WC6wKlXk40
Si une grande majorité de femmes – dont beaucoup de jeunes – déambulent, des hommes et des enfants ont également répondu à l'appel. La journée du 20 novembre n'a pas été choisie par hasard : cette date correspond à la Journée du souvenir trans. Depuis 1999, celle-ci rend hommage, à travers le monde, aux personnes assassinées et à celles poussées au suicide à cause de la transphobie, autrement dit, la haine ou la peur des personnes trans. Le 20 novembre marque aussi la Journée internationale des droits de l'enfant. La marche lancée par #NousToutes était donc l'occasion de mettre en avant les dysfonctionnements liés à la protection des enfants.
En France, "le système n'est plus en capacité de répondre aux urgences concernant les violences sur les enfants", lance Lyes Louffok, ancien enfant placé, célèbre pour son combat contre la maltraitance. L'auteur du livre "Dans l'enfer des foyers" rappelle notamment que "31% des jeunes filles et 12% des garçons placés ont été victimes de violences sexuelles", des chiffres issus d'un rapport de l'Institut national d'études démographiques (Ined) sur les violences subies par les enfants placés, publié en juin dernier.
Mais selon Lyes Louffok, les violences ne concernent pas seulement des agressions sexuelles et des viols. "Les foyers débordent (...) les familles d'accueil partent sans jamais être remplacées" et "des enfants sont parfois livrés à eux même dans des hôtels", déplore-t-il. Lyes Louffok demande, entre autres, au gouvernement "des moyens supplémentaires dédiés à la création de places" dans les foyers.
Le rapport Sauvé, "un catalyseur"
Ces violences sont loin de concerner seulement les enfants placés. "Il faut croire l'enfant et qu'il soit mis en sécurité dès qu'il y a suspicion de maltraitance", réclame, de son côté, Agnès, qui soutient l'association Protéger l'enfant.
Remis le 5 octobre, le rapport Sauvé, a lui, documenté l'ampleur des violences sexuelles faites aux enfants dans l'Église. Il a fait état, depuis 1950, de 216 000 victimes agressées sexuellement par des membres du clergé lorsqu'elles étaient mineures. C'est, par ailleurs, la première fois qu'un cortège chrétien participe à une manifestation organisée par #NousToutes. "Ce rapport a été un catalyseur", affirme Alix Bayle, du collectif "Toutes Apôtres !", qui lutte pour l'égalité hommes-femmes dans l'Église.
Pour la jeune femme, "une réforme dans l'Église" est nécessaire "pour que ça [les violences sexuelles] ne se reproduise pas". En découvrant ce rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église catholique (Ciase), "j'ai rarement ressenti une telle colère", se souvient-elle, dénonçant "un aveuglement dans la société".
De la CGT, au Planning familial, en passant par l'Union nationale des Familles de féminicide et SOS Homophobie, des dizaines d'associations se sont jointes au mouvement. Une façon de montrer que les violences sexistes et sexuelles ont des répercussions sur toute la société, y compris sur les plus jeunes.
"Prévention, éducation, formation"
Les enfants sont, en effet, des victimes collatérales des violences faites aux femmes. Depuis le 1er janvier, 101 femmes ont été tuées par leur conjoint, selon le décompte du collectif Féminicides par compagnons ou ex. Environ 220 000 femmes sont victimes de violences et 94 000 sont violées chaque année en France, rapporte #NousToutes. À cause de ces violences, "des enfants sont laissés seuls sur le bord de la route et certains sont parfois séparés de leur fratrie", déplore Sandrine Bouchait, de l'Union nationale des familles de féminicides.
Un conjoint peut également être un père violent, comme le rappelle le témoignage d'Aalyah, 30 ans. "Mon père était violent avec moi, ma mère, mes frères et ma sœur", raconte la jeune femme qui brandit une pancarte "Maman, je marche pour toi". "J'ai arrêté l'école à 16 ans pour travailler. Il fallait nous sauver grâce à l'indépendance économique. On a caché notre petite sœur. Puis, on a trouvé un logement pour être mis à l'abri. Aujourd'hui, on s'en est sortis. Mes parents ne vivent plus ensemble", raconte-t-elle. Aalyah aurait souhaité plus d'aide pour sortir de cette spirale de violence. "On veut des actions, de l'écoute mais finalement, années après années, il n'y a rien qui change. La justice est trop lente. On attend, on demande preuves sur preuves et finalement, on réagit quand la victime meurt", poursuit cette "grande féministe" dans l'âme.
Samedi, des personnalités politiques et candidats à la présidentielle – dont la maire de Paris Anne Hidalgo et le candidat écologiste Yannick Jadot – étaient présents au rassemblement parisien. #NousToutes et les associations qui soutiennent le collectif, "attendent des engagements politiques forts de la part des candidats à la présidentielle" sur le sujet des violences sexistes et sexuelles, affirme Marylie Breuil, pour qui il faut travailler sur "la prévention, l'éducation et la formation".