
Le ministre de la Culture, Frédéric Mitterand, a refusé de se prononcer sur le différend qui oppose le député Éric Raoult et la lauréate du Goncourt 2009, Marie NDiaye, qui avait critiqué la "France de Nicolas Sarkozy" dans la presse.
Frédéric Mitterrand a refusé de trancher le différend qui oppose la lauréate Marie NDiaye et le député UMP de Seine-Saint-Denis, Eric Raoult. Invité à s'exprimer sur la polémique, le ministre français de la Culture a estimé que les deux protagonistes de l'affaire avaient droit d’exprimer leur opinion.
Dans une question écrite adressée, mardi, au ministre, le parlementaire avait invoqué le "devoir de réserve" des écrivains récompensés par le prestigieux prix littéraire français. Eric Raoult s'y indignait du fait que Marie NDiaye puisse affirmer, dans une interview donnée, cet été, à l'hebdomadaire "Les Inrockuptibles", avoir quitté la France en grande partie à cause de l'élection de Nicolas Sarkozy en 2007. L'auteure de "Trois femmes puissantes", qui a confirmé ses propos mercredi, en avait elle aussi appelé à Frédric Mitterrand pour qu'il mette un terme à la controverse.
"Un grotesque achevé"
"Les écrivains qui reçoivent le prix Goncourt ont le droit de dire ce qu'ils veulent, a indiqué le ministre sur les ondes de France-Bleue Isère. Eric Raoult, qui est un ami et un homme très estimable a le droit, en tant citoyen, voire en tant que parlementaire, de dire ce qu'il pense. Je n'ai pas à arbitrer entre une personne privée qui dit ce qu'elle veut dire et un parlementaire qui dit ce qu'il a sur le cœur." Et Frédéric Mitterrand de conclure : "Cela me regarde en tant que citoyen, ça ne me concerne pas en tant que ministre", a-t-il conclu.
La romancière, qui réside à Berlin, a indiqué avoir "au début" trouvé cette histoire "d'un ridicule, d'un grotesque achevé". Lundi, elle a admis que ses propos sur "la France de Sarkozy" étaient "très excessifs" et récusé que son installation à Berlin après la présidentielle de 2007 ait été "une forme d'exil politique".
Dans l'interview aux "Inrockuptibles", Marie NDiaye expliquait qu'elle avait choisi de vivre à Berlin avec sa famille "en grande partie à cause de Sarkozy". "Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité... Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux", déclarait-elle.
L’opposition monte au créneau
La première secrétaire du Parti socialiste (PS), Martine Aubry, pour qui la mise en cause de Marie NDiaye est "inacceptable et inquiétante", a appelé à défendre la liberté d’expression et "la parole libre".
Inscrivant Eric Raoult dans la lignée des "censeurs politiques", la chef de file des socialistes a exprimé sa sympathie à l’écrivain et à ses pairs qui ont joué un rôle d’alerte et d’interpellation du pouvoir. "Marie NDiaye s’inscrit dans la lignée des grands écrivains qui ont associé l’écriture à l’engagement, la littérature et la dénonciation des injustices, de Voltaire à Hugo, de Zola à Camus", écrit Aubry dans un communiqué.
Les membres de l’Académie Goncourt ont également vigoureusement rejeté l’idée du "droit de réserve" préconisé par Eric Raoult. "Le devoir de réserve des prix Goncourt n'a jamais existé, n'existe pas et n'existera jamais. Ce serait bien mal connaître les écrivains que de croire qu'il existe, a déclaré Bernard Pivot à l'AFP. Ce qui est vrai, c'est que le Goncourt renforce une position, donne une aura, une légitimité. Mais les propos que tiennent les lauréats n'engagent qu'eux-mêmes, ils n'engagent en aucun cas l'Académie Goncourt et encore moins la France."