Abdul Salam Hanafi, représentant des Taliban qui ont pris le pouvoir en Afghanistan, est reçu à Moscou, mercredi, à l'occasion d'une rencontre avec une dizaine de pays, dont la Chine, le Pakistan et l'Iran.
Après une réunion au Qatar avec les Occidentaux puis une rencontre en Turquie la semaine dernière, les Taliban poursuivent leur ballet diplomatique en Russie. Moscou reçoit le Taliban Abdul Salam Hanafi, mercredi 20 octobre, à l'occasion d'une réunion avec une dizaine de pays dont la Chine, le Pakistan et l'Iran.
Lors de cette rencontre, la première du genre depuis le changement de régime en Afghanistan, Moscou souhaite se poser en protecteur de la région et signifier aux Taliban son inquiétude face à l'essor de groupes jihadistes et le danger d'une crise humanitaire.
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a ainsi reconnu les "efforts" des Taliban pour stabiliser l'Afghanistan, tout en relevant que le risque "terroriste" provenant du pays menaçait toute la région. "Nous reconnaissons les efforts entrepris pour stabiliser la situation politico-militaire", a-t-il dit, tout en notant qu'"il existe un réel risque que les activités terroristes et le trafic de drogue (...) débordent sur le territoire des pays voisins".
"Une tentative de comprendre ce qu'il se passe"
Pour la diplomatie russe, cette rencontre doit permettre d'aborder "la situation politico-militaire en Afghanistan et de la formation d'un gouvernement" rassemblant au-delà du mouvement aux commandes du pays.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a, lui, présenté la rencontre comme une "tentative de comprendre ce qu'il se passe". Car depuis leur retour éclair au pouvoir en août, les Taliban sont confrontés à la menace de groupes plus radicaux qu'eux, en particulier aux attentats sanglants du groupe État islamique - Khorasan (EI-K).
Vladimir Poutine et d'autres responsables russes ont exprimé, la semaine dernière, leur inquiétude quant à la capacité des Taliban de stabiliser le pays et à y empêcher l'ancrage de groupes jihadistes aux ambitions transfrontalières.
Le président russe a estimé que certains d'entre eux préparaient déjà "des plans pour étendre leur influence dans les pays d'Asie centrale et des régions russes".
Si la Russie a raillé le retrait humiliant d'Afghanistan des États-Unis, son grand rival géopolitique, elle craint de voir ce chaos s'étendre sur son flanc sud en Asie centrale, région stratégique riche en matières premières. Moscou a d'ailleurs multiplié ces derniers mois les manœuvres militaires à la frontière afghane avec ses alliés régionaux, renforçant aussi sa base au Tadjikistan. La Chine a, elle aussi, mené des exercices dans la région.
L'inquiétude d'une crise humanitaire
En outre, les Russes ont sans doute à l'esprit que la situation actuelle n'est pas étrangère à l'invasion soviétique (1979-1989), qui a marqué le début de décennies de guerres en Afghanistan.
L'autre thématique des discussions de Moscou concernera le risque d'"une crise humanitaire", alors que les Taliban, sous sanctions internationales, n'ont pas les fonds pour faire tourner les banques et payer les salaires.
Pour Alexandre Sternik, un haut responsable de la diplomatie russe, cité par l'agence Ria Novosti, la situation est telle que "les Taliban, faute de moyens financiers, sont en train de perdre leur potentiel antiterroriste, comme en témoignent les attentats".
Lors d'une rencontre avec des diplomates occidentaux au Qatar mi-octobre, Amir Khan Muttaqi, Taliban en charge de la diplomatie, avait prévenu que "l'affaiblissement du gouvernement afghan n'est dans l'intérêt de personne", évoquant le risque sécuritaire et celui d'un exode migratoire.
Russes, Turcs, Iraniens, Européens : tous ont à cœur d'éviter une crise de réfugiés. Vladimir Poutine considère, en outre, que les jihadistes en profiteraient pour répandre leurs hommes en Asie centrale et en Russie.
Zamir Kaboulov, l'émissaire pour l'Afghanistan du Kremlin, a dans ce contexte relevé que "la période d'euphorie" des nouveaux maîtres de Kaboul était passée.
Les autorités russes parlent aux Taliban, mouvement interdit en Russie, depuis des années, mais elles ne comptent pas dans l'immédiat les reconnaître comme le gouvernement légitime de l'Afghanistan. Depuis août, Moscou s'est montré indulgente, voire laudatrice s'agissant des Taliban. Mais elle a aussi martelé que la stabilisation du pays nécessitait d'associer d'autres factions afghanes à l'exercice du pouvoir.
En parallèle, la plupart des pays de l'Asie centrale ex-soviétique ont établi des relations avec les Taliban, à l'instar de l'Ouzbékistan avec qui il a été récemment question de commerce et d'aide humanitaire.
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Avec AFP