Entre le président ukrainien Iouchtchenko et le Kremlin, le torchon brûle depuis 2004. Le conflit gazier a rajouté de l'huile sur le feu et sabré Iouchtchenko en vue de l'élection présidentielle de janvier.
À l’approche de l’hiver, le conflit gazier entre la Russie et l’Ukraine reprend. Cette fois pourtant, les dissensions entre les deux pays prennent une dimension toute particulière à l’approche de l’élection présidentielle ukrainienne, prévue le 17 janvier prochain.
Début novembre, les autorités ukrainiennes et russes se sont de nouveau querellés au sujet des arriérés de paiement de gaz. Face à la menace d’une coupure d’approvisionnement, Kiev s’était finalement acquitté de sa facture du mois d’octobre, apaisant momentanément la situation.
Depuis la révolution orange et l’élection de Viktor Iouchtchenko à la présidence de l’Ukraine, en décembre 2004, les rapports entre Kiev et Moscou n’ont cessé de se détériorer. Viktor Iouchtchenko a multiplié les gestes de défiance à l’égard de la Moscou, en affirmant sa volonté d’adhérer à l’Otan, puis en se positionnant en faveur de la Géorgie au moment du conflit avec la Russie en août 2008.
En janvier 2009, les tensions entre les deux pays ont atteint leur paroxysme. En désaccord avec Kiev sur le prix du gaz – éternel sujet de discorde –, Moscou avait suspendu ses livraisons de gaz vers l’Ukraine. Les coupures de combustible, en plein milieu d’un hiver particulièrement rude, avaient sérieusement entamé la popularité déjà chancelante de Iouchtchenko. À deux mois de la présidentielle, il est crédité d’à peine 3% des intentions de vote.
"N'importe qui sauf Iouchtchenko"
"Depuis la révolution orange, le conflit gazier constitue un levier de choix pour influer sur la politique intérieur ukrainienne", confirme Annie Daubenton, journaliste, essayiste et spécialiste de l’Ukraine.
Dans une interview au magazine allemand Der Spiegel, le président russe Dmitri Medvedev a d’ailleurs déclaré avec une certaine franchise : "Tous les problèmes sont liés à une seule personne : l’actuel président de l’Ukraine."
"Les Russes veulent n’importe qui sauf Iouchtchenko", assure Jacques Sapir, directeur de l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), spécialiste de la Russie et des ex-pays de l’Union soviétique. "Mais les Russes sont plus subtiles qu’en 2004 [lors de l’élection qui a déclenché la révolution orange]. Ils ont compris qu’ils n’avaient aucun intérêt à intervenir directement sur l’élection", poursuit le chercheur. Les Russes n’auront d'ailleurs pas besoin de la moindre intervention : le conflit gazier a d’ores et déjà contribué à faire pencher la balance en leur faveur.
Mais le président ukrainien ne baisse pas les bras pour autant. Il a récemment tenté de redorer son blason (fortement terni aux yeux des Ukrainiens) en promulguant, le 30 octobre, une loi augmentant le salaire minimum de 11% et le minimum vital de 12 puis 18%. Au grand dam du Fonds monétaire international (FMI), qui a versé 16,4 milliards de dollars à l’Ukraine, en novembre, contre la promesse d’une remise en ordre des finances publiques.
Les manœuvres de Iouchtchenko semblent vaines face au pro-russe Viktor Ianoukovitch. Ce dernier figure en tête des sondages avec 22 à 27% des intentions de vote, loin devant sa principale rivale, l’actuelle Première ministre Ioulia Timochenko. Au cours de sa campagne, Viktor Ianoukovitch s’est prononcé en faveur d’une union douanière avec la Russie et a promis de faire du russe la deuxième langue officielle du pays.