Le judoka Luka Mkheidze, troisième sur le podium olympique samedi, a offert sa première médaille à la France aux JO de Tokyo. Une fierté particulière pour ce réfugié qui a fui la Géorgie en 2009 et a fini par être naturalisé français en 2015.
Après avoir apporté, samedi 24 juillet, à la France sa première médaille des Jeux olympiques de Tokyo, le judoka Luka Mkheidze n'en revenait pas et ne quittait pas sa médaille des yeux : "Ça m'impressionne. Je vais encore passer beaucoup de temps à la regarder, je pense. J'ai envie de l'apprendre par cœur."
Une joie d'autant plus appréciable que le jeune homme a derrière lui un parcours hors du commun. Né à Tbilissi en Géorgie, arrivé en France en tant que réfugié après un périple via la Biélorussie et la Pologne, naturalisé en 2015, le judoka Luka Mkheidze a fait un long voyage, passant aussi par Le Havre et le XIXe arrondissement de Paris.
La fierté française :ce jour la 1 ère médaille française aux #JO a été remportée par un athlète qui a été accueilli il y a quelques années, par notre pays, fuyant la guerre. Un #réfugié. La #FRA est belle lorsqu’elle est protectrice, fraternelle, digne. Parfois elle l’oublie.
— Pierre Henry (@pierrehenry75) July 24, 2021Ce bronze décroché au Nippon Budokan, le temple du judo japonais, doit sans doute beaucoup aux talents de traducteurs de "gens formidables" rencontrés par Luka Mkheidze et sa famille en Pologne, après avoir fui la Géorgie en 2009 dans la foulée du deuxième conflit en Ossétie du Sud.
Ils ont traduit en français une lettre écrite par le jeune Luka. Cette fameuse lettre l'a suivi jusqu'en France, où lui et sa famille sont arrivés en 2010 quand la Pologne leur a refusé le statut de réfugiés politiques. Et Luka l'avait en mains quand, avec son père, il a frappé à la porte du Judo Club Bolivar, dans le nord-est parisien.
"C'est là où Teddy Riner a commencé le judo. Mais c'est un hasard, je ne savais même pas que Teddy était passé par là", a raconté le médaillé olympique en zone mixte, après avoir dominé le Coréen Kim Won-jin au golden score lors du combat pour la médaille de bronze. "Quand je suis arrivé, je ne parlais pas français. Je suis arrivé avec cette lettre traduite, qui disait juste que je voulais faire du judo."
Église orthodoxe
Le judo, il l'avait découvert en Géorgie, d'abord à la télé. "Pendant les JO, je voyais combien les gens étaient fiers. Je voulais retrouver cette sensation", a-t-il raconté. Mais ensuite, il a donc fallu fuir son pays de naissance, passer par la Biélorussie et la Pologne.
"J'ai traversé beaucoup de choses, j'ai quitté mon pays d'origine. On a payé quelqu'un pour nous amener en France quand notre demande a été refusée en Pologne, un passeur", détaille-t-il. "On est arrivé à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne, NDLR), où il y a une église orthodoxe. On y est allés, le prêtre nous a aidés."
Après Paris et sa banlieue, la famille s'est installée au Havre, où le maire Édouard Philippe a poussé en faveur de sa naturalisation française, finalement obtenue en 2015. "La France m'a accueilli, m'a ouvert ses bras, même si ça n'a pas été facile, qu'il a fallu attendre."
Au bout du tortueux parcours, il y a donc eu la médaille, la première de l'équipe de France au Japon : "C'est encore plus de fierté pour moi. J'espère qu'il y en aura plein d'autres. Je vais rester pour encourager les autres et j'espère qu'ils vont faire encore mieux que moi !"
"Apprendre" la médaille
Cette récompense, Luka Mkheidze l'a méritée au fil d'un tournoi où il n'a jamais cessé d'attaquer et de prendre l'initiative, dès son premier combat face à l'Espagnol Francisco Garrigos, face auquel il s'était incliné au mois d'avril en finale des Championnats d'Europe.
Il a ensuite nettement dominé l'Ukrainien Artem Lesiuk, en moins de deux minutes. En demi-finale, il a subi la loi du Taïwanais Yung Wei Yang, dans un combat extrêmement éprouvant, mais il a su se remobiliser pour dominer le Coréen Kim Won-jin lors du match pour la 3e place.
"C'est une journée extraordinaire, qui vient récompenser son engagement, son sérieux, son professionnalisme. C'est très facile de bosser avec lui", a témoigné son entraîneur Daniel Fernandes. "L'idée était de prendre l'initiative, de gagner chaque séquence. Même le combat perdu, on ne peut pas lui reprocher grand chose. Personnellement, je ne suis pas surpris qu'il soit sur un podium olympique", a-t-il ajouté.
Avec AFP