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À Cannes, du soleil, des étoiles et un peu de salive pour tenter d'oublier le Covid-19

Le plus grand festival de cinéma au monde a balayé la dépression sanitaire mardi avec un lever de rideau scintillant mettant en scène les stars Marion Cotillard et Adam Driver. Le quotidien est en revanche moins glamour pour les festivaliers, qui enchaînent les tests Covid.

Oubliez le chic des cocktails. Pour beaucoup, le Festival de Cannes aura commencé cette année par cracher dans un tube pour tenir le Covid-19 à bonne distance.

Les organisateurs se sont fixé un objectif de taille (certains diront téméraire) : organiser le plus grand festival de cinéma sous le règne du coronavirus, malgré les inquiétudes croissantes autour du variant Delta qui se propage à travers l’Europe.

Après une succession de confinements et de couvre-feux qui ont éteint la Côte d'Azur ces derniers mois, les visiteurs sont enfin de retour sur la célèbre Croisette pour assister à ce festival fastueux, se la couler douce sur la plage ou les deux.

Pas de bise en haut des marches

Alors que les vacanciers et les cinéphiles prennent des selfies devant le célèbre Palais des festivals, il est facile d’oublier que ce temple sacré du cinéma mondial était encombré de lits d’hôpital au début de la pandémie ou qu’il a servi de centre de vaccination il y a quelques semaines.

"La pandémie n'est pas vaincue", a prévenu le délégué général du festival, Thierry Frémaux, quelques heures avant le lever de rideau. "Donc il faut qu'on fasse tous attention, même si la plupart des festivaliers sont vaccinés."

Covid oblige, Thierry Frémaux a déjà annoncé qu’il ne saluerait pas les stars féminines en haut des marches avec une traditionnelle bise à la française. Il a également abandonné l’idée de ne pas porter de masque : "Nous avons un devoir d’exemplarité."

Outre le port obligatoire du masque, tous les festivaliers doivent avoir complété leur parcours vaccinal (et reçu leur seconde dose depuis au moins deux semaines) ou présenter un test négatif datant de moins de 48 heures pour pénétrer dans le Palais. Afin d’accélérer le processus, les organisateurs ont mis en place un vaste centre de tests à proximité, mais certains participants ont trouvé l’expérience inconfortable voire répugnante.

À Cannes, du soleil, des étoiles et un peu de salive pour tenter d'oublier le Covid-19

Au lieu de subir la torture nasale habituelle, les visiteurs sont dirigés vers des cabines individuelles et reçoivent un kit en plastique dans lequel ils doivent déposer leur salive. Un employé de laboratoire leur demande de fournir "au moins un millilitre de liquide, la mousse ne compte pas".

Pour certains, la chaleur étouffante de juillet peut rendre l’expérience difficile. Mais le test est gratuit, rapide et indolore, et les résultats sont envoyés par e-mail dans les six heures, contre 24 heures habituellement.

"C’est un temps record pour un test PCR", explique Alexia Tardieu, qui s’occupe d’une équipe d’au moins 50 laborantins, la plupart des étudiants locaux en médecine.

Ouvert tous les jours de 8 h à 21 h, le centre effectue déjà 300 tests par heure, selon Alexia Tardieu, qui s’attend à ce que le rythme s’accélère à mesure que les festivaliers arrivent. La responsable est convaincue que le festival va se dérouler en toute sécurité.

"La vie revient peu à peu à la normale. C’est un sentiment merveilleux", insiste-t-elle. "De plus, le fait que ce soit en juillet cette année va permettre d’avoir du soleil tous les jours."

Retour aux affaires

L’attente a été longue pour Cannes, une ville endormie de 75 000 habitants qui se réveille normalement en mai avec son célèbre festival. L’an dernier, celui-ci avait dû être annulé en raison de la pandémie, portant un coup dur aux entreprises locales, tandis que l’édition 2021 a été repoussée pour cause de confinement au printemps.

"Le festival marque toujours le début de la saison pour les hôteliers", décrit Catherine Welter, la gérante de l’hôtel Le Cavendish. "Cette fois, elle commence avec deux mois de retard, mais nous sommes ravis de retrouver tout le monde."

À Cannes, du soleil, des étoiles et un peu de salive pour tenter d'oublier le Covid-19

Quelques heures avant le lever de rideau du festival, des curieux se sont regroupés à l'extérieur des grands hôtels qui bordent la Croisette, dans l'espoir d'apercevoir une célébrité. D'autres gardaient jalousement leurs tabourets, chaises pliantes et échelles positionnés au pied du tapis rouge.

Sur les terrasses des restaurants, les pontes d’Hollywood parlaient business et échangeaient leurs cartes de visite, essayant de se faire comprendre par-dessus la musique techno. Les critiques de cinéma, quant à eux, se grattaient la tête en se demandant comment ils allaient enchaîner les plus de 60 films du festival (sans compter les à-côtés de Cannes) en seulement 12 jours.

Le retour de la foule est une excellente nouvelle pour une ville qui vit en grande partie du tourisme et des congrès. Les hôtels et les restaurants fournissent la plupart des emplois aux locaux, mais ils ont été fermés pendant de longs mois et ont dû compter sur les aides gouvernementales pendant une grande partie de la pandémie.

"L’État nous a beaucoup soutenus et permis de rester en vie quand nous avons dû fermer", explique Patrice Foppiani, le propriétaire du restaurant Bella Storia, au centre de Cannes. "Mais maintenant nous sommes ravis de reprendre nos activités. Mai ou juillet, peu importe, tant que le festival a bien lieu."

Ce professionnel de la restauration a dit à son équipe d'arrêter de porter le masque sur la terrasse extérieure, "car notre travail, c'est aussi le sourire et le contact". Malgré l'inquiétude croissante concernant un rebond de la pandémie, il est convaincu que Cannes résistera à la tempête grâce à l'un des taux de vaccination les plus élevés du pays.

"Nous savons que ce ne sera pas une année record comme en 2019", ajoute Patrice Foppiani. "Mais j'espère que le festival du film pourra montrer la voie et que d'autres grands événements commenceront à revenir à Cannes."

À Cannes, du soleil, des étoiles et un peu de salive pour tenter d'oublier le Covid-19

De la plage au tapis rouge

Comme d'autres restaurants cannois, le Bella Storia n'a ouvert que brièvement l'été dernier, recevant essentiellement des touristes français. Un an plus tard, les restrictions de voyage n’ont pas permis le retour des visiteurs étrangers.

Avant le Covid-19, le festival accueillait quelque 40 000 professionnels du cinéma accrédités et deux fois plus de visiteurs. Cette année, Cannes s'attend à une affluence moindre, les vacanciers de début juillet ne compensant que partiellement le manque à gagner.

"À ce stade, nous ne pouvons pas savoir à quoi vont ressembler les affaires", estime le personnel d’un club de plage presque vide. Tout au long de la Croisette, les boutiques de luxe sont tout aussi dépeuplées.

Les 133 hôtels de Cannes, qui réalisent généralement environ 20 % de leur fréquentation annuelle pendant le festival, sont encore loin d'être complets.

"Les hôtels sont actuellement pleins à 80 % pour la première semaine du festival, et un peu moins pour la seconde", explique Catherine Welter, qui dirige l'association locale des hôteliers. "Il y a encore des chambres à réserver, que vous recherchiez une économique ou une suite cinq étoiles sur la Croisette."

Même si Catherine Welter s’accorde à dire qu’il ne s’agit pas d’une édition normale du festival le plus fastueux du monde, elle préfère regarder le bon côté des choses. "C’est une occasion unique de vivre une expérience différente", résume-t-elle. "Vous pouvez bronzer sur la plage le jour et marcher sur le tapis rouge la nuit, c’est le meilleur des deux mondes !"