Des responsables politiques de droite et d'extrême droite ont critiqué, mardi, l'intention des Bleus de mettre un genou à terre pour protester contre les discriminations lors du match de l'Euro contre l'Allemagne. Un choix que défend la Fédération française de football, soulignant un geste "honorable". D'autres sélections choisissent de rester debout.
C'est un geste qui divise. Les joueurs de l'équipe de France de football ont annoncé qu'ils allaient poser un genou à terre, mardi 15 juin, avant la rencontre de l'Euro-2021 contre l'Allemagne pour marquer leur opposition au racisme. "Oui, c’est prévu", a confirmé la veille le capitaine, Hugo Lloris, en conférence de presse.
Les Bleus avaient déjà fait ce geste lors du match amical contre le pays de Galles, début juin. Il est inspiré de celui de Colin Kaepernick, l’ancien joueur de NFL, pour dénoncer le racisme et les discriminations. Cette posture symbolique a par la suite été reprise par le mouvement Black Lives Matter, né aux États-Unis après le décès de George Floyd, tué par un policier blanc en 2020.
Ceux de l'équipe de Belgique l'ont aussi fait, sous les sifflets du public de Saint-Pétersbourg, samedi avant le match de l'Euro contre la Russie. Les joueurs russes sont restés debout de l'autre côté du rond central, tandis que l'initiative des "Diables Rouges" a été accueillie par des sifflets venant des tribunes du Stade de Saint-Pétersbourg.
Quelques jours auparavant, l'équipe d'Angleterre avait aussi été huée par une partie du public à Middlesbrough lorsqu'elle s'est agenouillée avant les matches amicaux contre l'Autriche et la Roumanie, mais les sifflets ont été couverts par les applaudissements du reste des spectateurs. Les joueurs de Premier League ont pris l'habitude de mettre un genou à terre avant les rencontres.
"Si vous ne comprenez pas ce que cela signifie (le genou à terre) et la cause qu'il y a derrière, c'est vraiment très décevant", a déclaré à la radio talkSPORT l'attaquant Raheem Sterling, en réponse à ces sifflets. Son coéquipier Luke Shaw a assuré que l'équipe n'avait pas l'intention de faire machine arrière. "Nous en avons parlé, nous avons tous choisi ce que nous voulions faire, nous sommes tous d'accord qu'il faut continuer à s'agenouiller", a-t-il déclaré. "Nous continuerons à le faire, nous y croyons et nous n'arrêterons pas".
Des critiques venues de la droite et de l'extrême droite
En France, cette posture suscite aussi le débat. Des responsables politiques de droite et d'extrême droite ont critiqué, mardi, l'intention des Bleus de mettre un genou à terre. "Mettront-ils aussi un genou à terre l'année prochaine lors de la Coupe du monde au Qatar pour rendre hommage aux plus de 6 500 ouvriers immigrés morts sur la construction des stades de la honte ?", a rétorqué le numéro 2 du RN, Jordan Bardella, sur Twitter.
"Black Lives Matter c'est un drame (...) qui s'est passé aux États-Unis", "avec la police américaine", pas avec la police française, qui "n'a jamais eu ces dérives", a affirmé sur Europe 1 Thierry Mariani, candidat RN pour les régionales en Paca.
L'ancien numéro 2 du RN, Florian Philippot, a qualifié sur Twitter l'intention des Bleus de "honte" et le mouvement Black Lives Matter de "machin sponsorisé pour faire monter les tensions, casser les peuples, les diviser, les entretenir dans le ressentiment, les affaiblir !"
Chez Les Républicains, le député Eric Ciotti a appelé l'équipe de France à "rappeler son soutien à notre police", en déplorant qu'elle n'ait pas mis un genou à terre "pour les victimes du terrorisme islamiste ou les policiers assassinés par des barbares". L'ex-LR Christian Estrosi, maire de Nice, a demandé sur Cnews à l'équipe de France "de dire très clairement qu'il ne peut en aucun cas être interprété comme un geste à l'égard de l'action magnifique que les forces de sécurité intérieure réalisent en France".
"Une reconnaissance par rapport à une injustice"
Interrogé par RMC Sport, le patron de la Fédération française de football (FFF) Noël Le Graët a défendu l'équipe de France, se disant "très favorable" à ce geste, vu comme "une reconnaissance par rapport à une injustice". "Que nos jeunes joueurs prennent conscience de ces difficultés, je trouve cela très honorable et intelligent de leur part", a insisté l'ancien maire socialiste de Guingamp.
À gauche, l'eurodéputée LFI Manon Aubry s'est dite "fière de notre équipe de France qui s'engage contre le racisme et les discriminations". "Le déferlement de haine de l'extrême droite qui a lancé le hashtag #BoycottEquipeDeFrance montre à quel point les bleus ont raison de se mobiliser !", a-t-elle ajouté dans un tweet. Il y a "besoin du mouvement sportif et de son engagement" contre le racisme, a également souligné la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, mardi sur franceinfo.
Lors de leurs prochaines rencontres, les Bleus peuvent s'attendre à un accueil hostile, notamment à Budapest lors de leur deuxième match face à la Hongrie, samedi 19 juin. La semaine dernière, les Irlandais ont été sifflés lorsqu’ils ont pris cette posture au stade Ferenc-Puskas. Après la rencontre, le Premier ministre hongrois avait même pris la défense des spectateurs.
Ce geste symbolisant la lutte contre le racisme "n'a pas sa place sur un terrain de sport", a déclaré Viktor Orban, connu pour ses prises de position contre l'immigration. "Ce n'est pas une solution" d'apporter un tel "fardeau" moral et historique dans un pays comme la Hongrie qui "n'a jamais été concernée par la traite d'esclaves", a-t-il estimé.
Après la rencontre, le sélectionneur de l'Irlande Stephen Kenny avait, pour sa part, jugé les huées "incompréhensibles" et "préjudiciables" pour la réputation du pays. "C'est décevant et ce n'est à l'honneur des supporteurs hongrois", avait-il réagi.
Avec AFP