Le président russe, Vladimir Poutine, a fait l'éloge vendredi des "résultats concrets" du rapprochement avec la Biélorussie, en recevant son homologue Alexandre Loukachenko, dont le pays est visé par des sanctions européennes après le détournement d'un avion de ligne.
Le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, a accusé l'Occident de chercher à "déstabiliser" la Biélorussie, lors d'une rencontre, vendredi 28 mai, avec son allié russe, Vladimir Poutine. Et ce, alors que Minsk est visé par des sanctions européennes après le détournement d'un avion de ligne de Ryanair et l'arrestation d'un opposant qui se trouvait à bord.
"Une tentative est en cours de déstabiliser la situation pour que celle-ci soit comme en août" 2020, où un mouvement de contestation du régime sans précédent a été déclenché dans le pays, a déclaré Alexandre Loukachenko, au début de sa rencontre avec le président russe Vladimir Poutine à Sotchi, sur les rives de la mer Noire.
La rencontre entre les deux dirigeants visait initialement à discuter notamment du "renforcement de l'intégration" économique entre les deux pays et des moyens de "réagir aux pressions extérieures". Et c'est ce qu'a voulu souligner Vladimir Poutine. "Nous sommes en train de construire une Union" renforcée entre la Russie et la Biélorussie, a déclaré le président russe : "Nous avançons de manière ferme dans cette direction (...) et ce travail apporte déjà des résultats concrets pour nos citoyens".
Cette visite intervient alors que la Biélorussie est sous le feu de critiques et de sanctions européennes après avoir dérouté sur Minsk, dimanche, un vol Athènes-Vilnius affrété par Ryanair et arrêté un journaliste d'opposition voyageant à bord de cet avion.
Ouverture d'une enquête factuelle
Selon Minsk, l'avion a été dérouté à cause d'une alerte à la bombe et l'arrestation de Roman Protassevitch et de sa compagne, Sofia Sapega, relèvent du hasard.
Minsk assure que le pilote du vol dérouté n'a subi aucune pression alors qu'il lui a été recommandé avec insistance d'atterrir en Biélorussie, et que le chef de l'État a dépêché dans les cieux un avion de chasse pour accompagner le Boeing 737 de Ryanair.
Les soupçons d'une mise en scène ont cependant été renforcés par deux éléments.
La société Proton Technologies, qui héberge l'adresse e-mail d'où la menace a été envoyée, a révélé que "le message d'alerte à la bombe a été envoyé après que l'avion a été détourné".
Le site Dossier.center publie lui une photo présentée comme étant le dit courriel, dont l'heure affichée est 12 h 57, heure de Minsk.
Or, la transcription des conversations entre le vol FR4978 et les contrôleurs aériens biélorusses, publiée par Minsk, établit pourtant que le pilote a été informé de la menace à 12 h 30 (heure locale). Une minute plus tard, on lui recommandait d'atterrir à Minsk.
L'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) a pour sa part annoncé, jeudi, une "enquête factuelle" destinée à établir s'il y a eu "violation du droit international de l'aviation".
Réaction de l'UE et des États-Unis
Pour l'UE, qui a demandé dans la foulée aux compagnies aériennes de contourner la Biélorussie, l'alerte à la bombe n'était qu'une mise en scène.
Cette décision de l'UE a été suivie de l'annulation de plusieurs vols d'Air France et d'un trajet d'Austrian Airlines vers Moscou, car la Russie n'avait pas validé les plans de vols évitant l'espace aérien biélorusse.
Le Kremlin a assuré, vendredi, que le motif était purement "technique". L'autorité aérienne russe Rossaviatsia a expliqué le retard dans la validation des plans de vols contournant la Biélorussie par "l'augmentation du nombre des demandes des compagnies aériennes". Austrian Airlines a d'ailleurs dit disposer désormais de la documentation nécessaire.
Pour sa part, Bruxelles a présenté un projet de soutien à la Biélorussie, prévoyant jusqu'à 3 milliards d'euros d'aide au pays, en cas de transition démocratique quand Alexandre Loukachenko aura quitté le pouvoir.
De son côté, le gouvernement américain a annoncé préparer avec l'Union européenne "une liste de sanctions ciblées à l'encontre de membres-clés du régime de Loukachenko associés aux violations actuelles des droits de l'Homme et à la corruption, la falsification des élections de 2020 et aux événements du 23 mai", selon un porte-parole de la Maison Blanche.
Les États-Unis ont par ailleurs recommandé à leurs citoyens d'éviter de se rendre en Biélorussie et "de faire preuve de précautions extrêmes" au cas où ils envisageraient de prendre un avion survolant le pays.
Appels à libérer Roman Protassevitch
Les parents du journaliste arrêté, Roman Protassevitch, eux-mêmes exilés à Varsovie depuis la répression lancée en Biélorusie l'année dernière, restent sans aucun contact avec leur fils depuis son arrestation dimanche à l'aéroport de Minsk.
Sa mère, Natalia Protassevitch, a lancé jeudi devant la presse un appel émouvant depuis Varsovie. "Je veux que vous transmettiez notre demande partout à travers le monde, aux représentants des gouvernements, aux pays de l'UE, aux dirigeants de l'UE, aux dirigeants américains : je crie, je vous en supplie, aidez-moi à libérer mon fils".
Roman Protassevitch encourt une lourde peine de prison. Il est accusé par les autorités biélorusses d'avoir organisé des "troubles massifs" lors des manifestations de 2020 contre la réélection d'Alexandre Loukachenko.
De son côté, l'opposante biélorusse Svetlana Tikhanovskaïa a appelé l'Union européenne à se montrer "plus courageuse et plus forte" et à imposer des sanctions supplémentaires en Biélorussie.
Avec AFP