L'arrivée soudaine de milliers de migrants depuis le Maroc à Ceuta et Melilla intervient sur fond de crise diplomatique majeure entre les deux pays. L'Espagne a convoqué mardi l'ambassadrice marocaine à Madrid.
Le gouvernement espagnol tape du poing sur la table. Madrid a convoqué, mardi 19 mai, l'ambassadrice marocaine pour lui exprimer son "mécontentement" face à l'arrivée de près de 8 000 migrants à Ceuta depuis lundi, en provenance du Maroc.
"Je lui ai rappelé que le contrôle des frontières a été et doit rester de la responsabilité partagée de l'Espagne et du Maroc", a déclaré la ministre espagnole des Affaires étrangères, Arancha Gonzalez Laya. À Rabat, le ministère des Affaires étrangères marocain a annoncé, quant à lui, le rappel immédiat "pour consultation" de son ambassadrice.
Face à la gravité de la situation, le Premier ministre espagnol, le socialiste Pedro Sanchez, est arrivé mardi après-midi à Ceuta, où il a été accueilli par les huées de quelques dizaines de résidents, selon des images mises en ligne par le journal local. Il devait ensuite se rendre à Melilla, l'autre enclave espagnole située sur la côte méditerranéenne du Maroc.
"Nous allons rétablir l'ordre dans [la] ville et à nos frontières le plus rapidement possible", avait-il déclaré plus tôt lors d'une brève allocution télévisée depuis Madrid, qualifiant l'arrivée soudaine de ces milliers de migrants de "grave crise pour l'Espagne et pour l'Europe".
L'Union européenne appelle le Maroc à agir
Bruxelles a exprimé à l'Espagne sa solidarité et appelé le Maroc, par la voix de la commissaire européenne Ylva Johansson, à empêcher les "départs irréguliers" depuis son territoire.
"L'Europe ne se laissera intimider par personne", a ajouté mercredi matin Margaritis Schinas, le vice-président de la Commission européenne en soutien à l'Espagne. Il a aussi affirmé, au sujet du Maroc, que l'Europe ne serait "pas victime de ces tactiques".
Près de 4 000 migrants ont été renvoyés au Maroc, selon les chiffres publiés mardi par le ministère espagnol de l'Intérieur, qui a par ailleurs annoncé l'envoi de nouveaux renforts des forces de l'ordre sur place.
Silence du côté marocain
Cette crise migratoire, sans précédent pour l'Espagne, dont le Maroc est un allié clé dans la lutte contre l'immigration clandestine, intervient alors que les relations diplomatiques entre les deux pays se sont envenimées depuis l'accueil, fin avril, par l'Espagne du chef des indépendantistes sahraouis du Front Polisario, Brahim Ghali, pour y être soigné du Covid-19.
Selon Isaias Barreñada, professeur de relations internationales à l'Université Complutense de Madrid, cet afflux de migrants n'est "pas un hasard" et "un message fort" de la part de Rabat, car des milliers de personnes "n'entrent pas ainsi de façon spontanée" à Ceuta.
Le Maroc avait convoqué fin avril l'ambassadeur espagnol à Rabat pour lui signifier son "exaspération" après l'hospitalisation du chef du Polisario, un mouvement soutenu par l'Algérie qui revendique l'indépendance du Sahara occidental, ancienne colonie espagnole que le Maroc considère comme partie intégrante de son territoire.
Si à Rabat, les plus hautes autorités gardent le silence depuis lundi, le directeur central de la police judiciaire, Mohamed Dkhissi, avait affirmé dimanche sur la télévision publique marocaine 2M que l'Espagne était "perdante" dans cette brouille et souligné que le Maroc, "qui est une puissance régionale (...) n'est le serviteur d'aucun pays".
Avec AFP