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Dans une déclaration adoptée à l'unanimité, y compris par la Chine et la Russie, le Conseil de sécurité a appelé, mercredi, la junte birmane à "faire preuve de la plus grande retenue" face aux manifestants. Les militaires ont par ailleurs lancé de nouvelles accusations de corruption contre Aung San Suu Kyi.

La junte militaire poursuivait sa répression, jeudi 11 mars, en Birmanie, contre les manifestations quotidiennes anti-coup d'État, malgré un accroissement de la pression internationale sur le régime après la condamnation des violences par le Conseil de sécurité de l'ONU.

Les forces de sécurité ont mené des opérations, dans la nuit de mercredi à jeudi, dans le quartier de Sanchaung, à Rangoun, la capitale économique du pays, effectuant notamment des descentes dans des appartements à la recherche d'armes.

"Ils ont utilisé des bombes assourdissantes dans chaque rue", a témoigné un habitant de ce quartier qui concentre des tensions depuis le début de la semaine. "Nous demandons à nos amis qui sont hors de chez eux de ne pas rentrer."

La junte, sous pression depuis la condamnation, mercredi, de la violence de la répression par le Conseil de sécurité de l'ONU, a lancé de nouvelles accusations de corruption contre l'ancienne cheffe du gouvernement civil Aung San Suu Kyi.

L'ancienne dirigeante, renversée par un coup d'État le 1er février et mise au secret depuis, est désormais soupçonnée d'avoir reçu pour 600 000 dollars de pots-de-vin et plus de 11 kilos d'or.

Sous pression, la junte birmane lance de nouvelles accusations contre Aung San Suu Kyi

"Solution pacifique"

Dans sa déclaration adoptée à l'unanimité des 15 membres, également par la Chine et la Russie, des alliées traditionnelles des généraux birmans, l'organe exécutif des Nations unies s'en est pris de manière inédite à l'armée qu'il appelle à "faire preuve de la plus grande retenue".

Les États-Unis sont également intervenus, en instituant des sanctions contre deux enfants adultes du dirigeant de la junte qui s'est emparé du pouvoir, Min Aung Hlaing. Aung Pyae Sone et Khin Thiri Thet Mon ont des intérêts dans des entreprises qui ont directement bénéficié "de la position de leur père et de son influence néfaste", a indiqué le département américain du Trésor.

Dénonçant les agissements violents des forces de sécurité "contre des manifestants pacifiques, incluant des femmes, des jeunes et des enfants", le Conseil demande aux parties de "chercher une solution pacifique" à la crise provoquée par le coup d'État du 1er février. Il réclame en outre "la libération immédiate de toutes les personnes détenues arbitrairement", sans toutefois mentionner la possibilité de sanctions internationales.

La Chine estime qu'"il est maintenant temps de procéder à la désescalade" en Birmanie et qu'"il est temps de dialoguer", a affirmé mercredi l'ambassadeur chinois à l'ONU, Zhang Jun. "L'heure est à la diplomatie", a-t-il aussi souligné dans un communiqué, en affirmant que "la Chine avait participé à la négociation" organisée pendant six jours par le Royaume-Uni au sein du Conseil de sécurité pour cette déclaration "d'une manière constructive". "Il est important que les membres du Conseil parlent d'une seule voix. Nous espérons que le message du Conseil sera de nature à améliorer la situation en Birmanie", a insisté le diplomate chinois.

Sous pression, la junte birmane lance de nouvelles accusations contre Aung San Suu Kyi

"Arrêt complet de l'économie"

Profitant des atermoiements jusqu'alors de la communauté internationale, qui recherchait avec difficulté ces derniers jours une position commune, la junte a de son côté poursuivi la répression. Des policiers et des soldats ont ainsi été déployés en nombre, mercredi, autour de l'enceinte où réside le personnel ferroviaire de la gare Ma Hlwa Gone, dans l'est de Rangoun, la capitale économique.

"Ils bloquent les portes (des appartements) et les détruisent pour entrer", a raconté une femme membre de la famille d'un cheminot, sous couvert d'anonymat de peur de représailles. "J'ai réussi à m'échapper, mais je m'inquiète pour les travailleurs et leurs proches encore coincés". Selon elle, quelque 800 employés des chemins de fer dans cette gare sont impliqués dans le mouvement de désobéissance civile.

Médecins, enseignants, employés des compagnies d'électricité, cheminots, de nombreux fonctionnaires ont cessé le travail après le putsch qui a renversé le gouvernement civil d'Aung San Suu Kyi. Les principaux syndicats ont appelé à "l'arrêt complet de l'économie" pour tenter de paralyser la Birmanie et d'augmenter la pression sur les militaires.

Au moins 60 civils tués 

Occupée sur plusieurs fronts, l'armée cherche aussi à concentrer son action sur les manifestations.

Le journal d'État The Mirror a ainsi annoncé jeudi que l'armée Arakan, en conflit avec la junte dans l'tat de Rakhine (ouest), ne serait plus considérée comme une organisation terroriste par le pouvoir.

Ce groupe armé lutte pour une plus grande autonomie pour la population bouddhiste, dite Rakhine, dans l'État du même nom. Le conflit avec les militaires birmans a fait en près de deux ans des centaines de morts et contraint quelque 200 000 personnes à fuir leurs maisons.

"Les militaires de Tatmadaw (l'armée birmane) ont de nombreux ennemis, ils ne veulent pas opérer sur trop de fronts à la fois et le front le plus pressant à l'heure actuelle est contre la majorité ethnique des Birmans dans les grands centres urbains", a expliqué à l'AFP Hervé Lemahieu, expert auprès de l'institut Lowy en Australie.

À Rangoun, le quartier d'Okkalapa était sous le choc jeudi, au lendemain d'une opération des forces de l'ordre ayant conduit à 300 arrestations, selon l'Association d'assistance aux prisonniers politiques.

"Une personne a été touchée par des tirs à balles réelles et se trouve dans un état critique", a indiqué cette association, qui dénombre au moins 60 civils tués et près de 2 000 personnes arrêtées depuis le 1er février.

L'organisation de défense des droits humains Amnesty International a dénoncé jeudi des "exécutions extrajudiciaires" et le recours à des armes de guerre.

L'organisation a expliqué dans un communiqué avoir analysé 55 vidéos, filmées entre le 28 février et le 8 mars par des membres du public et des médias locaux, montrant que "la force létale est utilisée de manière planifiée, préméditée et coordonnée" par l'armée birmane.

Le passage en force des généraux, alléguant de vastes fraudes électorales aux législatives de novembre remportées massivement par le parti d'Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), a mis fin à une décennie de transition démocratique en Birmanie.

Avec AFP