logo

Afghanistan-Pakistan : les chiites hazaras, cibles des extrémistes sunnites

De part et d'autres de la frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan, la minorité hazara, qui pratique un Islam chiite, est devenue une cible de choix pour différents groupes terroristes sunnites (Taliban, groupe État islamique). Dans le sud-ouest du Pakistan, les Hazaras vivent parqués dans des ghettos ethniques. Peu d’informations filtrent de cette région très instable, interdite d’accès aux étrangers. Du côté afghan, les Hazaras sont également visés par des groupes jihadistes et certains assurent eux-mêmes leur sécurité. Reporters est allé à leur rencontre.

Le 3 janvier dernier, la branche afghano-pakistanaise de l’organisation État islamique massacrait dix travailleurs hazaras dans une mine de charbon, à 60 km de Quetta, la capitale provinciale du Balouchistan au Pakistan. Ce massacre s'ajoute à une longue liste d’attentats perpétrés contre la minorité chiite des Hazaras ces dernières années. Le 12 avril 2019, 68 personnes avaient été tuées et blessées sur un marché de la ville de Quetta.

Au Pakistan, l’attaque de trop

Mais la brutalité avec laquelle les 10 mineurs Hazaras ont été assassinés le 4 janvier a franchi un nouveau cap dans l’horreur : les combattants du groupe État islamique les ont décapités après les avoir enlevés. En réaction, des milliers de Hazaras ont manifesté durant six jours dans la capitale du Balouchistan, refusant d’enterrer les corps des victimes. Et ce malgré les recommandations de l’Islam, qui impose aux fidèles des sépultures rapides.  

Les organisateurs de cette manifestation réclamaient la venue du Premier ministre, Imran Khan, à Quetta et qu'il leur garantisse une véritable protection. "Enterrez d’abord vos morts et je viendrai", leur a t-il répondu par voie de presse. Au septième jour de leur mobilisation, de guerre lasse, les dépouilles ont été mises en terre. Le lendemain des funérailles, Imran Khan tient sa promesse et se rend à Quetta pour présenter ses condoléances à la communauté hazara.

Une population discriminée au Pakistan et ciblée par le jihadisme international

À Quetta, la majorité des Hazaras réside dans deux enclaves gardées par des postes de contrôle tenus par des paramilitaires pakistanais : Hazaratown et Mariabad. La présentation d’une pièce d’identité est obligatoire pour pénétrer dans ces ghettos ethniques censés les protéger des attaques de groupes extrémistes sunnites.  

Cette configuration géographique isole et exclut la minorité chiite du reste de la société pakistanaise. Cet isolement rend compliqué, voire impossible, l’accès à l’éducation supérieure. Il renforce également le sentiment d’abandon vécu par la minorité chiite au Pakistan qui se sent victime de discriminations et de racisme d’État.

Les descendants de Gengis Khan

En Afghanistan, ce sentiment est largement partagé par les Hazaras qui  représentent 20 % de la population. Considérés comme les descendants des soldats de Gengis Khan, le fondateur de l’empire Mongol au XIIIe siècle, les Hazaras sont reconnaissables à leurs traits asiatiques. Leur apparence, distincte du reste de la population, fait d’eux des cibles faciles pour les extrémistes sunnites.

Dans le centre du pays, le Hazarajat, littéralement le pays des Hazaras, s’étend sur les contreforts de l’Hindou Kouch. Dans le contexte d’une guerre interminable, la communauté vivait dans une paix relative. Cependant, depuis quelques années, les incursions talibanes dans certaines provinces ainsi que la présence du groupe État islamique ont changé la donne et les combats se sont intensifié.

En province comme à Kaboul, les Hazaras qui le peuvent prennent eux-mêmes en charge leur sécurité. Certains s'organisent en milice pour repousser les attaques talibanes et se protéger de celles du groupe État islamique.