logo

L’OMS a annoncé, jeudi, une baisse de 17 % des nouveaux cas de Covid-19 dans le monde, une tendance constatée sur tous les continents. Mais ces données officielles sont à prendre avec précaution. 

Covid-19 : un recul mondial en trompe-l’œil ?
"Seulement" 3,1 millions de nouveaux cas de Covid-19 recensés dans le monde. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé, jeudi 11 février, que le nombre de nouvelles contaminations par le Sars-CoV-2 a baissé de 17 % par rapport à la semaine précédente. C’est même la quatrième semaine d’affilée qu’il est en recul. Soit 40 % de nouveaux cas positifs par jour en moins que début janvier, selon Le Parisien.

Pourtant, entre l’apparition de nouveaux variants plus contagieux, les déboires des campagnes de vaccination en Europe, les vifs débats sur la nécessité ou non d’instaurer un nouveau confinement "dur" pour stopper la propagation du Sars-CoV-2, le climat actuel donne plutôt l’impression d’une épidémie plus virulente que jamais.

"Pas une mauvaise nouvelle"

Il y aurait donc, comme avec le froid, une différence entre l’épidémie "ressentie" et la dynamique réelle de la pandémie ? C’est, en tout cas, ce que suggère l’OMS, qui précise même que cette tendance à la baisse se constate sur tous les continents. Elle n’est cependant pas uniforme puisqu’elle est plus nette dans des pays comme l’Inde, le Japon ou l’Espagne et beaucoup plus légère en France ou en Allemagne.

"Ce n’est certainement pas une mauvaise nouvelle, mais encore faut-il savoir à quel point elle est bonne", note Jonathan Stoye, virologue et responsable de recherche au Francis Crick Institute de Londres, contacté par France 24.

La chute au niveau global des nouveaux cas provient essentiellement des "grands pays" qui concentrent la part du lion des contaminations déclarées. C’est le cas des États-Unis (-20 %), du Royaume-Uni (-25 %) ou encore du Brésil (-10 %). Ces baisses, importantes en volume, peuvent "donner une impression trompeuse d’un recul généralisé", précise Jonathan Stoye. Les données de l’OMS ne reflètent en effet que très imparfaitement "la situation dans d’autres pays qui n’ont pas les moyens d’organiser de grandes campagnes de dépistage et ne remontent, donc, que des données incomplètes", poursuit cet expert.

Si le recul des nouveaux cas au niveau mondial constaté par l’OMS est donc à prendre avec des pincettes, il n’en demeure pas moins qu’il semble réel dans ces "grands pays". "L’effet des mesures sanitaires plus restrictives prises en fin d’année se fait maintenant sentir, ce qui donne l’impression qu’on commence à savoir maîtriser la propagation de ce virus sur le plan de la réponse sanitaire", analyse Jean-Marie Milleliri, médecin épidémiologiste, contacté par France 24.

C’est particulièrement flagrant aux États-Unis. La chute des nouvelles contaminations depuis janvier "semble être le résultat direct des mesures sanitaires plus strictes prises par le nouveau président américain Joe Biden", souligne Daniel Dunia, virologue au centre de physiopathologie de Toulouse de l’Inserm, contacté par France 24.

L’effet bénéfique de mesures sanitaires est aussi "évident en Espagne et au Royaume-Uni, où il y a eu instauration d’un confinement renforcé", estime Jonathan Stoye.

Et les variants dans tout ça ?

Mais il faut aussi prendre en compte un autre facteur dans l’équation : l’immunité individuelle des personnes qui ont déjà été infectées par le Sars-CoV-2. La propagation du virus recule "non seulement à cause des mesures de distanciation sociale et de confinement, mais aussi parce qu'une fois dehors, il a moins d'individus qu'il peut contaminer car une partie d'entre eux est déjà immunisée car ils l'ont déjà eu", explique Jean-Stéphane Dhersin, directeur adjoint scientifique de l’Institut national des sciences mathématiques et spécialiste de la modélisation d’épidémies, contacté par France 24.

Mais ce spécialiste précise que ces données de l’OMS ne racontent qu’une partie de l’histoire. Elles montrent essentiellement la trajectoire du Sars-CoV-2 "historique"... sans refléter l’émergence des variants. "Ce qui transparaît dans les chiffres, c’est l’évolution des cas de contamination à la souche majoritaire du virus, qui est encore la forme originale du Covid-19", résume-t-il.

Pour lui, le monde pourrait être, en réalité, à un moment de bascule : le variant historique arrive en bout de course car les autorités ont réussi à le maîtriser, ce que montrent les chiffres de l’OMS, mais les nouvelles formes du Sars-CoV-2 sont prêtes à prendre le relais.

Pour avoir une vision plus réaliste de l’évolution de l’épidémie, "il faudrait faire du séquençage massif du virus dans la population contaminée pour savoir au plus vite quand un nouveau ‘mutant’ apparaît et s’il est plus contagieux ou dangereux", assure Jean-Stéphane Dhersin. Sans ça, on risque de continuer à se fier aveuglément à des chiffres de l’OMS qui ne peuvent pas prendre en compte ces variants qui, petit à petit, deviennent moins petits.