Ils étaient encore plusieurs dizaines de milliers à manifester, mercredi, pour réclamer le rétablissement de la démocratie après le coup d'État militaire en Birmanie. Une mobilisation toujours aussi forte malgré une répression qui a franchi un nouveau cap ces dernières 24 heures.
Le face-à-face est de plus en plus tendu entre militaires et militants pro-démocratie. Les Birmans étaient plusieurs dizaines de milliers à descendre dans la rue, mercredi 10 février, pour le cinquième jour consécutif, au lendemain d'un raid nocturne de l'armée contre le siège du parti d'Aung San Suu Kyi. Une action qui montre la détermination des généraux putschistes à briser ce mouvement inédit depuis le soulèvement populaire de 2007.
La foule formait plusieurs cortèges en début d'après-midi dans le centre de Rangoun, la capitale économique du pays, selon différentes estimations, alors que la répression a franchi un nouveau cap mardi.
"Nous ferons tout pour rejeter le gouvernement militaire" a déclaré à l'AFP Kyaw Kyaw, un employé d'hôtel.
"Nous ne voulons pas rester sous la dictature. J'ai aussi un peu peur après la répression d'hier" a ajouté Khin Nyein Wai, étudiant.
Une manifestation réunissant plusieurs milliers de personnes était également en cours à Naypyidaw, la capitale administrative de la Birmanie, dans le centre du pays.
Tirs à balles réelles
Le rapporteur spécial des Nations unies pour la Birmanie, Tom Andrews, a condamné l'usage de la force, et assuré que la police avait tiré et blessé une jeune femme à Naypyidaw. Les images de cette action ont été massivement partagées sur les réseaux sociaux.
မနေ့ကမြသွဲ့သွဲ့ခိုင်ကို ရဲမှသေနတ်နှင့်ပစ်ပါသည်။ ဘာရာဇဝတ်မှုကြောင့်လဲ? မတရားတဲ့ စစ်တပ်အာဏာသိမ်းမှုကို ဆန့်ကျင်လို့လား? ဒီလိုပစ်လည်း ပြတ်သားတဲ့လူထုရဲ့ မျှော်လင့်ချက်နဲ့ရည်ရွယ်ချက်က တည်မြဲနေမည်။ ကမ္ဘာတစ်ခုလုံး မြန်မာ့ဆန္ဒပြသူတွေနဲ့ ရှိနေမည်။ pic.twitter.com/puFSLOqvxx
— UN Special Rapporteur Tom Andrews (@RapporteurUn) February 10, 2021"Ils peuvent tirer sur une jeune femme, mais ils ne peuvent pas voler l'espoir et la détermination d'un peuple", a écrit, mercredi, l'envoyé spécial des droits de l'Homme. "Le monde est solidaire des manifestants de Birmanie".
Selon un médecin de l'hôpital de Naypyidaw, la jeune femme, Mya Thwe Thwe Khine, touchée à la tête, est "en soins intensifs car elle a besoin d'aide pour respirer et reste inconsciente" mercredi matin.
Un autre médecin avait affirmé, mardi, que les militaires avaient tiré à balles réelles, à en juger par les blessures subies par deux jeunes hommes hospitalisés dans un état critique. "Nous pensons qu'il s'agit de balles réelles", a déclaré ce médecin.
À Mandalay (centre), la deuxième ville du pays, la police a tiré des gaz lacrymogènes contre des protestataires qui agitaient des drapeaux de la Ligue nationale pour la démocratie (LND).
Selon la LND, les militaires ont mené, mardi soir, un raid contre les locaux de la formation à Rangoun.
"Le dictateur militaire a investi et détruit le quartier général de la LND aux environs de 21h30" (15 H GMT), a indiqué le parti sur sa page Facebook, alors qu'avaient lieu des manifestations dans plusieurs villes, réprimées avec des canons à eau et des tirs de balles en caoutchouc.
Un membre de la LND, Soe Win, a déclaré à l'AFP qu'un gardien avait vu le raid mené par les forces de sécurité via un système de vidéosurveillance à distance, mais qu'il n'avait pas pu intervenir en raison du couvre-feu.
Dans la matinée, ils ont trouvé des serrures forcées, du matériel informatique manquant, du câblage électrique et des câbles de serveur coupés et ses documents bancaires avaient disparu d'un coffre-fort. Selon Soe Win, le parti prévoit de porter plainte auprès de la police.
Les autorités ont interdit depuis lundi soir les rassemblements de plus de cinq personnes à Rangoun, Napypidaw et dans d'autres villes. Un couvre-feu a été décrété et les manifestants se sont dispersés en début de soirée.
Ces derniers jours, des centaines de milliers de manifestants ont défilé à travers le pays, réclamant la libération des personnes détenues, la fin de la dictature et l'abolition de la constitution de 2008, très favorable à l'armée.
Aung San Suu Kyi va bien
Depuis le coup d'État du 1er février, le nombre de personnes arrêtées a atteint 190 mercredi, selon une ONG d'aide aux prisonniers politiques.
Ce putsch a mis fin à une brève parenthèse démocratique d'une décennie.
L'armée conteste la régularité des législatives de novembre, remportées massivement par la LND. Mais des observateurs internationaux n'ont pas constaté de problèmes majeurs lors de ce scrutin.
En réalité, les généraux craignaient de voir leur influence diminuer après la victoire d'Aung San Suu Kyi, qui aurait pu vouloir modifier la Constitution.
L'ex-dirigeante serait "en bonne santé", assignée à résidence à Naypyidaw, d'après son parti.
Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU va tenir vendredi une session spéciale sur ces événements. Le Conseil de sécurité des Nations unies a de son côté appelé à la libération des détenus.
Avec AFP