Rassemblant enseignants, infirmières scolaires, lycéens et étudiants, des manifestations sont prévues mardi à Paris et dans plusieurs villes de France, ainsi qu'un mouvement de grève. Parmi les revendications figurent une hausse des salaires des enseignants et le retour des étudiants dans les universités.
Affectés par la crise sanitaire, les personnels de l'éducation nationale, rejoints par les infirmières scolaires, mais aussi par les lycéens et les étudiants, sont appelés à faire grève et à se mobiliser partout en France, mardi 26 janvier, pour faire entendre leur voix, à la veille d'un possible reconfinement.
Selon le ministère de l'Éducation nationale, le taux de grévistes chez les enseignants s'élevait à la mi-journée à 11 %. De son côté, le Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire, relevait un tiers de grévistes dans le premier degré. Dans le second degré, le Snes-FSU, premier syndicat, estimait ce taux à 40 % des professeurs, CPE, PsyEN (psy de l'éducation nationale), AED (assistants d'éducation) et AESH (accompagnants d'élèves handicapés).
À l'appel d'une intersyndicale composée notamment de la FSU, de la CGT et de FO, des défilés sont organisés à Paris et dans plusieurs autres villes. Dans la capitale, la manifestation a démarré à 13h du Luxembourg et se dirige vers la rue de Grenelle, siège du ministère de l'Éducation nationale.
Nous sommes 8000 aujourd'hui salaires suppressions d'emplois, gestion sanitaire inacceptable par @jmblanquer#Greve26janvier pic.twitter.com/x3U8dyGWmq
— FSU SD 75 (@FsuSDParis) January 26, 2021Un millier de personnes, selon les syndicats, ont manifesté dans la matinée à Clermont-Ferrand, derrière une banderole "Urgence pour le service public de l'éducation". Parmi elles, Magali Gallais, 44 ans, CPE [Conseillère principale d'éducation] : "On brasse des élèves toute la journée, ils oublient souvent de mettre leur masque correctement, on est exposé au virus en permanence".
Un millier d'enseignants, animateurs, assistants d'éducation ou étudiants ont également battu le pavé à Toulouse. Nina Garnier, 43 ans, professeur des écoles, y a souligné le "manque criant de moyens, surtout depuis le début de la crise sanitaire." "Il n'y a pas de remplaçants quand les collègues sont malades. C'est un travail que j'aime, que j'ai toujours aimé, mais aujourd'hui je suis épuisée".
Par un froid glacial, au moins 1 000 personnes ont défilé à Rennes. "On a eu une perte de pouvoir d"achat en dix ans de 275 euros mensuels par personne", dénonçait Axel Benoist, le secrétaire national du Snuep-FSU (enseignement professionnel).
"Un moment crucial pour l'éducation"
"C'est un moment crucial pour l'éducation, il y a une vraie colère qui monte chez les enseignants qui sont très inquiets", assure Benoît Teste, secrétaire général de la FSU, en référence notamment au Grenelle des enseignants lancé par le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, qui doit s'achever en février.
Selon lui, "ce qui est entrepris par le ministère n'est absolument pas satisfaisant, c'est essentiellement de la communication avec une revalorisation de surface qui est très insuffisante, là où il faudrait investir massivement pour permettre de recruter sur le long terme et attirer vers les métiers de l'éducation", a-t-il expliqué la semaine dernière lors d'une conférence de presse en ligne.
En novembre, le ministère avait annoncé des revalorisations à partir de 2021, ciblées surtout sur les plus jeunes. Mais les organisations syndicales espèrent qu'une loi pluriannuelle, promise au moment de la réforme des retraites, viendra consacrer des revalorisations pérennes et substantielles pour toute la profession.
Les salaires des enseignants français sont inférieurs de 7 % en début de carrière à la moyenne des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Un sentiment d'abandon des personnels et des élèves
"Dans ce contexte difficile d'une dégradation de la situation sanitaire et d'une incertitude sur un éventuel reconfinement, cela fait plus de 100 000 personnes du premier degré qui seront en grève mardi", poursuit dans un communiqué le syndicat, qui exige "un plan d'urgence pour l'école et une réelle protection des personnels et des élèves afin de maintenir les écoles ouvertes".
L'école "fait face à une crise grave et inédite où la réussite des élèves est menacée, tandis que les personnels sont en première ligne et se sentent abandonnés. Des réponses à la hauteur des enjeux sont nécessaires pour permettre un tout autre service public d'éducation", demande le Snuipp.
Des étudiants devraient aussi se joindre à eux, six jours après s'être mobilisés contre les effets dévastateurs de l'épidémie de Covid sur leur vie quotidienne.
"La manifestation de la semaine dernière nous a permis d'obtenir des choses, mais pas de nous faire totalement entendre, alors on poursuit la mobilisation pour que les étudiants puissent revenir en cours la moitié du temps en présenciel et l'autre en distanciel", a expliqué à l'AFP Mélanie Luce, présidente de l'Unef.
Le but selon elle, "est vraiment d'éviter un échec massif". "Reconfinement ou pas, les étudiants ont besoin de voir leurs profs", a-t-elle plaidé.
Invitée mardi sur France 24, Virginie Dupont, présidente de l'université Bretagne Sud, espère que cette mesure ne sera pas éphémère. "Les étudiants sont épuisés par cette situation [...] Ils passent leurs journées devant un écran du matin au soir. Psychologiquement, je pense que c'est très difficile pour eux", affirme-t-elle, en faisant part de ses inquiétudes pour les professeurs.
"Les enseignants vivent la même situation même si leur situation sociale est différente", nuance Virginie Dupont. Elle insiste notamment sur la "précarité" de ces jeunes dont beaucoup ont perdu leur emploi à cause de la crise sanitaire. "Cette situation ne fait qu'augmenter les inégalités", pointe la présidente d'université.
Pour les infirmières scolaires, "la coupe est pleine"
Les syndicats dénoncent, eux, la gestion de la crise sanitaire dans les établissements scolaires, à commencer par les infirmières qui appellent à se mobiliser mardi aux côtés des enseignants.
Pour Saphia Guereschi, secrétaire générale du Syndicat national des infirmières conseillères de santé (SNICS-FSU, majoritaire), les infirmières au collège ou au lycée sont accaparées par la gestion de la crise sanitaire et doivent gérer les "phases de dépistage et de tracing", au détriment de l'accompagnement des élèves.
"La grave conséquence de cela : nos jeunes, qui vont très mal, ne peuvent plus être accueillis comme il se doit lors des consultations dans les établissements, car nous ne sommes pas remplacées, il faut réagir très rapidement", prévient-elle.
Saphia Guereschi insiste : "Les infirmières scolaires seront en tête de cortège, très représentées car là, la coupe est pleine".
La principale fédération de parents d'élèves FCPE appelle aussi à la grève mardi pour demander aux autorités de "mieux anticiper la crise sanitaire".
Avec AFP