Les États-Unis ont désigné dimanche le mouvement yéménite houthi comme organisation terroriste. Une annonce qui risque, selon des diplomates et des ONG, de compliquer encore la crise humanitaire qui sévit au Yémen.
À dix jours de la fin de son mandat, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo, a annoncé dimanche 10 janvier, qu'il allait inscrire les rebelles Houthis du Yémen sur sa liste noire des groupes "terroristes", ce qui pourrait bien, selon les organisations internationales, aggraver la crise humanitaire.
Mike Pompeo a expliqué qu'il notifierait le Congrès de cette décision afin de renforcer la "dissuasion contre les activités néfastes du régime iranien", soutien du groupe rebelle yéménite face au gouvernement appuyé par une coalition menée par l'Arabie saoudite, alliée de Washington.
Le gouvernement yéménite s'est félicité lundi de cette décision de l'administration américaine sortante. "Les Houthis méritent d'être classés comme une organisation terroriste étrangère, non seulement pour leurs actes terroristes, mais aussi pour leurs efforts permanents pour prolonger le conflit", a déclaré le ministère des Affaires étrangères du Yémen dans un communiqué.
Une initiative jugée contre-productive par le conseil politique des Houthis, contacté par France 24, qui se dit déterminé à "contrer cette agression".
Les Houthis, "responsables de leurs actes terroristes"
Trois chefs des Houthis sont également inscrits sur liste noire, dont leur principal dirigeant Abdel Malek al-Houthi. Ces sanctions entreront en vigueur le 19 janvier, soit la veille de l'entrée en fonctions du président élu des États-Unis, Joe Biden.
Elles visent à tenir les Houthis, qui contrôlent la capitale Sanaa et la majorité du nord du Yémen, "pour responsables de leurs actes terroristes, notamment pour les attaques transfrontalières menaçant les populations civiles, les infrastructures et le transport maritime", a déclaré Mike Pompeo dans un communiqué publié dans la nuit.
L'annonce était attendue depuis l'élection présidentielle du 3 novembre aux États-Unis. Plusieurs organisations non gouvernementales et institutions internationales redoutaient que le président Trump, battu dans les urnes, ne cherche à frapper un grand coup diplomatique contre l'Iran, son ennemi juré au Moyen-Orient, avant l'arrivée à la Maison Blanche de Joe Biden, qui souhaite renouer le dialogue avec Téhéran.
Selon ces organisations, cette décision risque de provoquer une paralysie de l'acheminement de l'aide humanitaire au Yémen. Avoir des contacts avec des responsables houthis, gérer les impôts, utiliser le système bancaire, payer le personnel médical, acheter nourriture et pétrole... tout cela risque d'être entravé par une telle mesure américaine.
"La pire famine" au monde
Après plus de cinq ans de guerre, le Yémen, pays le plus pauvre de la péninsule arabique où 80 % de la population dépend désormais de l'aide internationale, est déjà en proie à ce que l'ONU a qualifié de pire crise humanitaire au monde.
Et il est maintenant "en danger imminent de la pire famine que le monde ait connue depuis des décennies", avait mis en garde fin novembre le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, exhortant Washington à "ne pas faire tanguer le bateau".
Ces appels n'auront donc été que très partiellement entendus par l'administration Trump, décidée jusqu'au bout à aller à l'encontre du consensus international et à jouer la carte unilatérale.
"Les États-Unis reconnaissent qu'il existe des inquiétudes quant à l'impact que ces désignations auront sur la situation humanitaire au Yémen", a dit Mike Pompeo. "Nous prévoyons de mettre en place des mesures pour réduire leur impact sur certaines activités et importations humanitaires", a-t-il ajouté.
La portée des dérogations qui seront accordées en ce sens sera donc scrutée de près.
Présentant la stratégie de son gouvernement comme devant favoriser les efforts pour parvenir à une solution "pacifique", le secrétaire d'État sortant a assuré être prêt "à travailler avec les responsables des Nations unies et avec les organisations internationales et non gouvernementales" pour minimiser les conséquences sur la population.
"Les déclarations de cet homme n'ont plus aucune signification"
Alors que planait la menace, les Houthis avaient estimé en novembre que Donald Trump n'avait pas le droit de prendre une telle décision après avoir perdu l'élection présidentielle.
"Les élections sont finies et quelqu'un d'autre a gagné (...) Les déclarations de cet homme n'ont plus aucune signification", avait déclaré à l'AFP Sultan al-Samee, vice-président du Conseil politique d'Ansarullah, le nom du mouvement des Houthis.
"S'il désigne Ansarullah comme terroriste, cela viendra d'une personne non compétente qui est en train de devenir complètement dingue", avait-il martelé.
Grand allié de Washington dans le Golfe, l'Arabie saoudite a, elle, déjà classé les Houthis comme groupe "terroriste" en 2014, avant de prendre la tête en mars 2015 d'une coalition appuyant le gouvernement yéménite contre les rebelles.
Avec AFP