Yves Leterme, Premier ministre belge, est accusé par la cour de cassation d'avoir exercé des pressions sur la justice pour qu'elle ne remettent pas en cause le démantèlement de la banque Fortis, critiquée par les petits actionnaires.
AFP - La cour de cassation, la plus haute juridiction belge, a accusé jeudi le gouvernement d'Yves Leterme d'avoir fait pression sur la justice dans l'affaire du démantèlement de la banque Fortis, mettant le Premier ministre dans une situation extrêmement précaire.
"Tout a été mis en oeuvre pour que l'arrêt de la 18e chambre de la cour d'appel ne soit pas prononcé", écrit le président de la cour de cassation, Ghislain Londers, dans une lettre adressée au président de la Chambre belge des députés, Herman Van Rompuy, et rendue publique par celui-ci.
Cette lettre met M. Leterme en situation encore plus délicate, l'opposition ayant réclamé dès mercredi sa démission. Le Premier ministre, un chrétien-démocrate flamand de 48 ans au pouvoir depuis mars, avait alors démenti toute ingérence de l'exécutif dans le judiciaire, même s'il avait reconnu une série de "contacts".
La séance plénière de la Chambre, qui devait reprendre jeudi à 14h00 (13h00 GMT), n'avait toujours pas commencé à 17h00 en raison de l'ébullition provoquée par la lettre de M. Londers.
Un conseil des ministres exceptionnel a été convoqué, qui était toujours en cours à 16h45, selon l'agence Belga.
Après un premier arrêt du tribunal de commerce validant le démantèlement de Fortis en novembre, la cour d'appel de Bruxelles avait, elle, donné raison le 12 décembre aux petits actionnaires de Fortis, en estimant qu'ils auraient dû être consultés au moment du démantèlement de la banque, conduisant notamment au gel de la vente de ses activités belges au français BNP Paribas.
Le gouvernement a depuis indiqué qu'il allait déposer un recours contre cette décision.
Depuis le début des déboires du groupe belgo-néerlandais Fortis, l'une des premières banques européennes victimes de la crise financière, le gouvernement belge a joué un rôle moteur, décidant d'abord de la nationalisation partielle des activités bancaires belges puis de leur nationalisation complète, en attendant la rétrocession prévue de 75% du capital de Fortis Banque Belgique à BNP Paribas.
Mais ce rôle moteur est vilipendé par les petits actionnaires, qui ont vu la valeur de leurs actions s'effondrer et ont intenté une action en justice pour se plaindre de ne pas avoir été consultés dans ces opérations.
C'est dans le cadre de cette action que l'entourage d'Yves Leterme est accusé d'avoir faire pression sur des magistrats : d'abord en première instance via des contacts entre les services du Premier ministre et un représentant du parquet du tribunal de commerce de Bruxelles, puis via le mari d'une juge chargée du dossier lorsque celui-ci s'est retrouvé devant la cour d'appel.
En première instance, le substitut du procureur aurait reçu un appel d'un collaborateur de M. Leterme tandis qu'il rédigeait sa recommandation pour le tribunal, ont écrit les quotidiens économiques belges L'Echo et De Tijd.
Selon ces journaux, le collaborateur d'Yves Leterme aurait lâché avec colère au substitut : "on est très préoccupé par votre avis. Etes-vous réellement conscient de votre responsabilité ?"
L'arrivée au pouvoir de M. Leterme avait été précédée de plusieurs mois de crise politique sur fond de tensions entre francophones et néerlandophones et de conjectures sur un éclatement de la Belgique.
Il est à la tête d'une fragile coalition depuis que le petit parti indépendantiste flamand NVA, qui avait fait alliance avec le parti chrétien-démocrate pour les législatives de juin 2007, a décidé de ne plus soutenir le gouvernement en septembre.