Avec la publication d'un troisième livre depuis sa fracassante démission du poste de chef d'État-major des armées en juillet 2017, le général Pierre de Villiers occupe l'espace médiatique, laissant de plus en plus s'installer une ambiguïté sur son éventuel avenir en politique.
Avec une telle offensive médiatique, le succès en librairie devrait à nouveau être au rendez-vous. Depuis qu'il a quitté avec fracas son poste de chef d'État-major des armées en juillet 2017, quelques jours après avoir été vertement critiqué par Emmanuel Macron pour s'être plaint de la baisse de son budget, le général Pierre de Villiers s'est reconverti en phénomène d'édition.
Son premier livre, "Servir", sorti en 2017, s'est écoulé à plus de 130 000 exemplaires. Le deuxième, "Qu'est-ce qu'un chef ?", publié en 2018, a connu un succès encore plus grand, avec plus de 140 000 exemplaires vendus. Quant au tout dernier, "L'équilibre est un courage", disponible depuis le 14 octobre, les premières ventes annoncent un nouveau best-seller.
L'ancien chef militaire est désormais rodé à la promotion de ses écrits. Il multiplie les interviews et fait depuis plusieurs semaines régulièrement les gros titres de la presse, à l'image de la une du Parisien, dimanche 6 décembre, qui lui était consacrée. Mais à la différence de ce qui avait été observé lors de la publication de ses deux premiers livres, le contenu de son dernier ouvrage et l'offensive médiatique actuelle ont un accent fort politique.
Gestion de la pandémie de Covid-19, projet de loi sur les séparatismes, violences policières : dans son interview au Parisien, Pierre de Villiers évoque de nombreux sujets d'actualité et partage sa "crainte" d'une possible "guerre civile" en France.
"Je ne fais pas ces livres en vue d'un quelconque mandat politique", répond-il toutefois lorsqu'il est interrogé sur l'éventualité d'un futur engagement. Avant d'ajouter, comme pour laisser planer l'ambiguïté : "Je suscite visiblement un certain nombre d'espérances. Il est vrai que ma démarche est authentique."
Un discours qui parle à l'électorat de droite
Ainsi, 20 % des Français seraient prêts à voter pour l'ancien chef d'État-major des armées s'il était candidat à l'élection présidentielle de 2022, selon une étude réalisée par l'Ifop et publiée dans Valeurs actuelles fin novembre. Un chiffre qui monte à 29 % chez les personnes ayant voté Marine Le Pen en 2017 et jusqu'à 41 % chez les électeurs de François Fillon.
"La situation est telle qu'on peut imaginer qu'une flambée du populisme en France le verrait être propulsé au pouvoir dans une élection", juge l'historien Éric Deroo, auteur du documentaire "La République et ses généraux", interrogé par L'Opinion. "Ce n'est pas la personnalité de Pierre de Villiers qui compte, mais le fait qu'il soit général. Si ce n'était pas lui, ce pourrait être un autre. La parole des hommes politiques est aujourd'hui tellement démonétisée que celle des représentants de la Grande muette [surnom de l'armée française, NDLR] apparaît, paradoxalement, plus sérieuse et plus fiable."
Pas étonnant, dans ce contexte, qu'une telle figure d'autorité capable de capter l'attention de l'électorat de droite suscite beaucoup d'intérêt. "C'est une personnalité médiatique qui a émergé et qui porte nos valeurs", admet Annie Genevard, vice-présidente de l'Assemblée nationale et présidente du Conseil national du parti Les Républicains (LR), contactée par France 24. "L'ordre, l'autorité, la défense de la patrie, la grandeur de la France, l'humanisme : son discours est assez juste et parle à une partie de notre électorat", ajoute-t-elle.
Si bien que plusieurs élus LR l'ont déjà rencontré. Mais le frère cadet de l'ancien candidat à l'élection présidentielle, Philippe de Villiers, ferme pour le moment la porte à toute adhésion. "Je n'ai vraiment aucune raison d'entrer dans un parti, ou d'en créer un", assure-t-il au Parisien.
"Il n'y a pas de marqueur fort, c'est un robinet d'eau tiède !"
Du côté du Rassemblement national (RN), on voit dans l'agitation médiatique et politique autour du général Pierre de Villiers "une sorte de mirage". "Autant son frère est pétillant et original, autant Pierre de Villiers est très conformiste. Il n'y a pas de marqueur fort, c'est un robinet d'eau tiède !", juge Philippe Olivier, conseiller et beau-frère de Marine Le Pen, contacté par France 24. "Je ne l'ai pas entendu dire qu'il fallait arrêter l'immigration, sortir du carcan européïste ou sortir de l'Otan. Je l'entends chez son frère, mais pas chez lui", insiste-t-il, comme pour souligner le fossé qui sépare le général du RN et, entre les lignes, l'absence d'inquiétude par rapport à une éventuelle candidature.
En revanche, l'Élysée surveille de près la montée en puissance du phénomène. Pierre de Villiers assure n'avoir aucune amertume trois ans après son départ mouvementé de l'armée. Les constats qu'il dresse sont en revanche très critiques à l'égard de l'action d'Emmanuel Macron. "Selon un vieux principe militaire, on ne change pas de stratégie face à l'ennemi en cours d'action. Encore faut-il avoir une stratégie. La phrase que j'entends le plus, c'est : 'On marche sur la tête, mon général'. L'autorité des dirigeants et la confiance en eux diminuent depuis longtemps", assène-t-il dans Le Parisien au sujet de la gestion de la crise sanitaire.
Mais pour l'heure, rien n'indique clairement qu'une entrée formelle en politique est en préparation. Le principal intéressé affirme seulement vouloir "contribuer aux réflexions stratégiques" et "inspirer les dirigeants". Il faudra donc attendre encore quelques mois avant de savoir ce que prépare réellement le général Pierre de Villiers pour 2022.