Alors que la crise économique engendrée par la pandémie de coronavirus a aggravé la pauvreté en France, elle risque plus fortement d'amplifier la précarité des moins de 30 ans en France, selon un rapport de l'Observatoire des inégalités dévoilé jeudi. Ceux-ci représentent déjà près de la moitié des pauvres en France.
Les associations tirent la sonnette depuis plusieurs mois : la crise économique engendrée par la pandémie de Covid-19 a fait augmenter la pauvreté en France et les ONG constatent que de nouveaux profils viennent chercher l'aide alimentaire. Selon un rapport de l'Observatoire des inégalités rendu public jeudi 26 novembre, les moins de 30 ans pourraient être les plus affectés, alors qu'ils représentent déjà près de la moitié des pauvres en France.
"Les personnes âgées ont payé les plus lourdes conséquences du coronavirus en matière de santé, les jeunes vont subir l'essentiel de ses retombées économiques", a déclaré jeudi Louis Maurin, directeur de l'Observatoire des inégalités, lors d'une présentation de la deuxième édition du "Rapport sur la pauvreté".
Difficultés de formation, d'insertion dans un marché du travail déprimé et où les entreprises sont dans l'incertitude quant à leur avenir, précarité plus importante des parents : les jeunes sont "les principales victimes de cette situation", a souligné Louis Maurin, comme l'ont déjà fait avant lui ces dernières semaines de nombreuses associations, notamment d'aide alimentaire.
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De nouveaux profils : des étudiants, des actifs, des soignants…
Depuis des mois les associations lancent des cris d'alarme, constatant une augmentation de la pauvreté, notamment avec de nouveaux profils qui faisaient rarement appel à l'aide alimentaire ou autres, comme des étudiants ou des intérimaires.
Selon différentes associations caritatives, un million de Français supplémentaires auront basculé dans la pauvreté avant 2021. Une hausse constatée par le local du Secours populaire de la rue Montcalm, à Paris. "Entre le début de la crise sanitaire et maintenant, on constate entre 30 et 35 % de bénéficiaires en plus, ce qui est un chiffre assez considérable", explique David Fargier, responsable de la distribution sur le libre-service solidaire.
"On avait historiquement des familles avant toute chose, assez peu de personnes isolées, très peu d'étudiants. Mais là, même des gens qui travaillent ou des étudiants ont du mal à joindre les deux bouts et font appel au Secours populaire."
À l'image de Julia, en master 2, qui pourtant travaillait dans une bijouterie fantaisie avant le reconfinement. Ou encore Sofia, dont le mari n'a plus de revenus, qui a déjà fait appel aux aides alimentaire deux fois.
Selon l'Observatoire des inégalités, en 2018 – dernière année connue – on comptait 5,3 millions de pauvres vivant avec moins de 885 euros par mois, soit 8,3 % de la population. Parmi eux, plus de la moitié (52 %) étaient âgés de moins de 30 ans, dont un tiers étaient des enfants et des adolescents grandissant dans une famille pauvre, relève l'Observatoire.
Cet observatoire indépendant a adopté depuis plusieurs années une définition plus restrictive de la pauvreté, en la situant sous le seuil de 50 % du revenu médian (contre 60 % pour les organismes officiels). Selon elle, "plus proche de la réalité".
Anne Brunner, qui a dirigé ce travail, rappelle que le niveau de vie médian des jeunes "est deux fois inférieur au niveau de vie des Français".
Plaidoyer pour un revenu minimum unique sous conditions
Pour atténuer les effets de la crise, l'Observatoire plaide pour l'instauration d'un revenu minimum unique qui "garantirait la sortie de la pauvreté". Versé sous conditions de ressources et ouvert aux jeunes, il atteindrait 900 euros mensuels après versement des aides sociales. Son coût est estimé entre 7 et 10 milliards d'euros.
"Cela équivaut à la moitié de la baisse de la taxe d'habitation ou à 10 % du plan du relance. Ce sont des choix politiques", a fait valoir son directeur.
Le Premier ministre a annoncé jeudi l'extension en 2021 de la Garantie jeunes à 200 000 bénéficiaires. Une aide exceptionnelle de 150 euros doit par ailleurs être versée vendredi à quelque 400 000 jeunes bénéficiaires des APL ou boursiers.
À cela s'ajoute un appel à projets de 50 millions d'euros lancé par le gouvernement, dans l'objectif de faire émerger ou moderniser des dispositifs de lutte contre la pauvreté. Les associations ont jusqu'au 15 janvier pour candidater.
Avec AFP