Trop dépendante de la Russie pour son gaz, l'Europe essaie de trouver d'autres moyens d'assurer son approvisionnement. Mais dans la course à l'énergie, l'UE n'est pas assurée d'arriver la première...
Janvier 2009. En plein hiver, la Russie coupe les robinets de gaz qui alimentent les gazoducs en direction de l’Europe. La raison : l’Ukraine, pays de transit de 80% du gaz russe à destination de l’UE, n’a pas payé sa facture de gaz. Une facture qui s’élève à plusieurs millions d’Euros … Résultat, plusieurs foyers des pays membres de l’Union Européenne ne peuvent se chauffer durant l’hiver. Parmi les pays les plus touchés : l’Estonie, la Lituanie ou encore la Lettonie.
Depuis, la facture a été payée, mais par qui ? Par les Ukrainiens empêtrés dans la crise économique ? La BEI ? Le FMI ? La Banque mondiale ? ou encore l’UE dont le porte parole du commissaire à l’énergie assure qu’aucune aide financière n’a été apportée à Kiev ?
Et ce n’est pas la première fois que le Vieux Continent paie cher sa dépendance énergétique vis-à-vis de son puissant voisin russe. En 2006, elle avait déjà subi une coupure de l’approvisionnement en gaz.
Une situation qui ne peut rester inchangée si l’UE veut assurer un apport en gaz fiable à tous ses foyers.
A Bruxelles, plusieurs pistes sont envisagées afin de diminuer cette dépendance énergétique.
Le Gaz Naturel Liquéfié
Une première initiative se situe à South Hook, ville côtière, au Pays de Galles. Il s’agit d’un terminal de Gaz Naturel Liquéfié ou GNL. Ce terminal peut être approvisionné en gaz de partout dans le monde, via un transport maritime. De gigantesques cuves permettent de stocker le gaz liquéfié et ainsi de pourvoir aux besoins d’une ville telle que Londres pendant une semaine. Une solution prometteuse qui séduit l’Italie mais qui ne permet cependant pas de couvrir tous les besoins d’un pays en cas de crise de l’approvisionnement en gaz par la voix classique.
Nabucco vs Gazprom
L’autre solution envisagée est de passer par un autre pipeline. L’Union Européenne et sa Commission à l’énergie soutiennent le projet Nabucco. Un gazoduc passant par le sud de l’Europe, évitant soigneusement l’Ukraine et transitant par la Turquie. Nabucco devrait puiser son gaz notamment au Turkménistan et en Azerbaïdjan, d’anciennes républiques soviétiques. Les négociations sont en cours mais les Européens ont été devancés par les Russes. En Juin 2009, Moscou et Bakou ont signé des accords pour l’approvisionnement en gaz azéri du tout nouveau pipeline russe, South Stream, empruntant le même chemin que Nabucco !
Un pipeline qui compte bien asseoir la domination russe dans ce domaine mais pas question pour la Commission européenne de parler de concurrence entre les deux réseaux. Même si Bakou assure vouloir également s’impliquer dans Nabucco, rien n’est encore signé avec les Européens.
Et Gazprom ne compte pas s’arrêter là. Un autre gazoduc russe, passant cette fois-ci au nord de l’Europe est en construction. Son nom : Nord Stream. Il traverserait la Baltique pour rejoindre l’Allemagne.
Une politique énergétique européenne à l’épreuve des ambitions nationales.
Malgré la volonté affichée par Bruxelles de faire front commun face à Gazprom, les capitales européennes, elles, marchent en ordre dispersé.
L’italien ENI a investi dans South Stream tandis que les groupes allemands E.ON et BASF participent au projet Nord Stream, piloté par Gerhard Schröder !
En France aussi on s’intéresse aux nouveaux pipelines russes. EDF devrait bientôt rejoindre South Stream. Quant à GDF Suez, dont la participation dans Nabucco a été rejetée par la Turquie (conséquence de la reconnaissance du génocide arménien par Paris), il devrait bientôt entrer dans le consortium de Nord Stream à hauteur de 9%.
Coincée par sa dépendance au gaz russe, son projet de pipeline qui ne verra pas le jour avant 2014 (si tout va bien…) et son manque de cohérence dans sa politique énergétique, l’Union Européenne n’a toujours pas sécurisé complètement son approvisionnement en gaz.
Une enquête de Fabien Thelma et de Mounia Ben Aïssa.