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Covid-19 : en Île-de-France, un précaire sur deux touché par le virus

Une enquête menée par Médecins sans frontières, Épicentre et l’Institut Pasteur a démontré que les populations précaires et notamment les sans-abri étaient particulièrement vulnérables face au Covid-19. Les associations appellent à revoir la politique d'hébergement d'urgence avant l'hiver.

C'est une double peine. Non seulement les plus précaires sont davantage touchés par les conséquences économiques du Covid-19 mais ils présentent également un taux de surcontamination au virus. C'est ce que révèle une étude conjointe de Médecins sans frontières (MSF), Épicentre et l’Institut Pasteur. Publiée le 6 octobre, cette enquête est la première du genre en Europe.

En Île-de-France, "40 % des SDF ont été infectés par le Covid-19", alerte Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique, au micro de RMC, s'appuyant sur cette même étude. "La précarité et la grande précarité sont très touchées par cette maladie."

L’étude a été menée entre le 23 juin et le 2 juillet 2020 en région parisienne auprès de 818 personnes sur quatorze lieux d’intervention de Médecins frontières : deux sites de distribution alimentaire, deux foyers de travailleurs et dix centres d’hébergement d’urgence, situés à Paris, dans le Val d’Oise et en Seine-Saint-Denis.

#Covid_19 : « La circulation du #virus a été plus particulièrement active dans les situations où la promiscuité était la plus forte, c’est-à-dire quand la personne doit partager chambre, douches et cuisine avec plusieurs autres personnes » @Epicentre_MSF https://t.co/1mer4I7WQZ

— MSF France (@MSF_france) October 7, 2020

"Quand on se lance dans une enquête, on a forcément une hypothèse mais on a été surpris du niveau de prévalence dans certains sites", explique Thomas Roederer, épidémiologiste à Epicentre et co-auteur de l'étude, joint par France 24. "Un précaire sur deux était séroprévalent avec une grande différence selon les lieux de tests."

Les chiffres sont en effet alarmants : 18 % et 35 % des personnes testées étaient séroprévalentes au sein des deux sites de distribution alimentaire. Dans les centres d'hébergements d'urgence, le chiffre varie entre 23 à 62 % des concernés. C'est au sein des foyers de travailleurs que les chiffres sont les plus impressionnants : 82 % et 94 %.

À titre de comparaison, une étude de Santé Publique France a récemment montré qu'environ une personne sur dix (12 %) en Île-de-France était séropositive au Covid-19.

La promiscuité des hébergements en cause

L'étude a permis de déterminer que le principal facteur explicatif était lié "à la promiscuité et à la densité de population", souligne Thomas Roederer.

"Sans équivoque, les facteurs de risque les plus associés à la séropositivité sont ceux liés au fait de vivre dans un logement bondé", explique l'étude. "Nous avons détecté 4,3 fois plus de séroprévalents parmi les individus partageant une chambre  avec plus de cinq personnes que chez ceux ayant une chambre individuelle. Nous avons également détecté 3,1 fois plus de séroprévalents chez ceux partageant leurs sanitaires avec plus de 5 personnes que chez ceux n'ayant pas besoin de les partager."

La grande majorité des participants ont par ailleurs indiqué avoir généralement respecté les mesures barrières, bien que difficilement applicables sur leurs lieux de vie.

Un changement de stratégie pour l'hiver ?

"C'est ce qu'on disait depuis le début, on savait que ces conditions d'accueil ne pouvaient pas fonctionner, que c'était impossible d'y respecter les gestes barrières", regrette Corinne Torre, cheffe de mission en France pour MSF, interrogée par l'AFP.

Désormais, les associations s'inquiètent de la répétition du scénario, alors que l'hiver arrive. Un danger aggravé cette année car en raison du contexte sanitaire, les hôpitaux ne pourront pas jouer le rôle d'hébergement d'urgence de substitution.

"On craint que les mises à l'abri ne se fassent encore à l'arrache, avec des gens envoyés massivement en gymnases. On craint de repartir dans le même schéma", avertit la cheffe de mission.

"On a envie d'alerter de la situation dans certains sites. Notre échantillon est assez petit donc on ne peut extrapoler à l'ensemble des foyers et centres d'hébergement mais il permet de conclure que certaines stratégies n'ont pas été les meilleures", alerte Thomas Roederer tout en rappelant que les différents acteurs – ministère de la Santé, ARS, collectivités locales – ont fait du mieux qu'ils ont pu, compte-tenu des circonstances.

Selon un article du Parisien, la mairie de Paris planche très sérieusement sur le sujet. Parmi les propositions : les tests systématiques de personnes envoyées en hébergement d'urgence ainsi que la réquisition des centres de congrès et hôtels, qui resteront vides durant la saison froide.

"Idéalement, il faudrait reloger toutes les personnes à la rue dans des chambres individuelles", formule Thomas Roederer. "À défaut, il faudrait choisir de cibler les personnes les plus vulnérables ou les plus à risques parmi ces populations."