Dans son dernier rapport, Amnesty international alerte sur le sort de près de 2 000 enfants yazidis, enlevés dans le nord de l'Irak par l'organisation État islamique (EI). Même en liberté, ils se débattent avec leurs traumatismes, tant physiques que psychologiques.
Ils ont été enlevés, torturés, forcés à combattre, violés. En 2014, quand les troupes de l'organisation État islamique (EI) ont lancé l'offensive contre la région du Mont Sinjar, dans le nord de l'Irak, des milliers de Yazidis, ce peuple kurdophone installé depuis des millénaires dans la région, ont été tués, enlevés ou déplacés. Parmi eux, des enfants, des bébés parfois. Sur les 6 800 personnes enlevées, 33 % avaient moins de 14 ans, estime l'ONG Amnesty international qui alerte sur le sort des survivants.
Près de 2 000 d'entre eux, 1 992 exactement, sont restés aux griffes de l'EI pendant trois années. Libérés en 2017, ils ont retrouvé leurs familles, souvent dans des camps de réfugiés. Mais ils peinent à surmonter leurs traumatismes, estime l'ONG dans son dernier rapport.
"Si leur cauchemar a pris fin, ils vivent toujours des temps difficiles : leur santé physique et mentale doit être la priorité pour qu'ils réintègrent vraiment leur famille et leur communauté", souligne l'ONG qui a réalisé des entretiens avec des dizaines d'entre eux.
Réapprendre à vivre
Certains doivent réapprendre à vivre après une amputation, d'autres avec des cauchemars, et surtout, tous doivent renouer avec une communauté que les jihadistes les ont forcés à haïr. Beaucoup, enlevés jeunes, ne parlent plus le kurde, mais l'arabe appris auprès des jihadistes. Certains ont même été renommés.
Beaucoup surtout ont été forcés à prendre les armes. Amnesty cite l'un d'eux, Sahir, enrôlé de force à 15 ans "sous peine de mort". À son retour, dit-il, "je voulais seulement que quelqu'un me dise : 'je suis là pour toi', mais ça n'est jamais arrivé".
Les filles, elles, dès l'âge de neuf ans, pouvaient être vendues comme esclaves sexuels. Violées, parfois en groupe, battues, harcelées, beaucoup ont porté l'enfant de leur viol. "Je ne voulais pas d'enfant de cet homme, je ne veux jamais le revoir, mais je veux mon enfant", dit Janane, 22 ans, alors que les plus hautes autorités religieuses yazidies bannissent tout enfant né d'un parent non-Yazidi.
"On a toutes pensé à nous suicider ou tenter de le faire", renchérit Hanane, 24 ans, qui ne voit plus sa fille. "Quoi qu'on ait vécu sous l'EI, on souffre encore plus aujourd'hui."
Le retour indispensable à l'école
Il faut aussi que ces enfants puissent retourner à l'école, un lieu de socialisation indispensable à leur rétablissement, assure l'ONG qui souligne que des dizaines de milliers de Yazidis vivent toujours dans des camps de réfugiés. Une gageure pour des familles qui se sont ruinées pour payer des milliers d'euros de rançon et récupérer leur enfant, souligne Amnesty.
Avec AFP