La centrale nucléaire de Fessenheim a été définitivement arrêtée : son second réacteur a été débranché du réseau électrique national lundi soir. Une victoire pour les antinucléaire mais un crève-coeur par les salariés et les habitants de la petite commune du Grand Est français.
La doyenne des centrales nucléaires françaises, ne produira plus d'électricité : le second réacteur de la centrale de Fessenheim, dans l'est de la France, a été débranché du réseau électrique national lundi 29 juin à 23 h. Un point final après des années de remous, de débats et de reports de son arrêt.
Pour les salariés du site, le moment fut éprouvant. Peu avant 23 h, une vingtaine de salariés se sont donné rendez-vous devant la centrale pour être présents au moment de son arrêt définitif. L'occasion d'émouvantes photos de groupe devant les portes de l'enceinte, où sont toujours accrochées des banderoles clamant "Fessenheim la sacrifiée !" ou "La fermeture anticipée est une faute historique".
"Avant, c'était vraiment de la colère, maintenant c'est de la tristesse", déclare Sébastien Reyne, qui travaille à la centrale depuis 1996 et fait partie de l'équipe de 60 personnes qui s'occupera du démantèlement. "J'avais besoin de venir, de vivre ces derniers moments" entre collègues.
Du côté des habitants de la commune, la peine est partagée. Les 2 500 habitants de ce village autrefois modeste ont vécu pendant des décennies grâce aux importantes retombées économiques et fiscales de cette installation et craignent un grand trou d'air économique : aucun projet n'est officiellement arrêté pour l'après-Fessenheim. Fermer la centrale, alors qu'elle "est en bon état de marche et a passé tous les tests de sécurité", est "absurde et incompréhensible", regrette ainsi le maire Claude Brender.
"Une étape, pas un aboutissement"
Les antinucléaires français, allemande, ou Suisse ont quant à eux célébré une fermeture attendue depuis des années. Lundi après-midi, des antinucléaire ont organisé une sortie sur un bateau naviguant sur le Rhin. "C'est enfin la fermeture de cette centrale qu'on attendait depuis si longtemps. Pour autant, on a un peu le triomphe sobre parce que c'est une étape, il y a encore 56 autres réacteurs à fermer. Il faut continuer à se battre", a déclaré Charlotte Mijeon, porte-parole de Sortir du Nucléaire.
Ayant décidé de ne pas se rendre à Fessenheim même, pour "ne pas faire de la provocation", une centaine de militants antinucléaire français et allemands se sont ensuite rejoints en fin d'après-midi sur un pont surplombant le Rhin, exactement à la frontière. Ils ont jeté dans le fleuve une bouée remplie de paillettes dorées, symbole de l'énergie nucléaire jetée à l'eau.
"Nous y sommes arrivés, le deuxième réacteur de Fessenheim ferme aujourd'hui, c'est l'aboutissement de 50 ans de lutte commune entre Français et Allemands pour protéger notre cadre de vie", a déclaré au porte voix Suzie Rousselot de Stop Fessenheim, sous les applaudissements.
Objectif global de réduction du nucléaire
La fermeture de la centrale de Fessenheim avait été annoncée par François Hollande avant son mandat de président de la République, de 2012 à 2017, puis confirmée par Emmanuel Macron lors de la campagne pour l'élection présidentielle de 2017. Elle s'inscrit dans l'objectif de la France de faire baisser à 50% la part du nucléaire dans sa production d'électricité en 2035 - contre 71% en 2019 -, ce qui implique la fermeture de 14 réacteurs d'ici là.
Mise en service en 1977 en bordure du Rhin, près de l'Allemagne et de la Suisse, la centrale de Fessenheim produisait en moyenne 11 milliards de kilowattheure (kWh) chaque année, soit 70 % de la consommation d'électricité d'une région comme l'Alsace grâce à deux réacteurs à eau pressurisée, d'une puissance de 900 mégawatts (MW) chacun. Le réacteur N°1 avait été arrêté le 22 février.
Le démantèlement de la centrale s'annonce à présent très long : 15 ans sont prévus pour démonter les deux réacteurs, à commencer par l'évacuation du combustible hautement radioactif, qui s'achèvera au mieux en 2023. Le démantèlement proprement dit, inédit en France à cette échelle, devrait débuter à l'horizon 2025 et durer au moins jusqu'en 2040.
Avec AFP